Les anciens dirigeants de France Télécom condamnés pour «harcèlement moral» – Le Figaro

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu son jugement dans le procès France Télécom. Les anciens dirigeants Didier Lombard (PDG), Louis-Pierre Wenes (directeur exécutif) et Olivier Barberot (DRH), ont été reconnus coupables, tout comme la société, de «harcèlement moral» pour la politique d’entreprise qu’ils ont menée entre 2007 et 2008 et condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, assortis de 15.000 euros d’amende. Ils ont en revanche été relaxés pour les années 2008-2010. Quatre autres prévenus, reconnus coupables de «complicité», ont été condamnés à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 5000 euros d’amende. L’entreprise a elle été condamnée à une amende de 75.000 euros, la peine maximale encourue.

Didier Lombard a décidé de faire appel de sa condamnation, annoncé son conseil, Me Jean Veil, à la sortie de l’audience. L’avocat a tonné contre «une faute de droit complète». «C’est une analyse politique et de politique démagogique. Évidemment nous allons interjeter appel de cette décision.» À l’inverse, Orange a décidé de ne pas faire appel de la condamnation de France Télécom.

Dans une première réaction, la CFE-CGC d’Orange, qui a succédé à France Télécom, s’est réjouie de la décision. «Que celle-ci serve d’exemple pour que jamais une telle politique de violence sociale ne puisse se reproduire», espère le syndicat. Le syndicat Solidaires a regretté que les prévenus n’aient «livré que leur novlangue où l’euphémisme succède à la brutalité des mots pour continuer à esquiver leurs responsabilités».

Un plan social déguisé

Les magistrats ont rédigé quelques 345 pages pour motiver leur jugement, une longueur conséquente pour un procès inédit. Pendant deux mois, de mai à juillet, le tribunal a scruté la vie interne de France Télécom, à la fin des années 2000, et en particulier le plan «NExT», destiné à adapter l’entreprise aux défis du numérique en passant par une importante restructuration. Les objectifs sont fixés : 22.000 personnes (sur les 120.000 au total) doivent quitter leur poste, soit en quittant l’établissement, soit en mobilité interne. Les départs doivent se faire « par la porte ou par la fenêtre », selon une phrase du PDG, Didier Lombard, que ce dernier dit aujourd’hui regretter. Une part de la rémunération de la hiérarchie intermédiaire est indexée sur les objectifs de départ pour l’inciter à mettre la pression sur les agents.

C’est en quelque sorte un plan social déguisé : il est très compliqué de mettre en place une telle procédure à France Télécom, entreprise qui était jusqu’à peu publique et encore régie par des statuts particuliers. Les dirigeants vont donc s’en passer et tenter d’obtenir des « départs naturels », et se servir de moyens «interdits», selon le jugement du tribunal. Les salariés font face à une pression pour se muer en commerciaux, faire de la vente en boutique ou rejoindre une plateforme téléphonique. Nombre d’entre eux, attachés à leur mission de service public, vivent très mal cette déstabilisation. Les suicides, de plus en plus nombreux, font les unes de la presse, si bien que l’entreprise était devenue le symbole de la souffrance au travail.

L’instruction avait retenu les cas de 39 victimes. Parmi elles, 19 se sont suicidées et 12 ont tenté de le faire. À la barre, les familles se sont succédé pour décrire le malheur de leurs proches et l’engrenage dans lequel elles semblaient prises. Près de 150 personnes s’étaient constituées parties civiles.

» À voir aussi – France Télécom: «La condamnation est assurément un soulagement»

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