Covid-19 à l’école : tests, capteurs CO2… le protocole sanitaire dévoilé par Jean-Michel Blanquer – Le Parisien

Rentrée scolaire sous haute surveillance. Ce lundi, 12,5 millions d’élèves retournent sur les bancs de l’école après deux semaines de vacances de Noël. Avec eux, un invité surprise : le variant Omicron et sa très forte contagiosité : du 23 au 29 décembre, le taux d’incidence des 0-9 ans a atteint 738 cas positifs pour 100 000 personnes, et 1 469 chez les 10-19 ans. C’est moins que les 20-29 ans par exemple (2 663 pour 100 000) mais cela reste en très forte hausse.

Dans un entretien exclusif, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, nous dévoile les contours du protocole qui s’appliquera à partir de ce lundi 3 janvier à l’école. Principale décision : la multiplication des tests pour les élèves cas contact plutôt que la fermeture systématique des classes, une forte incitation à la vaccination des 5-11 ans, et un appel aux maires à profiter du fond d’État de 20 millions d’euros pour doter leurs écoles en capteurs de CO2.

TROIS TESTS POSSIBLES POUR LES ÉLÈVES

Des tests réalisés à plusieurs jours d’intervalle doivent permettre de s’assurer qu’un élève qui a été négatif le premier jour ne soit pas devenu positif ultérieurement.
Des tests réalisés à plusieurs jours d’intervalle doivent permettre de s’assurer qu’un élève qui a été négatif le premier jour ne soit pas devenu positif ultérieurement. LP/Jean-Baptiste Quentin

Qu’est-ce qui change dans le protocole sanitaire à l’école pour cette rentrée ?

JEAN-MICHEL BLANQUER. La situation est particulière car nous avons un nouveau variant très contaminant. Dès ce lundi, à l’école primaire, nous renforçons notre politique de « contact-tracing ». Elle passera par la multiplication des tests et la participation des familles à ce dispositif fondé sur la responsabilisation.

En quoi consiste-t-elle ?

On part de ce qui se fait déjà : dès l’apparition d’un cas positif dans une classe, tous les élèves doivent faire un test antigénique ou PCR, avant un retour sur présentation d’un résultat négatif. Ce qui change, c’est que désormais, quand la famille fera le premier test, elle recevra en pharmacie deux autotests gratuits, pour que les élèves se testent à nouveau à la maison à J + 2 et à J + 4. Les parents devront attester par écrit que les tests ont bien été faits et qu’ils sont négatifs.

À quoi cela sert ?

Ces tests à plusieurs jours d’intervalle permettent de s’assurer qu’un élève qui a été négatif le premier jour ne soit pas devenu positif ultérieurement. L’objectif est de garder l’école ouverte dans des conditions sanitaires sécurisées au maximum, alors même que les deux dernières semaines ont été marquées par une très forte accélération de la circulation d’Omicron.

Mais les pharmacies vont-elles avoir assez de stocks ?

Oui. S’il y a eu des tensions au moment des fêtes, des commandes massives ont été passées, en lien avec le ministère de la Santé.

Et au collège et au lycée ?

Dans le second degré, le point fort est le taux de vaccination des élèves de plus de douze ans, qui a dépassé les 80 %.

Combien d’élèves seront testés positifs en janvier 2022 ?

Il est très difficile d’évaluer à l’avance un tel chiffre. Nous ne connaissons pas ce que seront l’ampleur et la durée de la vague Omicron. Ce qui est clair, c’est que ce variant étant beaucoup plus contagieux que les précédents, il circulera dans toutes les classes d’âge. Nous aurons donc chaque jour plusieurs milliers d’élèves concernés. D’une certaine manière, plus on teste, plus on trouve, plus on protège.

Pourquoi ne pas revenir à une solution radicale, celle qui prévoit que la classe ferme dès un cas positif, comme le réclament des syndicats ?

Nous faisons le choix inverse : tester plus pour éviter de fermer les classes. C’est une politique personnalisée pour que chaque élève dont il est avéré qu’il n’est pas contaminé puisse retourner à l’école.

Autre proposition : Valérie Pécresse, candidate LR à la présidentielle, avait demandé le report d’une semaine de cette rentrée. L’avez-vous envisagé ?

On regarde toujours l’ensemble des hypothèses, mais clairement nous l’avons écartée. J’avoue d’ailleurs avoir été surpris d’entendre cette proposition. Depuis le début de la crise, la France a fait le choix de préserver ses écoles. Leur fermeture ne peut être qu’un ultime recours, et certainement pas l’option première que l’on sort en première intention et par facilité dès qu’une vague arrive.

ET LES PROFESSEURS ?

