Réforme des retraites : ce que l’on sait de ce dossier explosif, bientôt présenté aux Français – Ouest-France

La Première ministre Élisabeth Borne a dévoilé une partie du contenu du très controversé projet de réforme des retraites, qui sera présenté le 15 décembre aux Français, à l’issue des concertations avec les organisations patronales et syndicales.

La cheffe du gouvernement a de nouveau défendu, ce vendredi 2 décembre 2022 dans Le Parisien, la nécessité de cette réforme, tout en taclant l’irresponsabilité de La France insoumise et du Rassemblement national de vouloir revenir à la retraite à 60 ans. « Si on ne fait rien, nous aurons plus de 100 milliards d’euros de dette supplémentaire pour notre système de retraite dans les dix prochaines années, a-t-elle plaidé. Si on ne fait pas cette réforme, c’est clairement annoncer aux retraités qu’ils auront demain un pouvoir d’achat affaibli. »

Âge de départ, montant minimum, régimes spéciaux… Voici ce que l’on sait – et ce que l’on ne sait pas encore – sur la réforme des retraites.

L’âge de départ à la retraite

C’est le point le plus explosif de cette réforme des retraites : l’âge de départ à la retraite, aujourd’hui fixé à 62 ans. Une question si épineuse qu’elle n’est pas encore tranchée. Mais le gouvernement entend bien s’accrocher au départ à 65 ans, un engagement sur lequel Emmanuel Macron a fait campagne. « Le report progressif de l’âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans d’ici 2031, c’est ce qui permet de ramener le système à l’équilibre dans les dix ans », a encore défendu la Première ministre dans les colonnes du Parisien. « On a toujours été clairs sur ce sujet. Ce sera 65 ans », a aussi renchéri Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, sur Franceinfo ce vendredi.

Toutefois, le gouvernement ne se dit pas fermé à l’alternative d’un report de l’âge légal à 64 ans, au lieu de 65, à condition d’allonger dans le même temps la durée de cotisation. En octobre dernier, le président de la République s’était en effet dit « ouvert » à cette alternative. Concrètement, il s’agirait d’accélérer la mise en œuvre de la réforme Touraine qui doit porter progressivement la durée de cotisation à 43 ans d’ici 2035 (soit 172 trimestres cotisés ou validés) à compter de la génération 1973. Actuellement, il faut avoir cotisé 168 trimestres, soit 42 ans, pour toucher une retraite à taux plein.

Le gouvernement insiste par ailleurs sur le caractère progressif de la mesure. Emmanuel Macron avait notamment parlé de quatre mois de plus par an. Élisabeth Borne a indiqué que la réforme s’appliquera à partir de l’été 2023, « donc à partir de la génération née au deuxième semestre 1961 », a-t-elle précisé.

Carrières longues

Le gouvernement compte maintenir le principe de « carrières longues », qui permet de partir deux ou quatre ans avant l’âge légal à la retraite si l’on a commencé à travailler avant 20 ans.

L’âge de départ des carrières longues devrait donc être reculé de quelques années si l’âge légal passe à 64 ou 65 ans, et son principe sera « assoupli pour ceux qui ont vraiment commencé à travailler très tôt », selon Élisabeth Borne, qui veut prendre en compte les périodes de congé parental dans le calcul de la durée de cotisation.

Les concertations se poursuivent avec les partenaires sociaux pour fixer l’âge correspondant au « très tôt » de la Première ministre. « Il faudra, par exemple, se poser la question des jobs d’été qui sont aujourd’hui pris en compte ou de l’âge auquel les personnes ont réellement commencé à travailler », a commenté la cheffe du gouvernement.

La pénibilité

Sur la pénibilité, le gouvernement s’est dit ouvert à faire évoluer les facteurs de pénibilité pris en compte pour les départs anticipés.

Il est notamment question de déplafonner le compte professionnel de prévention (C2P). Les salariés exposés à certains risques (travail de nuit, bruit, températures extrêmes…) accumulent des points – plafonnés actuellement à 100 points – qui sont le plus souvent utilisés pour partir en retraite plus tôt – deux ans maximum. Un consensus se dégage donc pour relever ce quota de points, mais aussi pour une « meilleure valorisation de la poly-exposition » (plusieurs risques simultanés), ou encore pour financer via le C2P une reconversion après une certaine période d’exposition. « Il faut permettre de nouvelles utilisations du compte pénibilité, par exemple pour un congé de reconversion », a fait valoir Élisabeth Borne.

