Présidentielle : Eric Zemmour a-t-il utilisé des images sans autorisation pour officialiser sa candidature ? – Le Parisien

Dix minutes pour officialiser une candidature à l’élection présidentielle. Dix minutes au cours desquelles Éric Zemmour lit un texte, dans un décorum rappelant l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle. Le tout entrecoupé d’images d’affrontements dans le pays. Mais aussi d’autres séquences, comme d’extraits de films, tel « Jeanne d’Arc » de Luc Besson, ou « Les Choses de la vie » de Claude Sautet. Tout comme des extraits d’émissions de radio et de télévision, plus ou moins récentes.

Des dizaines de passages que certains protagonistes ont découverts à leur plus grande surprise ce mardi à la mi-journée lors de la diffusion de la vidéo du polémiste. C’est le cas du Parisien, dont le logo apparaît dès les premières secondes du clip. « Nous n’avons pas été sollicités par l’équipe d’Éric Zemmour. Et si cela avait été le cas nous aurions refusé. Nos images n’ont pas vocation à servir une campagne politique », indique la direction du journal. Le Parisien a lancé auprès de YouTube une réclamation pour atteinte au droit d’auteur, dans le but que « nos contenus utilisés sans autorisation soient rendus inaccessibles ».

Contactés, plusieurs médias et journalistes nous confirment également n’avoir reçu aucune demande de la part de l’équipe d’Éric Zemmour afin d’utiliser ces séquences dans le clip de campagne.

LCI et BFMTV interrompent la diffusion

« Nous n’avons pas été sollicités pour l’utilisation de ces images », fait notamment savoir BFMTV, qui, après une première diffusion de la vidéo d’Éric Zemmour à la mi-journée, a décidé de ne pas la reprogrammer pour le moment, « n’ayant pas les autorisations en tant que chaîne de télévision pour la diffusion de certaines images. » Une décision également prise par LCI, qui a coupé l’annonce après quelques minutes d’antenne, estimant avoir montré « l’essentiel de cette vidéo ».

Même chose pour les différentes entreprises audiovisuelles du service public, dont les vidéos sont particulièrement utilisées dans le clip d’Éric Zemmour. « Nous n’étions pas au courant, nous assurent dans une déclaration conjointe l’INA, Radio France et France Télévisions. Il conviendra qu’il s’acquitte des droits des images reprises, comme tout le monde. » « Mais il y a un flou autour de l’utilisation des images sur les réseaux sociaux…, admet-on dans les couloirs d’une des chaînes dont les images ont été reprises dans la vidéo. Pas sûr qu’il y ait des plaintes au final. »

Le journaliste indépendant Clément Lanot affirme également n’avoir accordé aucune autorisation. « J’étudie la situation », nous dit-il. CNews, ancien employeur du polémiste et dont quelques passages sont repris tout au long de ces dix minutes, nous fait savoir qu’elle « ne commente pas (ses) pratiques commerciales ».

Gaumont se réserve le droit d’engager des actions en justice

De son côté, la société cinématographique Gaumont a indiqué qu’elle se réservait le droit d’engager des actions contre le polémiste et candidat à la présidentielle. Car, en cas d’infraction constatée, il s’agirait là d’une violation des droits d’auteur, avec une peine allant jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.

Par ailleurs, le musicien et interprète Woodkid a déjà fait savoir qu’il engagerait des poursuites envers le groupe de soutien Génération Zemmour, qui avait également utilisé sa musique sans autorisation dans une vidéo de propagande.

« On fait les choses comme il faut »

L’équipe d’Éric Zemmour, elle, affirme que « tout a été réglé et est en cours de règlement pour les images ajoutées récemment. On fait les choses comme il faut. Idem pour les droits de la musique (un extrait de la Symphonie n° 7 de Beethoven). Forfait payé. »

L’entourage du candidat d’extrême droite fait aussi référence au « fair-use ». Or, ce principe issu du droit américain, qui instaure un droit de citation assez large, n’a pas de véritable équivalent dans la loi française. Si le code de la propriété intellectuelle français prévoit bien une exception pour les courtes citations, elle s’applique seulement à des fins informatives, pédagogiques ou scientifiques. L’exception ne s’applique donc pas à un clip de campagne politique.

« Il s’agit là d’une œuvre composite », donc l’équipe de Zemmour aurait dû obtenir « le droit des auteurs des œuvres incorporées », assure Basile Ader, avocat spécialisé en droit des médias. Selon lui, « deux actions en contrefaçon » sont possibles ici : « l’action de réparation du préjudice subi », qui permet d’obtenir des dommages et intérêts, « et/ou l’action en urgence devant le juge des référés en vue de la suppression » de la vidéo.

Pour Quentin Renaud, avocat en droit de la propriété intellectuelle et droit d’auteur, l’utilisation d’images sans l’accord des ayants droit (auteurs, producteurs, distributeurs) pose problème à la fois sur le terrain financier et sur le terrain moral. « Utiliser des images audiovisuelles, c’est utiliser des contenus protégés par le droit d’auteur et cela nécessite le paiement d’une rémunération. On peut aussi s’opposer à l’utilisation d’une œuvre si elle porte atteinte à son intégrité. Là, c’est un cas sensible car il s’agit d’un clip à des fins politiques, émanant d’un candidat qui a des opinions extrêmement tranchées. »

« Appropriation révoltante et scandaleuse »

Plus vite la vidéo sera supprimée, plus l’atteinte sera réduite. Mais « le mal est fait », estime Me Quentin Renaud : « La vidéo a déjà suscité beaucoup de commentaires, a été vue des milliers de fois. Au regard des retombées médiatiques, le droit moral peut être un facteur aggravant. Les ayants droit de Barbara ou de Brassens peuvent être mécontents que la mémoire de l’artiste soit associée à l’image de Zemmour. »

Et c’est le cas. Contacté par Télérama, Bernard Serf, le neveu de Barbara, a tout de suite exprimé sa colère, assurant n’avoir jamais été contacté par l’équipe d’Éric Zemmour. « Je viens de découvrir avec stupeur que Barbara est utilisée comme caution dans le clip d’un candidat à la présidence de la République dont je refuse de citer le nom. Est-il besoin de préciser que cette appropriation aussi révoltante que scandaleuse, quand on connaît l’œuvre et les engagements humanistes de l’artiste, s’est faite sans l’accord de la famille de l’intéressée ? » écrit-il à l’hebdomadaire.

Dans la soirée, la journaliste Valérie Trierweiler, ancienne compagne de François Hollande, a demandé « le retrait immédiat » de son image dans le clip d’Éric Zemmour, « aux antipodes » de ses convictions.

« Mon avocat étudie les suites à donner. Je suis résolument pour des valeurs universalistes, loin de cet appel à la haine. »

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