Meurtre du canal du Midi : la vie chaotique de l’accusée – Le Parisien

Elle se glisse dans le box comme une ombre, l’escorte à ses côtés. La salle de la cour d’assises de Haute-Garonne est comble, les chuchotis cessent. Avides de voir à quoi ressemble celle qui a été surnommée « la démembreuse du canal du Midi », les regards scrutent, surpris, cette grande femme aux traits fins et à la chevelure rouquine, vêtue d’un tailleur-pantalon noir.

Sophie Masala, 55 ans, jugée pour avoir tué sa collègue de travail et découpé son corps avant d’en éparpiller les morceaux au printemps 2016 à Toulouse, ne présente pas – et le faudrait-il? – le visage de son macabre crime. Elle lève les yeux, esquisse un sourire vers le premier rang : à ses deux enfants, comprend-on lors de l’appel des témoins.

Ce ne sont pas encore ses mots, sinon ceux rapportés par l’enquêtrice de personnalité, les experts psychiatre et psychologue, que l’on entendra durant cette première demi-journée du procès. Sophie Masala les écoute retracer son parcours la tête baissée, parfois en pleurs, en triturant un mouchoir. Ils décrivent l’enfance dans le Nord, dans une famille ouvrière où elle est l’aînée de la fratrie. Le père qui se pend quand elle a 10 ans. Les attouchements du grand-père maternel. Les premières vacances dans le Sud à 16 ans – dans l’Hérault, où elle s’installera plus tard. Et ce conflit avec cette mère autoritaire qui lui reproche d’être « une fille, une rousse » tout en la faisant gardienne du secret de ses tromperies conjugales.

Un temps, elle se prostitue

Sophie Masala épouse tôt un homme qu’elle dit craindre. Elle rompt tout lien avec sa mère en 1993. Plus tard, elle se forme en informatique ; se fait embaucher à la fac de médecine de Montpellier, où son mari travaille comme gardien, avant d’être licenciée pour escroquerie sitôt son CDI confirmé.

Condamnée et placée sous bracelet électronique, elle travaille en usine. Un temps, elle se prostitue en studio avec l’accord de son mari – qui empoche ses gains. A 47 ans, elle passe ce bac qu’elle n’a pas eu ; décroche un BTS ; puis ce travail de conseillère prestation dans une structure associative pour l’emploi des handicapés (Agefiph). C’est ce boulot qui la conduit à Toulouse fin 2015. Et dans ces nouveaux bureaux où elle rencontre Maryline Planche.

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Très vite, elle voue à cette collègue discrète, d’un an plus âgée qu’elle et bien perçue de tous, une haine farouche. « Ça commençait à bouillir, ça montait, ça a fini par craquer », a décrit Sophie Masala aux psys. « Ma propre vie partait en morceaux, il fallait lui rendre la pareille », leur confie-t-elle. « Elle a fait de moi une mauvaise femme ». Ou encore : « Je ne dirai pas qu’elle mérite ce qu’elle a eu mais… »

Le président s’étonne du décalage entre la banalité des raisons de leur rivalité – des histoires d’archivage et de dossiers – et l’ampleur de ce ressentiment. Les experts répondent « personnalité très fragile », mue par « la peur de ne pas être aimée » et surtout « sans limites ». Et proposent tous deux cette clé : « Sophie Masala ne supporte pas Maryline Planche comme elle ne supporte pas sa mère. C’est l’image maternelle qui déclenche tout. Parce qu’à ses yeux elle ment comme sa mère mentait. Ce qu’elle lui reproche, c’est une image falsifiée aux yeux des autres. »

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