Présidentielle 2022 : huit choses à retenir des comptes de campagne des candidats – franceinfo

Comme en 2017, les dépenses étaient plafonnées en 2022 à 16,851 millions d’euros pour les candidats du premier tour et 22,509 millions d’euros pour les deux finalistes.

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a déclaré, vendredi 27 janvier, qu’elle avait approuvé les comptes de chacun des 12 candidats à l’élection présidentielle de 2022. L’organe officiel publie 11 décisions, celle relative à la campagne de Marine Le Pen faisant actuellement l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Dépenses globales, corrections apportées, cas particulier de la candidate du Rassemblement national… Franceinfo revient sur huit éléments saillants de ces comptes de campagne, désormais validés.

1 Emmanuel Macron le plus dépensier, Valérie Pécresse la moins bien remboursée

Il y a trois cas de figure pour les candidats à l’élection présidentielle. S’ils sont au second tour, ils ne peuvent pas dépenser au total plus de 22,509 millions d’euros et ne seront pas remboursés de plus de 47,5% de cette somme, soit 10,692 millions d’euros. Emmanuel Macron a, comme en 2017, été le candidat le plus dépensier en 2022, avec 16 535 603 euros engagés en vue de sa réélection. Le chef de l’Etat sera remboursé de 10 463 959 euros. Marine Le Pen a quant à elle déclaré avoir déboursé 11 483 385 euros.

S’ils échouent à se qualifier au second tour, mais qu’ils réunissent plus de 5% des suffrages, ils ne peuvent pas dépenser plus de 16 851 000 euros et être remboursés de plus de 8 004 225 euros. C’est ce qu’ont réalisé, à des degrés divers, Jean-Luc Mélenchon (13 519 579 euros de dépenses) et Eric Zemmour (10 826 804 euros), les deux seuls candidats dans ce cas : le premier se verra remboursé de 7 629 786 euros, contre 7 804 225 euros pour le second, bien moins déficitaire. 

Enfin, s’ils ne parviennent pas à faire plus de 5% au premier tour, le plafond de remboursement chute à 800 423 euros. Certains avaient très tôt intégré cette variable et ont peu dépensé pendant la campagne, comme Jean Lassalle (812 595 euros), Philippe Poutou (810 556 euros) ou Nathalie Arthaud (889 844 euros). Pour eux, si le remboursement est incomplet, il préserve au moins de la douche froide financière.

>> Présidentielle 2022 : quels ont été les candidats les plus dépensiers au regard du nombre de voix obtenues ?

Ce n’est pas le cas pour Anne Hidalgo, Fabien Roussel ou Yannick Jadot, qui espéraient franchir les 5%. Pour eux, la différence entre les dépenses retenues et le remboursement obtenu s’élève respectivement à 2,91 millions, 3,13 millions et 4,37 millions d’euros. Mais c’est Valérie Pécresse qui enregistre le plus gros écart entre ses dépenses, dignes d’une candidate du second tour (13 554 449 euros), et son remboursement (785 423 euros). Un gouffre financier de plus de 12,7 millions d’euros qu’elle avait très vite appelé à combler, au lendemain de son élimination au premier tour

2 Le compte de campagne de Marine Le Pen n’est pas publié

C’est la principale surprise : le compte de campagne de Marine Le Pen n’a pas été publié par la CNCCFP vendredi, car la candidate du Rassemblement national a saisi le Conseil constitutionnel, le 18 janvier. Elle conteste l’absence de remboursement du flocage de douze bus à son effigie, pour un montant total de 300 000 euros. Selon la Commission, l’affichage relatif à une élection doit obligatoirement se faire sur des panneaux officiels d’affichage.

Logiquement moins dépensier, Jean Lassalle s’est lui aussi vu retoquer 15 000 euros de dépenses, liées au flocage du bus à bord duquel il a sillonné une partie de la France jusqu’au printemps. “Le recours à ce type de procédé constitue une dépense irrégulière”, estime la CNCCFP. Pour un flocage de véhicules qui n’entre pas non plus dans le compte de campagne, 10 203 euros sont retirés des dépenses de Fabien Roussel.

3 Emmanuel Macron épinglé pour la mauvaise utilisation de ses réseaux sociaux, début mars

Les comptes de campagne du président de la République ont fait l’objet de plusieurs correctifs de la part de la CNCCFP. L’instance a ainsi décidé d’une réduction du remboursement forfaitaire de 23 764 euros et d’une sanction financière de 100 000 euros pour “concours de personne morale”. Comment expliquer cette pénalité ? L’instance rappelle que le président-candidat a diffusé, pendant une courte période, début mars 2022, des “messages manifestement électoraux” sur ses comptes personnels de réseaux sociaux, qui sont normalement liés à l’exercice de son mandat. 

Ces messages, notamment une “lettre aux Français” officialisant sa candidature, début mars, ont été publiés sur son compte Twitter, alors suivi par 7,9 millions d’abonnés, et sur son compte Facebook pour 4,3 millions d’abonnés. “Il a ainsi bénéficié d’une audience importante et constituée grâce à des moyens publics” et la CNCCFP estime “que l’utilisation de ces comptes, à une date proche du scrutin, constitue un avantage indirect apporté par une personne morale”, ce qui est prohibé, selon le Code électoral.

Avant cette officialisation, Emmanuel Macron a été critiqué pour avoir usé de ses prérogatives de président en vue de défendre sa candidature. La Commission note qu’il “a bien intégré dans son compte le coût de quatre événements antérieurs à sa déclaration de candidature et présentant, au moins pour partie, un caractère électoral”. Selon la décision, 278 712 euros ont été remboursés à la présidence de la République.