La porte est aussi ouverte à un retour de trois facteurs de risques supprimés en 2017 : le port de charges lourdes, postures pénibles et vibrations mécaniques.

« Sur les fins de carrière, on doit permettre aux personnes « cassées » par le travail de pouvoir, au vu de leur état de santé, partir un peu plus tôt en retraite », a convenu Élisabeth Borne.

Le montant des retraites

Le gouvernement promet une retraite équivalente à minimum 85 % du Smic pour les carrières complètes. Si la somme de 1 100 € avait été annoncée lors de la campagne présidentielle, le gouvernement affiche désormais un chiffre à la hausse étant donné que le montant du Smic a depuis augmenté.

« Quand la réforme entrera en vigueur, cela correspondra à 1 200 € au moment du départ à la retraite pour une personne qui a tous ses trimestres », a confirmé Élisabeth Borne.

Les régimes spéciaux

Les régimes spéciaux seront supprimés, a confirmé le gouvernement. « Les nouveaux recrutés des régimes spéciaux seront affiliés au régime général d’assurance vieillesse, comme tous les salariés du privé », a déclaré Élisabeth Borne, qui fait valoir la clause du grand-père. C’est-à-dire que la fin des régimes spéciaux ne concernera que les nouveaux recrutés entrant sur le marché du travail. Ceux qui sont déjà sur le marché du travail et sont actuellement concernés par les régimes spéciaux en bénéficieront encore.

Ainsi, ces régimes spéciaux disparaîtraient progressivement au gré du rattachement au régime général des nouveaux entrants dans les entreprises concernées. La Première ministre a notamment cité quelques régimes spéciaux de retraite qui seront impactés : la Banque de France, la RATP, et les salariés des Industries électriques et gazières (IEG).

Quelles autres entreprises seront concernées ? « L’objectif, c’est d’harmoniser notre système au maximum », a répondu Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, pointant que les arbitrages sont toujours en cours.

L’âge d’annulation de la décote ne bouge pas

Le gouvernement a d’ores et déjà annoncé sa volonté de ne pas toucher à l’âge d’annulation de la décote, qui restera fixé à 67 ans. La décote est la réduction appliquée à votre retraite si vous y partez sans avoir droit à une retraite à taux plein.

Actuellement, si vous avez atteint l’âge légal du départ à la retraite, mais que vous n’avez pas réalisé le nombre de trimestres d’assurance exigé pour bénéficier d’une retraite à taux plein, votre retraite subit une décote de 1,25 % par trimestre manquant (sans pouvoir excéder 12,5 %). À compter de 67 ans, cette décote ne s’applique plus.

Index senior

Le gouvernement étudie la possibilité d’instaurer un index senior pour lutter contre les discriminations liées à l’âge. Celui-ci mesurerait le taux d’emploi des plus de 50 ans, par entreprise ou par branche, avec des indicateurs de recrutement ou encore de formation. S’il n’est pas question encore de sanctions, contrairement à l’index de l’égalité professionnelle femmes-hommes, Élisabeth Borne compte « responsabiliser les entreprises pour qu’elles ne se séparent pas des seniors et les embauchent ».

Le gouvernement promeut également le cumul emploi-retraite, la retraite progressive ou encore l’accès des seniors à la formation professionnelle.

« Aujourd’hui, les retraités qui travaillent sont soumis à des cotisations sans que des droits supplémentaires à la retraite ne leur soient ouverts. Nous allons changer cela pour permettre d’améliorer le montant de la retraite et inciter au travail, a indiqué la Première ministre. Nous allons aussi simplifier et rendre le dispositif de retraite progressive plus incitatif pour favoriser les temps partiels en fin de carrière. Nous sommes prêts à élargir ce dispositif à la fonction publique. »

Après avoir détaillé sa réforme des retraites le 15 décembre, le gouvernement présentera le texte en Conseil des ministres au début de l’année prochaine, pour un examen au Parlement au printemps. L’objectif est que la réforme des retraites entre en vigueur avant la fin de l’été, a détaillé la Première ministre.

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