COP26 : pourquoi les Etats-Unis restent-ils à la traîne dans la lutte contre le réchauffement climatique ? – franceinfo

Joe Biden arrive les mains vides à Glasgow. Le président américain espérait monter au pupitre de la COP26, lundi 1er novembre, pour clamer le leadership de son pays dans la lutte contre la crise climatique. Mais il n’a pas de quoi parader sur la scène internationale. La réforme ambitieuse qu’il propose en faveur des familles et de l’environnement n’a toujours pas été adoptée par le Congrès, et c’est en chef d’Etat affaibli qu’il pousse la porte du sommet.

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Dès son investiture, Joe Biden avait réintégré l’accord de Paris pour limiter à 1,5 °C la hausse moyenne des températures à l’horizon 2100. Un geste fort qui refermait l’ère Donald Trump et entérinait son ambition de réinscrire le climat à l’agenda, après quatre ans de climatoscepticisme à la tête de l’Etat.

“D’ici à la fin du sommet de Glasgow, nous saurons qui fait sa part du travail et qui ne la fait pas”, prévenait en septembre l’envoyé spécial des Etats-Unis sur le climat, John Kerry, dans un entretien à l’agence AP*. Or, si Joe Biden ne parvenait pas à faire voter son texte, “cela aurait le même effet que quand le président Trump s’est retiré de l’accord de Paris”, ajoutait-il.

Alors, pourquoi les Etats-Unis ne font-ils pas “le travail” ? D’abord, parce que les grandes lois de Joe Biden sont bloquées au Congrès. Durant la campagne, l’actuel président avait promis de faire d’une pierre trois coups : promulguer une loi qui, en une décennie, révolutionnerait les secteurs de l’éducation et de la santé, tout en mettant en marche une politique ambitieuse de lutte contre le changement climatique. Cette très vaste réforme, baptisée “Build Back Better” (“Reconstruire en mieux”), constitue, selon le président lui-même, le “plus grand investissement jamais réalisé pour faire face à la crise climatique”. A savoir, se donner les moyens d’investir des milliers de milliards de dollars* (oui, un chiffre à 12 zéros) pour réduire à l’horizon 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 50 à 52% par rapport aux niveaux de 2005.

L’adoption de ce texte est censée déclencher celle d’un autre plan de 1 200 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures (routes, ponts, transports…), également une promesse de campagne du président démocrate. Ce deuxième plan a été approuvé par le Sénat en août mais les élus progressistes de la Chambre bloquent son adoption finale, estimant que les deux textes doivent être votés ensemble car “ils font partie du même programme”.

Problème : le plan de Joe Biden est désespérément bloqué au Congrès. Les démocrates, qui ne peuvent compter sur les votes des républicains, contrôlent pourtant les deux chambres du Parlement. Mais au Sénat, leur majorité est si ténue (50 élus sur 100, plus le vote de la vice-présidente Kamala Harris) qu’une seule voix démocrate peut faire tomber le grand projet de Joe Biden.

Cette voix, c’est celle de Joe Manchin, le sénateur démocrate de Virginie-Occidentale, un Etat de l’est du pays. Il est le 50e vote dont Joe Biden a besoin pour que son texte soit approuvé. A ce titre, il est “l’un des hommes les plus puissants à Washington”, selon CNN*. Et s’il est démocrate, comme le président, il ne partage pas les convictions de son “boss” sur la question du climat. Le sénateur ne s’identifie pas comme climatosceptique mais est un fervent défenseur des industries fossiles et notamment du charbon, historique pourvoyeur d’emplois dans son Etat.

Surtout, il dispose d’intérêts très personnels dans ces industries. Selon une enquête publiée par The Guardian, l’élu possède des millions de dollars de parts dans une société extractrice de charbon, empochant chaque année quelque 500 000 dollars de dividendes. Cette société fondée en 1988, batpismée Enersystems Inc, est désormais dirigée par son fils. Pour s’assurer de son soutien à Washington, les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz naturel soutiennent financièrement le politicien, faisant de lui le sénateur qui a reçu le plus de dons en vue des élections de mi-mandat de 2022. Elections au cours desquelles son siège n’est même pas en jeu.

Le sénateur démocrate de Virginie-Occidentale, Joe Manchin, quitte le Capitole à Washingon (Etats-Unis), le 27 octobre 2021.  (DREW ANGERER / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

A ce titre, Joe Manchin s’oppose fermement à toute loi promettant d’encourager l’abandon de cette énergie fossile. Fort de son titre de président de la commission sur l’énergie et les ressources naturelles au Sénat, il est déjà parvenu à considérablement affaiblir la grande réforme de Joe Biden en sabordant le Clean Electricity Performance Program*. Ce programme devait permettre de remplacer rapidement les centrales à charbon par des centrales éoliennes et photovoltaïques. Une modification de la loi qui amoindrit par la même occasion les chances des Etats-Unis d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés en rejoignant l’accord de Paris – sans parler de retrouver leur leadership sur la question du climat.

Avec l’appui d’une autre sénatrice démocrate, Kyrsten Sinema*, Joe Manchin vient d’obtenir que le montant du plan soit divisé par deux : 1 750 milliards de dollars sur une décennie, contre 3 500 milliards prévus initialement. Cette nouvelle version, allégée, du plan “Build Back Better” doit désormais repasser devant la Chambre des représentants, où son adoption est loin d’être garantie. Et pour cause : l’aile gauche du parti démocrate dénonce désormais son manque d’ambition.

* Les liens marqués par des astérisques renvoient vers des contenus en anglais.

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