La France condamnée par la CEDH pour son refus de rapatrier deux femmes djihadistes et leurs enfants de Syrie – Le Monde

Une Française liée à l’organisation Etat islamique, dans le camp de Roj, en Syrie, le 28 mars 2021.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu, mercredi 14 septembre, un arrêt très attendu sur le rapatriement de familles de djihadistes français, deux mois après que Paris, longtemps très réticent à faire revenir ses ressortissants partis faire le djihad en Syrie, a ramené trente-cinq mineurs et seize mères.

La CEDH a ainsi condamné la France pour ne pas avoir étudié de manière appropriée les demandes de rapatriement de familles de djihadistes en Syrie ; des requêtes que Paris va donc devoir réexaminer au plus vite. « En exécution de son arrêt, la cour précise qu’il incombe au gouvernement français de reprendre l’examen des demandes des requérants dans les plus brefs délais en l’entourant des garanties appropriées contre l’arbitraire », note la Grande Chambre de la CEDH, sa plus haute instance.

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La cour était saisie par deux couples de Français qui avaient demandé, en vain, à la France le rapatriement de leurs filles, deux jeunes femmes compagnes de djihadistes, et de leurs trois petits-enfants. Les quatre requérants soutiennent que ce refus enfreint la Convention européenne des droits de l’homme, texte que la CEDH est chargée de faire respecter, en exposant notamment leurs filles et leurs petits-enfants à des « traitements inhumains et dégradants ».

Les deux femmes ont quitté la France en 2014 et 2015 pour rejoindre la Syrie, où elles ont donné naissance à deux enfants pour l’une, à un pour l’autre. Désormais âgées respectivement de 31 ans et 33 ans, les deux femmes sont retenues avec eux depuis le début de 2019 dans les camps d’Al-Hol et de Roj, dans le nord-est de la Syrie.

Cet arrêt « va marquer la jurisprudence » de la CEDH

« L’examen des demandes de retour effectuées par les requérants au nom de leurs proches n’a pas été entouré des garanties appropriées contre l’arbitraire, note la CEDH dans son arrêt. L’absence de toute décision formalisée de la part des autorités compétentes du refus de faire droit aux demandes des requérants (…) les a privés de toute possibilité de contester utilement les motifs qui ont été retenus par ces autorités. » Celle-ci conclut à une violation par la France de l’article 3.2 du protocole numéro 4 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui dispose que « nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’Etat dont il est le ressortissant ».

Outre le réexamen des demandes de rapatriement, Paris devra verser 18 000 euros et 13 200 euros aux deux familles requérantes pour frais et dépens.

La décision du bras judiciaire du Conseil de l’Europe sera scrutée bien au-delà de la France, car elle concerne également les ressortissants d’autres pays européens détenus en Syrie. Sept Etats membres du Conseil (Norvège, Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Espagne et Suède) sont ainsi intervenus dans la procédure.

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Cet arrêt a été rendu à Strasbourg en présence de Marie Fontanel, l’ambassadrice française auprès du Conseil de l’Europe, ainsi que des représentants de plusieurs autres pays (Danemark, Suède, Royaume-Uni, Espagne…) dont des ressortissants sont toujours retenus en Syrie. Il « dépasse le cadre franco-français » et « va marquer la jurisprudence » de la CEDH, estime la Défenseure des droits, l’ombudsman français chargé de la défense des droits, notamment ceux des enfants.

Autorité administrative indépendante, elle est intervenue dans la procédure devant la CEDH et avait déjà interpellé à plusieurs reprises depuis 2019 le gouvernement français sur ce sujet, estimant qu’il ne prenait pas en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. En février, Paris a même reçu un avertissement du Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui a conclu que la France avait « violé les droits des enfants français détenus en Syrie en omettant de les rapatrier ».

Le Monde avec AFP

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