La petite histoire de l’URSS racontée par la grande histoire du KGB

La petite histoire de l’URSS racontée par la grande histoire du KGB

Nous avons fêté les 30 ans de la disparition de l’URSS. Sa descendante, la Fédération de Russie, continue à susciter des interrogations, des questionnements et on ne peut pas dire que cela soit injustifié. Comment comprendre un pays, à la fois si proche et si éloigné ? Aussi monstrueux géographiquement et aussi faible sur certains aspects ? En se plongeant dans l’histoire de ses services de renseignements.

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Des copains et des blagues

Pour mon anniversaire — en octobre — j’avais fait une liste de ce que je voulais : des atlas géopolitiques et historiques, dont deux portant sur la Russie. J’ai été particulièrement gâtée et en plus de ma liste, j’ai reçu d’autres cadeaux, dont Le KGB dans le monde 1919-1990, publié en 1990.

L’histoire même de la rédaction du livre et de son coauteur est fascinante et ressemble à un roman d’espionnage. Sa fiche Wikipédia synthétise la chose, mais pour les plus jeunes, rappelons que l’URSS existait encore en 1990. Oleg Gordievsky s’est littéralement enfui en 1985 et au moment où le livre est sorti, son épouse et ses filles étaient toujours en URSS. Il a donc pris d’énormes risques pour lui et sa famille en révélant le mode d’emploi complet des services de renseignement de l’URSS.

En dehors des personnes qui ont un intérêt pour la chose militaire au sens très large du terme, ce livre peut intéresser les personnes qui s’intéressent au chiffrement des communications et à celles qui travaillent sur la désinformation.

Chiffrer, déchiffrer, quelques aléas

La police politique — pour faire très court — n’est pas une invention de l’URSS, mais de l’époque tsariste. Voulant couper court à toute forme de révolte sociale, le tsar invente une police chargée de surveiller les révolutionnaires, les anarchistes ou même ceux qui diraient que le tsar a la moustache de travers. Cette police politique avait un avatar à l’étranger, avec les services de renseignement. A charge pour eux d’espionner ce qui se passait chez leurs petits camarades européens.

Cible privilégiée : l’Empire britannique. Grossièrement, jusqu’en 1945, l’actuel Royaume-Uni était l’Etat à infiltrer, à espionner et à surveiller. Les Etats-Unis ne deviendront une cible que vers 1940. La France fait jolie dans le paysage, mais sans plus. Quant à l’Allemagne, le gag du pacte Ribbentrop-Molotov ou Molotov-Ribbentrop a fait que certains éléments sont amplement passés sous les radars, notamment l’opération Barbarossa.

Si, à l’époque du tsar, les services de renseignement russes avaient les meilleurs équipements et les meilleurs agents pour chiffrer et déchiffrer les messages diplomatiques, la Révolution de 1917 a anéanti les capacités des services dans ce domaine. A tel point que dans les années 20 et 30, les services britanniques ont réussi à intercepter des communications et se sont payés le luxe de publier les messages dans tous les journaux britanniques. Pour donner une idée au lecteur, ce serait l’équivalent d’une communication entre le Président de la République française et du Premier ministre britannique qui se retrouverait sur Twitter.

Sur le chiffrement, le livre explique comment les messages étaient chiffrés et déchiffrés, notamment à l’aide de petits cahiers et de guides. On est loin des techniques actuelles de chiffrement des messages, mais la complexité était poussée au point de changer l’équivalent de l’algorithme de chiffrement de manière systématique. Pour qui a envie de se plonger dans l’histoire de cette technique, le livre est assez intéressant.

La désinformation : une pratique culturelle

Il peut paraître assez grossier de dire que la désinformation est une pratique culturelle en Russie. On admettra que c’est réducteur, mais c’est une façon de synthétiser une pratique qui a cours depuis des siècles.

Si la Russie puis l’URSS ont connu quelques déboires en matière de chiffrement des messages sensibles, force est de constater que la désinformation est allée très loin. Elle n’a pas consisté à infiltrer qu’une partie de la population, mais les différentes sphères d’influence. Les ouvriers, les bourgeois, les élites culturelles, scientifiques et politiques, des agents d’influence ont été disséminés partout pour porter la “bonne parole”. Le plus amusant — et c’est valable encore aujourd’hui — est qu’un certain nombre de ses agents de propagande l’ont fait de manière totalement désintéressée.

Leur efficacité a été redoutable, aussi bien pour faire passer l’URSS comme un paradis sur terre que pour faire croire que le pays disposait d’atouts militaires incontestables. Cette désinformation passait également par les médias, y compris les plus respectables comme la BBC. De ce fait, il ne faut pas être étonné de constater que certains partisans du régime de Poutine ont trouvé leurs ronds de serviette dans nos médias traditionnels actuels. Quand on a un siècle de pratiques réussies dans son bagage, on est forcément meilleur que les ravis de la crèche qui se réveillent brutalement de la sieste.

Le problème majeur de la désinformation, lorsqu’on la pratique, est qu’on devient paranoïaque. Staline l’était, au point de ne pas prendre au sérieux certaines alertes. Informé des mouvements de troupes de la Wehrmacht grâce à ses services de renseignement, il les a attribués à de la désinformation provenant du Royaume-Uni. Quand les troupes allemandes ont commencé à tirer, il a enfin pris conscience que ce n’était pas de la désinformation. C’est la limite du système. La paranoïa de Staline est d’ailleurs très bien illustrée dans un film très ironique : La mort de Staline.

Le KGB dans le monde ne paraît pas avoir été réédité. Mais vous pourrez le trouver en occasion sur le web et cela vous fera une lecture conséquente pour les fêtes de fin d’année. Le Zapping Décrypté vous souhaite de joyeuses fêtes et vous retrouvera en janvier.

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