Marseille : La « gangrène » des présumés « ripoux » de la Bac Nord disséquée par le tribunal – 20 Minutes

Une voiture de police sort du commissariat de la division Nord de la DDSP de Marseille — BORIS HORVAT / AFP
  • Ce lundi s’ouvre le très attendu procès de la Bac Nord de Marseille.
  • Dix-huit policiers accusés d’avoir extorqué des délinquants en marge d’intervention dans les quartiers Nord comparaissent devant la justice.

Les mots de Jacques Dallest, alors procureur de la République de Marseille, claquent dans la petite salle du tribunal ​correctionnel de la cité phocéenne. « Une gangrène a frappé la Bac Nord ». En ce jour de novembre 2012, le parterre de journalistes conviés à cette conférence de presse est fourni, à la hauteur du retentissement provoqué par cette affaire rocambolesque.

Il bruisse alors à Marseille une rumeur : celle que des policiers de la BAC Nord seraient en réalité de véritables ripoux, accusés d’extorquer des dealers de leurs marchandises ou de leur argent. « Ces fonctionnaires de police sont nombreux à être dans ce que je considère comme un système organisé de vols, de racket, de trafic de drogue », lance le procureur.

Dissolution de la BAC nord

L’enquête se mue rapidement en scandale national, au point que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, ordonne la dissolution de la BAC Nord de Marseille. Près de dix ans après, ce même scandale va être examiné à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Marseille. Pas moins de dix-huit anciens « baceux » des quartiers Nord comparaissent, accusés notamment de vols aggravés.

« Chaque opération » des trois groupes de la BAC Nord mis en cause était devenue « prétexte, soit à l’attribution de produits en vue d’une éventuelle rémunération d’informateurs officieux, soit à un enrichissement personnel », selon l’instruction. A l’appui de ces accusations, des heures de conversations interceptées au téléphone, ou dans les bureaux et les six voitures de la BAC qui avaient été sonorisées en 2012. Les enquêteurs ont également retrouvé de l’argent liquide, des bijoux et des produits stupéfiants dans les vestiaires ainsi que dans les faux plafonds du commissariat.

« De la gangrène au rhume des foins »

Une partie seulement des prévenus a reconnu, partiellement, les faits. « On est passé de la gangrène au rhume des foins, tacle Me Alain Lhote, avocat d’un des prévenus. Si des erreurs, des négligences ont été commises, elles l’ont été avec une hiérarchie qui a considérablement fermé les yeux. Et il ne s’agissait pas là d’une infraction pénale mais plutôt déontologique. Il faut oublier la pudeur de gazelle. Mon client connaissait cette pratique qui consiste à prendre un morceau de cannabis pour le donner à un indicateur. C’est grâce à ça qu’on a aussi de belles affaires ! »

« Il y a eu incontestablement une faute administrative, ce qui a valu à mon client un passage devant le conseil de discipline, rappelle Me Monneret. Mais quand on travaille à la BAC, on n’est pas des procéduriers. On est là pour faire des interpellations, pressurées par la culture du chiffre. Pas des PV sur les saisies. »

« Deux ou trois conneries »

« Ce dossier est à la fois simple et compliqué, abonde Me Dominique Ramirez, également avocat de la défense. Le ministre de l’époque avait tapé du poing sur la table. Pour deux ou trois conneries de quelques membres de la BAC, il a grillé toute la brigade. Mais une fois qu’on a retrouvé la raison, 90 % de ceux-ci ont été réintégrés. » Nombreux sont les avocats à prévoir de plaider la relaxe dans un dossier qu’ils estiment bancal.

« L’affaire s’est complètement dégonflée, affirme Me Virgile Reynaud, avocat de plusieurs de ces prévenus. Il n’y a eu aucune preuve d’enrichissement personnel, par exemple. Sur les écoutes, à la deuxième écoute, pour certains prévenus, le contenu a été modifié à près de 75 %. Le parquet a fait des raccourcis faciles, parce qu’à Marseille, on aime bien les histoires, et qu’il fallait bien trouver une sardine pour boucher le Vieux-Port. »

Le magistrat instructeur n’a en effet finalement pas retenu la circonstance aggravante de « bande organisée », et a abandonné les poursuites pour « violences volontaires ». Le procès est prévu pour durer dix jours.

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