Macron, «président des classes moyennes» ? Pas si vite… – Libération

Le président de la République serait donc devenu tout d’un coup le «président des classes moyennes». La presse économique se félicite ce mercredi matin des résultats présentés par l’Institut des politiques publiques (IPP) de l’Ecole d’économie de Paris qui illustrent le «rééquilibrage» de la politique économique du gouvernement en faveur des Français, que ce soit ceux qui touchent le salaire minimum (hausse de la prime d’activité, réindexation des pensions de retraite sur l’inflation et retour sur les augmentations de CSG pour les petits retraités…) ou ceux situés au-delà du revenu médian (plus de 20 000 euros par an pour un célibataire), grâce à la baisse d’impôt sur le revenu prévue au 1er janvier 2020.

«Rééquilibrage» il y a. C’est vrai. Sous la pression des gilets jaunes et après un grand débat national qui a fait remonter les mécontentements, l’exécutif, Macron en tête, a laissé tomber ses objectifs de réduction du déficit et de dette publique pour offrir plus de pouvoir d’achat au cœur des contribuables : les Français situés entre les 25% les plus pauvres et les 25% les plus riches verront, selon les calculs de l’IPP, leur «revenu disponible» progresser de près de 3% en 2020. Mieux que les ultra-riches dont ce même revenu disponible n’augmentera «que» de 2%.

C’est vrai aussi : les citoyens de la classe moyenne supérieure qui étaient jusqu’ici «perdants» feront leur entrée l’an prochain parmi les «gagnants» du quinquennat grâce à la baisse de l’impôt sur le revenu dont ils vont aussi profiter. Ce n’est d’ailleurs qu’un début : la suppression de la taxe d’habitation pour les 20% les plus riches fera forcément progresser leur revenu disponible dès 2021.

Les très pauvres, toujours perdants

Mais il y a un autre «fait» que la presse économique occulte : les très pauvres ne gagnent toujours rien sous Macron. Tout en bas, à gauche, des graphiques présentés par l’IPP, les moins aisés restent les grands perdants de la politique économique et sociale de ce gouvernement : baisse des APL au début du quinquennat, hausse continue des prix du tabac, quasi-gel depuis deux ans des allocations logement et familiales… Il n’y a que l’augmentation du minimum vieillesse au-delà de 900 euros qui permet aux contribuables situés dans le «9e décile» de la population (les 10% les plus pauvres) de voir leur revenu croître de 2%. Sauf que +2% pour un revenu modeste, c’est très peu comparé à +2% pour un très haut revenu. Quand les premiers gagneront au maximum 200 euros dans l’année, les seconds feront une économie de plus de… 4 500 euros.

Ces très riches ont déjà économisé depuis deux ans grâce à la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en simple impôt sur la fortune immobilière (IFI) et la création d’une flat-tax de 30% sur les revenus du capital. Quelques exemples dénichés dans un récent rapport du Sénat qui tire ses chiffres de données puisées à Bercy ? En moyenne, les 100 premiers ex-contribuables à l’ISF ont économisé en 2018, en moyenne… 1,2 million d’euros chacun ! Mieux : plus de 1 300 contribuables avec un patrimoine supérieur à 10 millions d’euros assujettis à l’ISF en 2017 ne l’étaient pas à l’IFI en 2018. Gain moyen pour eux : plus de 100 000 euros par an. Cela veut dire que le patrimoine de ces mêmes contribuables est avant tout constitué de biens «mobiliers», donc bien moins taxés depuis 2018 grâce à la flat-tax. Double jackpot.

Si les classes moyennes profitent effectivement des mesures prises depuis un an, les très riches bénéficient toujours à plein de celles votées en début de quinquennat et les très pauvres en paient toujours le prix. C’est un fait.

Lilian Alemagna

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