Les enseignants vaccinés appliqueront le même protocole des tests itératifs qui sera suivi par les enfants à partir du 3 janvier.
Les enseignants vaccinés appliqueront le même protocole des tests itératifs qui sera suivi par les enfants à partir du 3 janvier. LP/Olivier Corsan

Le conseil scientifique estime qu’en janvier 2022, un tiers des enseignants seront cas positifs ou en garde d’enfants contaminés. Soit 200 000 profs. Comment les remplacer ? L’école va-t-elle tenir ?

Cette estimation de 30 % agglomère les personnes positives et cas contact et a été faite avant que nous ne fassions évoluer la doctrine cas contact. Dorénavant, les adultes vaccinés appliqueront le même protocole des tests itératifs que celui que nous appliquerons pour les enfants. Il n’y aura donc pas d’isolement des personnes dont les tests sont négatifs. Mais clairement, janvier sera tendu et on se met en situation d’y faire face. Nous suspendons dans la période toutes les autres causes d’absence que la maladie – par exemple, les formations continues – et recrutons des contractuels et des vacataires. Ce qui permet, dans le premier degré, de passer d’une capacité de remplacement de 9 % (sur la totalité des effectifs des professeurs écoles) à 12-15 % selon les académies. Il y a un besoin d’unité nationale et j’observe avec plaisir l’engagement de professeurs retraités volontaires pour des remplacements. Enfin, chaque établissement a son protocole de continuité pédagogique.

Quid des enseignants actuellement cas contact ?

Compte tenu de la doctrine qui s’applique désormais, ils font la rentrée s’ils sont vaccinés après avoir fait un test.

Pourquoi ne distribuez-vous pas des masques type FFP2, plus armés face à un variant plus contagieux ?

Il est très difficile de faire cours avec un masque FFP2, lequel est d’ailleurs réservé au monde soignant. Depuis le début de la crise, nous avons fourni 160 millions de masques à nos personnels ainsi que 1 700 000 masques inclusifs pour les petites classes et les professeurs intervenant devant des élèves en situation de handicap. Résultat, depuis le début de la crise sanitaire, les enseignants font partie des catégories professionnelles les moins contaminées. Donc la stratégie fonctionne, d’abord parce que les enseignants ont l’esprit de responsabilité, et ensuite parce que les gestes barrière sont appliqués.

À partir de ce lundi, il sera interdit aux enseignants de prendre leur café debout dans la salle des professeurs. Était-ce une mesure essentielle ?

C’est une conséquence de la doctrine générale : aujourd’hui, dans un café, on doit avoir des consommations uniquement assis. Mais c’est anecdotique, on se focalise là-dessus pour ironiser sur la gestion de la crise.

Les réunions parents-profs, les conseils de classe, les galettes des Rois… vont-elles se tenir ?

Nous demandons de restreindre au maximum les interactions autres que celles liées à la vie scolaire stricto sensu. Ainsi, les cérémonies de vœux ou les moments de convivialité autour de la galette n’auront pas lieu et les réunions parents-enseignants auront vocation à se dérouler à distance.

VACCINATION ET CAPTEURS DE CO2

Pour Jean-Michel Blanquer, les familles ont vocation à prendre rendez-vous et accompagner les enfants se faire vacciner.
Pour Jean-Michel Blanquer, les familles ont vocation à prendre rendez-vous et accompagner les enfants se faire vacciner. LP / Arnaud Journois

Depuis quelques jours, les 5-11 ans peuvent se faire vacciner. Quel sera le rôle de l’école ?

Dès ce lundi, des messages partent vers les chefs d’établissement et les enseignants, sur les modalités de vaccination. Chaque école est appariée avec un centre de vaccination. Mais ce sont les familles qui ont vocation à prendre rendez-vous et accompagner les enfants – dès lors évidemment qu’ils souhaitent les faire vacciner. Il n’y aura pas de barnum dans les écoles comme cela a été le cas pour les collèges et lycées à la rentrée de septembre, sauf si une action ciblée est jugée nécessaire dans certains territoires. Il faudra dans tous les cas avoir l’autorisation des parents.

Les spécialistes insistent sur la nécessité de déployer des capteurs de CO2 dans les établissements scolaires. Pourquoi ne pas mettre le paquet sur ce sujet ?

