Mort d’Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération : «Jusqu’au bout, il a pensé à la France» – Le Parisien

Une page d’histoire s’est tournée, ce mardi en début d’après-midi, quand Hubert Germain, 101 ans, a rendu son dernier souffle dans sa chambre de l’hôpital militaire des Invalides, à Paris. Cet homme aux mille vies était le dernier survivant de l’Ordre de la Libération fondé par le général de Gaulle pendant la guerre. Le dernier des 1038 Compagnons, ces révoltés de la première heure qui refusèrent la défaite face à l’Allemagne en juin 1940. Hubert Germain avait alors 19 ans. En pleine épreuve du concours d’entrée à l’École navale, il s’était levé, et avait tourné les talons en rendant une copie blanche à l’examinateur : « Je m’en vais, je pars faire la guerre ! » Londres, Bir-Hakeim, la bataille qui redonna espoir à la France libre en 1942, puis la campagne d’Italie, et la libération de la France… Ce colosse d’1m90 aura été de toute l’épopée aux côtés du héros de la France libre, qui le décora de ses mains en mai 1944.

Devenu chancelier d’honneur de la Libération après le décès de Daniel Cordier (ex-secrétaire de Jean Moulin) en novembre dernier, Hubert Germain, en partant, laisse un immense vide au sein de l’Ordre. « Tout le monde est bouleversé », souffle Vladimir Trouplin, conservateur du musée. Présent depuis 1994, l’historien a vu partir 250 compagnons. « C’est la fin d’une histoire incarnée, celle des derniers grands héros de notre histoire contemporaine. On s’y préparait, parce que ses forces déclinaient. Mais on le connaissait depuis si longtemps, et il avait une personnalité tellement forte. On est tous sonnés. »

Le général Christian Baptiste, qui lui rendait visite tous les jours ces derniers temps, confie également au Parisien être « bouleversé » par la disparition du dernier Compagnon. « Il était fatigué depuis quelque temps, mais gardait toutes ses facultés mentales. Il s’est éteint paisiblement, comme une bougie dont la flamme déclinait », confie le chancelier de cet Ordre — le 2e de France après celui de la Légion d’honneur.

« Il m’avait dit il y a quelques mois qu’il se sentait sur la ligne de départ. Jusqu’au bout, il a pensé à la France, il a délivré ses consignes pour que les braises ardentes de l’Ordre, comme il disait, ne s’éteignent pas. Il est parti rassuré, en sachant que le flambeau était transmis au président de la République. C’était sa dernière mission et il l’a accomplie », ajoute le général Baptiste. « La Nation perd l’un de ses serviteurs les plus illustres dont l’honneur et le courage nous obligent », a réagi le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, qui lui avait rendu visite aux Invalides le jour de sa prise de fonctions comme n° 1 de l’armée de terre en juillet 2019. Les deux hommes avaient un point commun : être issus de la 13e division blindée de la légion étrangère (13e DBLE), qui s’était illustrée notamment à Bir-Hakeim.

Macron l’a appelé en août pour son 101e anniversaire

Avec Emmanuel Macron aussi, des liens personnels étroits s’étaient forgés depuis son arrivée à l’Élysée en 2017. Les deux hommes se sont vus à huit reprises, dont deux fois pour de longs tête à tête. Selon nos informations, il l’a appelé une vingtaine de minutes le 6 août dernier pour son 101e anniversaire, alors qu’il était en vacances au fort de Brégançon.

Le chef de l’État, qui a salué un homme qui a « incarné un siècle de liberté » et qui présidera vendredi, à 15 heures, un hommage aux Invalides, admirait ce « héros » au destin peu commun. « Il est authentiquement français en ce qu’il est un éternel épris de liberté et de rébellion contre l’injustice », nous avait confié en juin Emmanuel Macron, quelques jours avant la cérémonie du 18 juin au Mont Valérien de Suresnes (Hauts-de-Seine).

C’est dans ce lieu symbolique, où les nazis exécutaient les résistants, qu’Hubert Germain reposera à compter du 11 novembre. Il rejoindra ce jour-là le caveau numéro 9 de la crypte du Mémorial de la France combattante. La dernière des 17 tombes encore vides. Lors de l’inauguration du monument en 1960, le général de Gaulle, alors président de la République, avait souhaité que l’ultime compagnon y soit inhumé.

Germain l’avait accepté, contrairement à d’autres héros de la France libre qui préféraient un dernier repos plus « familial », moins solennel. Le destin a bien fait les choses. Le 11 novembre, la dépouille de l’ancien officier de la France libre, et ancien ministre des PTT sous Pompidou, partira des Invalides, saluera la statue du général sur l’avenue des Champs-Élysées. Il reposera quelques heures sous l’Arc de triomphe au côté du soldat inconnu, puis rejoindra sa dernière demeure au Mont-Valérien.

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