Elisa, tuée par des chiens dans l’Aisne : «On ne vit pas, on survit», témoignent ses proches – Le Parisien

Ce jeudi, les cloches de la petite église de Rébénacq résonnaient comme chaque midi dans un paysage de début du monde, au cœur de la vallée d’Ossau, sur les contreforts de ces Pyrénées que l’on aperçoit enneigés. Vendredi, elles sonneront tristement en hommage à une enfant du pays.

Elisa Pilarski, 29 ans, sera inhumée ici, dans ce cimetière à deux pas de la mairie du village où elle a toujours vécu. Jusqu’à ce samedi 16 novembre, où elle est décédée dans l’Aisne des morsures de plusieurs chiens alors qu’elle se promenait en forêt. Sur la place principale de Rébénacq, une affiche prévient que l’épicerie sera fermée vendredi et samedi. En attendant, à l’intérieur, Nathalie accueille les clients. « C’est plus que des clients, nuance la maman d’Elisa. Ce sont des amis. Je ne peux pas faire autrement que d’être là. J’en ai besoin, pour ne pas penser à autre chose. »

C’est vers minuit, dans la nuit du 16 au 17, que le maire Alain Sanz lui a appris la terrible nouvelle de la disparition de sa fille unique. Un horaire qui fait toujours grincer l’élu. « On aurait pu le lui dire avant, plutôt qu’en pleine nuit », s’agace-t-il, le corps ayant été découvert par Christophe, le compagnon d’Elisa, vers 15 heures. « On m’a interdit de prévenir ma belle-mère », indique ce dernier.

«Elisa sans les animaux, ça ne serait pas Elisa»

C’est chez lui, à Saint-Pierre-Aigle (Aisne), qu’Elisa résidait depuis quelques jours lorsqu’elle a été tuée. Le couple projetait de revenir s’installer dans le Béarn. « On s’était rencontré sur Internet d’abord, via notre amour pour les chiens, puis on avait passé une semaine de vacances dans un gîte en Belgique et on ne s’était plus lâchés », évoque Christophe, qui a depuis rallié la maison de sa belle-famille, en prévision des obsèques que la famille souhaite célébrer ce samedi « dans la plus stricte intimité. »

A cette fin, un dispositif de gendarmerie a été prévu. « C’est une jeune femme et son bébé à naître, morts dans des conditions épouvantables, que l’on va inhumer, et non un symbole d’une quelconque cause », rappelle Me Caty Richard, avocate de la famille et de Christophe. « Ce moment ne doit en aucun cas faire l’objet d’une récupération », prévient-elle, en référence aux échanges houleux sur la chasse à courre qui agitent les réseaux sociaux depuis la mort d’Elisa. C’est maintenant l’enquête confiée à la PJ qui déterminera si la meute croisée ce samedi noir par Christophe est à l’origine du décès. En attendant, « c’est le néant, soupire Sandrine, la sœur de Christophe. On ne vit pas, on survit. On est hanté par 1000 questions que l’on retourne sans cesse, et auxquelles nous n’avons pas de réponses. »

A l’ombre de l’imposante cheminée du salon de la famille Pilarski, les proches d’Elisa enchaînent cigarettes et cafés, le chagrin à fleur de peau. Posées sur un meuble massif, on découvre les photos de la jeune fille à cheval, ou en balade. Jamais loin de la nature. « Elisa sans les animaux, ça ne serait pas Elisa », murmure son conjoint. Ces deux-là, qui fréquentaient avec assiduité les concours canins, possédaient cinq chiens, dont Curtis, qu’Elisa promenait le jour de sa mort. « A la base, Curtis était à moi, mais rapidement Elisa et lui étaient devenus inséparables, à tel point que ce n’était presque plus le mien. »

Elisa Pilarski en compagnie de l’un de ses cinq chiens./DR
Elisa Pilarski en compagnie de l’un de ses cinq chiens./DR  

« Cette passion des bêtes, elle l’a eue très tôt, se souvient Vincent, l’oncle maternel d’Elisa, qui a fait office à la fois de grand frère et de second père, celui de la jeune femme étant décédé il y a cinq ans. Ça a commencé parce que l’on avait un poney en face de la maison. » Au collège Saint-Joseph de Nay, Elisa intègre une section « équitation », enchaîne avec son monitorat et des diplômes autorisant l’accompagnement des enfants. Huit ans durant, elle exerce dans un centre équestre sur la commune voisine d’Artigueloutan.

Un terrain en son nom

Puis rencontre Christophe. Plus âgé qu’elle, il est employé depuis 19 ans à Roissy par une compagnie aérienne, affecté au déplacement des avions au sol. C’est cette même compagnie qui a pris en charge le rapatriement du corps, et la venue en soutien de plusieurs dizaines de ses collègues. « Christophe, il vient de perdre toute sa famille », lâche l’un d’eux, en référence à Enzo, cet enfant à naître qu’Elisa portait dans son ventre depuis six mois. « C’est mon fils, c’est le prénom qu’on lui avait choisi. Il sera inhumé dans le même cercueil que sa maman, détaille Christophe. Qu’ils soient ensemble s’il y a une vie, après. »

La sienne est désormais dévastée. Seule sa détermination pour que « justice soit faite » semble le porter. « Elisa et moi, on voulait être ensemble. On en avait marre de faire les allers-retours du Nord au Sud, moi en avion, elle en voiture avec ses animaux. » Sous la table du salon, Ice, le chien d’Elisa, se faufile comme un chaton, en dépit de son imposant gabarit d’American Staff. « Petite, Elisa était une enfant réservée qui n’avait pas toujours confiance en elle, quand bien même elle pouvait être têtue, complète son oncle Vincent. Avec les animaux, elle était dans une véritable communication, peut-être encore plus qu’avec les humains. »

« Je la revois encore avec son 4 x 4 et le van accroché derrière, planté sur la place de la mairie, évoque le maire, avec nostalgie. C’est un drame qui impacte toute notre communauté. » Une communauté dont Christophe se sent désormais membre à part entière. Comme il l’avait prévu avec Elisa, il entend aller au bout de leur projet de vie, lui qui avait déjà prévenu son employeur qu’il voulait déménager, et s’était lancé à la recherche d’un nouveau poste dans le secteur. « Ce terrain que l’on voulait pour nous et nos animaux, je m’y installerai, rêve-t-il à haute voix. Je le ferai pour elle. Et cet endroit je l’appellerai Elisa. »

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