Depuis le début je fais cette recommandation qui est d’abord un instrument de mesure du besoin d’aération ! Nous estimons à seulement 20 % environ le nombre d’écoles primaires qui sont aujourd’hui équipées. C’est davantage dans les collèges et les lycées mais cela reste totalement insuffisant… Rappelons qu’un capteur coûte environ 50 euros, que c’est une compétence des collectivités et que l’État a débloqué 20 millions d’euros pour celles qui n’auraient pas les moyens financièrement de s’équiper. Elles sont d’ailleurs peu nombreuses à avoir demandé des fonds. Je lance de nouveau un appel aux maires pour une montée en puissance en la matière, et ce fond sera augmenté si nécessaire. Hélas, je vois que certains essaient d’en faire un sujet de polémique : je suis surpris d’avoir entendu M. Jadot vouloir créer une polémique parfaitement déplacée sur le sujet (le 20 décembre, le candidat EELV avait qualifié Jean-Michel Blanquer de « complice » du virus, pointant le trop faible nombre de capteurs CO2 dans les écoles), alors que je connais des communes dirigées par EELV qui n’ont pas pleinement équipé en capteurs de CO2 leurs écoles.

Dans les semaines qui viennent, qu’est-ce qui pourrait entraîner un nouveau changement de protocole ?

Le maître mot reste pragmatisme et proportionnalité. Les évolutions qui auront lieu tiendront compte de la réalité de terrain. Là, on tient compte de l’extrême-contagiosité d’Omicron et de sa plus faible létalité. J’espère qu’après le pic de cette vague, l’on pourra ralléger les protocoles sanitaires.

LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE

Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer ici en visite dans une école.
Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer ici en visite dans une école. AFP/Thibault Camus

Lors de ses vœux aux Français, Emmanuel Macron a affirmé qu’il « continuerait » à les servir en 2022. Il a aussi paraphrasé Marc Bloch (« De la France et la patrie, nul ne saura déraciner mon cœur ») en forme de réponse discours aux nationalistes d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen. Était-ce son entrée dans la campagne présidentielle ?

Non. Son discours correspond aux responsabilités qu’il exerce ici et maintenant alors que nous sommes en pleine crise sanitaire. Il a aussi beaucoup insisté sur le fait que, depuis le 1er janvier, nous sommes à la présidence de l’Union européenne, laquelle UE a beaucoup d’importance pour la définition de choses qui ont trait à notre présent comme à notre avenir. Il a souligné, par exemple le rôle de l’UE pour l’efficacité et l’obtention des vaccins. Et il a dessiné des grandes lignes. Il a été dans son rôle de président.

Vous aurez fait cinq ans rue de Grenelle, c’est un record. N’êtes-vous pas fatigué ? Et avez-vous le sentiment d’avoir fini votre tâche ou bien voudriez-vous rempiler si Emmanuel Macron était réélu ?

Je ne m’occupe ni de mon record, ni de mon renouvellement. Je ne suis pas fatigué et je suis toujours habité par la même passion qui est celle de faire évoluer notre école et faire réussir nos élèves. Elle a beaucoup progressé ces dernières années, n’en déplaise à certains opposants. En école primaire, nous avons amorcé le rebond du niveau de nos enfants, qui a été ma priorité. Lire, écrire, compter, respecter autrui, tout cela est en train de progresser malgré la crise sanitaire au travers, notamment, du dédoublement des classes, de l’évaluation de début d’année, nos plans français et mathématiques… Cela s’accompagne d’évolutions importantes dans le second degré avec les devoirs faits au collège ou la réforme du lycée. Les sujets éducatifs me passionnent toujours autant. Quel que soit l’avenir, j’essaierai de faire évoluer ces sujets dans la direction qui permette à chaque enfant de France de maîtriser son destin grâce à une bonne éducation.

LES RÉPONSES À DES CANDIDATS

La candidate à la présidentielle Valérie Pécresse souhaite « un examen d’évaluation des connaissances de bases » pour entrer au collège.
La candidate à la présidentielle Valérie Pécresse souhaite « un examen d’évaluation des connaissances de bases » pour entrer au collège. LP/Delphine Goldsztejn

Valérie Pécresse souhaite « un examen d’évaluation des connaissances de bases » pour entrer au collège. Est-ce pertinent ?

Il y a plusieurs propositions de Valérie Pécresse qui correspondent à ce que nous faisons déjà… Nous avons installé une évaluation au début de la sixième qui nous permet de mesure la fluence en lecture, par exemple. Et de manière générale le niveau en français et en mathématiques. Cette évaluation nous permet d’observer des progrès importants pour la maîtrise de la lecture des élèves qui entrent en sixième. Elle permet de déployer un accompagnement personnalisé pour les élèves en difficulté. Sa proposition est donc redondante. Si elle consiste à dire qu’un élève qui n’aurait pas le niveau est exclu du collège, cela me paraît être une déviation complète et inimaginable. Que ferait-elle des élèves ainsi exclus ?

