Présidentielle américaine : « Donald Trump ne peut pas décaler les élections par sa simple volonté », commente Marie-Cécile Naves – 20 Minutes

Donald Trump à Washington, le 30 juillet 2020. — Evan Vucci/AP/SIPA
  • Sur Twitter, Donald Trump a indiqué son souhait de reporter l’élection présidentielle prévue en novembre, pour protester contre la généralisation du vote par correspondance face à la menace du coronavirus.
  • Cette prise de position répond à une stratégie politique, alors que les sondages ne sont pas favorables au président américain.
  • Pour Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’Iris, Donald Trump « instrumentalise la crise sanitaire pour stigmatiser l’adversaire démocrate ».

On commence à en avoir l’habitude : c’est encore par un tweet que Donald Trump s’est exprimé jeudi. Cette fois-ci, il a évoqué l’idée de repousser l’élection présidentielle américaine. La raison de son mécontentement ? Le vote par correspondance, qui pourrait être rendu plus accessible, afin de limiter la propagation du  Covid-19 dans le pays.

« 2020 sera l’élection la plus INEXACTE et FRAUDULEUSE de l’histoire », a tweeté Donald Trump. « Ce sera un grand embarras pour les Etats-Unis. Retardez les élections jusqu’à ce que les gens puissent aller voter correctement, en toute sécurité ??? ». Une demande peu commune pour un président, à moins de quatre mois du vote.

Pour Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’IRIS et autrice de Géopolitique des Etats-Unis (éd. Eyrolles, 2018), cette demande n’est pas surprenante de la part d’un Donald Trump en perte de vitesse dans les sondages. Elle répond même à une stratégie politique dont il fait usage depuis quatre ans.

Donald Trump peut-il vraiment reporter les élections américaines ?

Non, il ne peut pas décaler les élections par sa simple volonté. C’est plus compliqué que cela : pour repousser la date de l’élection, il doit passer pas un vote du Congrès et modifier la loi fondamentale, qui fixe la fin d’un mandat présidentiel au 20 janvier de chaque année. Pour cela, il lui faut un accord bipartisan au Congrès, mais c’est mal parti car cet organe est très divisé, même du côté des Républicains, qui semblent être contre.

L’une des raisons, c’est qu’ils ont des comptes à rendre à leurs électeurs et ne veulent pas que leur propre carrière politique soit mise en danger. La deuxième raison, c’est qu’ils sont les garants du bon fonctionnement des institutions : autant Trump s’en moque, autant ces politiciens de métier, aguerris, qui n’ont pas fini leur carrière politique, veulent laisser une trace honorable. Ils n’ont pas du tout envie de mettre à mal les institutions pour un président avec lequel ils sont en désaccord et qui est en perte de vitesse dans les sondages. On voit que, heureusement, les institutions résistent à Donald Trump.

Qu’est-ce qui le conduit à penser que les élections seront frauduleuses ?

Rien. Il n’y a aucun élément tangible qui peut conduire à penser que le vote par correspondance peut être frauduleux dans l’histoire des Etats-Unis. Mais ce n’est pas surprenant, car il a déjà utilisé le même argument de la fraude en 2016. Il a dit plusieurs fois, quand les sondages étaient mauvais à l’époque, « si je ne gagne pas, c’est que les démocrates trichent ». Cette fois, il y a une instrumentalisation de la crise sanitaire pour stigmatiser l’adversaire démocrate.

A quelle stratégie correspondent ces propos ?

C’est la stratégie du « sans moi, c’est le chaos ». Il stigmatise son adversaire en l’attaquant sur tout sauf son programme : l’adversaire est mauvais perdant, antidémocrate… Ce sont des mots que l’on retrouve très souvent chez Trump. Les accusations dont il peut faire l’objet, il les retourne contre les démocrates.

Cette prise de parole n’est pas tellement surprenante car les sondages sont de plus en plus mauvais au niveau national, et il est aussi donné perdu dans des Etats acquis aux Républicains comme le Texas. Ça s’aggrave, la dynamique est mauvaise. Et ce, alors que son adversaire Joe Biden ne fait quasiment plus campagne !

Les sondages étaient également mauvais en 2016, et il avait pourtant été élu. Peut-on vraiment le donner perdant cette fois-ci ?

Il faut être très prudent. Ses déclarations sur l’élection frauduleuse peuvent par exemple galvaniser ses électeurs qui vont aller voter car les sondages ne sont pas bons. On ne peut pas le donner perdant. En 2016, personne ne le croyait à sa victoire. Cette année, on sait très bien qu’il peut être réélu.

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