Enfin, si le compte de campagne du chef de l’Etat a été validé, une information judiciaire a été ouverte en octobre 2022 pour “favoritisme”, “recel de favoritisme”, “tenue non conforme de comptes de campagne” et “minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne”, portant sur les “conditions d’intervention de cabinets de conseils dans les campagnes électorales de 2017 et 2022”.

4 La France insoumise balaie des irrégularités dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon 

A propos de Jean-Luc Mélenchon, la CNCCFP s’est interrogée sur les relations entre la campagne du candidat de La France insoumise et la société L’Internationale, présidée par Sophia Chikirou, l’une de ses proches, et qui a été accusée d’opérer des surfacturations pour la campagne de 2017. Pour la dernière présidentielle, L’Internationale a facturé pour 844 635 euros de prestations au camp du candidat. Mais des salariés du mouvement politique ont-ils travaillé pour le compte de la société lors de la campagne ? C’est ce que réfute Manuel Bompard, nouveau coordinateur de LFI, dans une attestation sur l’honneur envoyée à la Commission.    

En dehors de cette clarification, la somme de 10 419 euros a été retranchée des dépenses de Jean-Luc Mélenchon, pour des frais de déplacement au Sénégal et au Chili, dont le caractère électoral n’a pas été suffisamment justifié.

5 Eric Zemmour “a bénéficié d’une promotion de sa personnalité” sur CNews

Eric Zemmour, arrivé quatrième avec 7,07%, ne bénéficiera que d’un remboursement de 7 804 225 euros, et non 8 004 225 euros. Le polémiste d’extrême droite écope en effet d’une sanction financière de 200 000 euros, qui s’explique par la réintégration de dépenses omises ou irrégulières, comme les 20 717 euros d’une commission d’agence d’un prestataire de voyages partiellement intégrée, les 5 887 euros déboursés et non comptabilisés pour sept réunions publiques ou les 1 700 euros de sanction pour une campagne d’affichage illégale en 2021. 

Par ailleurs, la CNCCFP a réintégré à son compte de campagne 16 000 euros, qui correspondent au montant estimé de la redevance qu’Eric Zemmour aurait payée s’il avait demandé l’autorisation d’utiliser des images dans sa vidéo de candidature, pour laquelle il a été condamné en mars 2022.

Mais Eric Zemmour est particulièrement épinglé sur un point : sa participation en tant que chroniqueur à l’émission “Face à l’info”, sur la chaîne CNews, du 1er juillet au 8 septembre 2021. Pas encore candidat à l’époque, celui qui allait lancer le parti Reconquête ! “a bénéficié de fait, pendant une période limitée dans le temps, d’une promotion de sa personnalité. Il a ainsi reçu un concours en nature d’une personne morale”, ce qui est interdit par la loi, pointe la Commission.

6 Le prêt contracté par Yannick Jadot a été intégré à son compte de campagne

Dans la jungle des recettes et des dépenses listées par la Commission, un montant interroge dans le compte de Yannick Jadot : 2 749 747 euros, qui correspondent à la différence entre les 7 912 712 euros de recettes déclarées et les 5 162 965 euros de dépenses déclarées par le candidat écologiste. A quoi est dû ce chiffre si élevé, retranché des recettes finalement retenues par la CNCCFP ? Il s’agit de la part des 6,4 millions empruntés par Yannick Jadot auprès d’Europe Ecologie-Les Verts qui n’a pas été utilisée pendant la campagne présidentielle.

Par ailleurs, le parti et son candidat avaient convenu, dès février, que le montant prêté se transforme en don définitif si le score était inférieur à 5% au premier tour. Avec un objectif : éviter à l’eurodéputé d’avoir à assumer une très forte dette, sans remboursement.

7 Le café d’Anne Hidalgo, le match de rugby de Jean Lassalle…

Dans le chapelet d’irrégularités recensées par l’instance officielle, plusieurs dépenses originales et relativement mineures sont pointées du doigt, à l’image de la campagne d’Anne Hidalgo et de ses 1 600 euros de café commandés pour le QG, ce qui ne relève pas d’une dépense électorale. Ou de Nicolas Dupont-Aignan, qui a envoyé son programme présidentiel en utilisant les moyens d’affranchissement des services de l’Assemblée nationale, sans en faire le remboursement. La palme de l’originalité revient à Jean Lassalle, privé d’un remboursement de 465 euros… pour 19 billets achetés pour assister à un match de rugby.

8 Le problème récurrent des sondages de notoriété et de la mise à disposition gratuite de salles

C’est une réformation, c’est-à-dire une modification de certains éléments du compte afin de les rendre conformes au Code électoral, qui revient chez Eric Zemmour, Valérie Pécresse, Yannick Yadot ou encore Anne Hidalgo. Ils sont plusieurs à être épinglés pour avoir enregistré dans leurs comptes des sondages dits “de notoriété”. Or, ces sondages “ne peuvent figurer au compte de campagne que s’ils ont servi à définir et orienter effectivement les thèmes de campagne et dans la mesure où ils ont fait l’objet d’une exploitation à des fins électorales”, écrit la CNCCFP. 

Emmanuel Macron, Eric Zemmour, Yannick Jadot et Philippe Poutou ont également été sanctionnés pour avoir profité de la mise à disposition gratuite de salles pour des réunions publiques, sans fournir en retour d’attestations de mise à disposition gratuite, ce qui est pourtant obligatoire.

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