Éric Zemmour veut faire de l’école sa « priorité », il aurait souhaité débattre avec vous. Le ferez-vous pendant la campagne, comme l’a fait Bruno Le Maire ?

Je n’ai aucun problème à débattre avec n’importe quel candidat. D’une certaine façon, avec Éric Zemmour, nous avons déjà débattu à distance, puisqu’il a dit plusieurs fois des contre-vérités que j’ai dû rectifier.

Donc aucune objection à l’affronter lors d’un débat télévisé ?

Aucune objection. Mais il n’y a d’autres candidats et le débat politique n’a pas non plus vocation à se concentrer sur les obsessions d’Éric Zemmour.

Il souhaite notamment réécrire les programmes d’Histoire et les enseignements fondamentaux à l’école qui seraient infestés de « thèses LGBT et de pédagogisme ». Est-ce nécessaire ?

C’est totalement faux. Je suis vigilant sur ces questions. Bien souvent dans ses propos, il confond le sujet des programmes et des manuels scolaires qui relèvent des éditeurs. C’est une question qui doit être regardée au cas par cas. Mais qui ne correspond pas à la caricature qu’il en fait.

Eric Zemmour souhaite réécrire les programmes d’Histoire et les enseignements fondamentaux à l’école qui seraient infestés de « thèses LGBT et de pédagogisme ».
Eric Zemmour souhaite réécrire les programmes d’Histoire et les enseignements fondamentaux à l’école qui seraient infestés de « thèses LGBT et de pédagogisme ». LP/Fred Dugit

Il dénonce régulièrement, comme vous, le « wokisme ». Partagez-vous son analyse sur l’école ?

Pas du tout. Son analyse est totalement hors-sol. À chaque fois qu’il en parle, on voit bien qu’il ne sait pas ce qu’il se passe. Il a une sorte de vision fantasmée, ultra-réactionnaire, détachée de la réalité. Fort heureusement, le pessimisme d’Éric Zemmour n’est pas fondé. Je préfère faire des diagnostics ajustés et équilibrés, je n’ai jamais mis les problèmes sous le tapis ou nié la baisse du niveau depuis plusieurs décennies. Mais on ne doit jamais suivre ceux qui noircissent le tableau pour proposer des chimères. La campagne présidentielle peut être l’occasion de propositions constructives de la part de tout le monde. Mais pas de caricatures absurdes qui délivrent une image fausse de l’école.

Comme l’a affirmé Laurent Wauquiez, estimez-vous qu’une « minorité a confisqué le débat à Sciences-po Grenoble » où un professeur a été suspendu car il décrivait l’IEP comme un institut de « rééducation politique » ?

J’ai fait partie des premiers à m’inquiéter de ce qu’il se passait dans cette institution comme dans d’autres. Le but n’est pas d’attiser les flammes mais d’avoir un retour à la normalité et au calme. Cela passe par des mesures adéquates et un suivi très précis de cette situation par ma collègue Frédérique Vidal. Dans cette affaire, il est évident que les grands fautifs sont ceux qui ont cherché à stigmatiser des professeurs soi-disant pour « islamophobie ». Ce sont eux qui sont le problème et pas ceux qui sont victimes de cette poignée d’étudiants.

Comment analysez-vous l’irruption de Christiane Taubira dans la campagne présidentielle ? Fait-elle partie de ce que vous dénoncez comme la « gauche woke » ?

J’ai l’impression que sa candidature ajoute à la fragmentation de la gauche, plus qu’elle n’y remédie. Par ailleurs, j’ai toujours en tête que Christiane Taubira a voté contre la loi de 2004 qui interdisait le voile à l’école. Et les arguments qu’elle a utilisés à ce moment-là me paraissent être les ancêtres des arguments qu’on entend aujourd’hui chez les courants wokes. Donc, malheureusement, je ne la considère pas comme un rempart républicain, malgré certaines convictions républicaines qu’elle porte.

Les menaces contre les parlementaires s’intensifient à chaque annonce sanitaire. Les discours de certains responsables politiques alimentent-ils ces actes d’intimidations ?

Il y a dans la violence de notre société les traces d’un certain affaissement des réflexes d’éducation. On doit le déplorer. D’où l’importance dans le débat public de marquer nos différences avec du respect et des arguments de fond, sans stigmatisation. Emmanuel Macron avait porté fortement dans sa campagne de 2017 deux valeurs fortes : la bienveillance et le respect… Elles restent plus que jamais d’actualité.

On vous annonce régulièrement candidat aux élections législatives. Le serez-vous ?

À ce stade, je n’ai pas encore tranché. Pour le moment, je reste totalement concentré sur ma tâche.

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