Après six mois de guerre en Ukraine, Kiev face au défi de la reconquête – Le Monde

Des tanks russes détruits par l’armée ukrainienne et exposés dans le centre de Kiev, le 20 août 2022.

Dans son fameux traité de stratégie militaire, De la guerre (1832), aujourd’hui encore étudié dans les écoles de guerre, le général prussien Carl von Clausewitz avait théorisé la supériorité de la défense sur l’attaque lors des campagnes militaires. « Il est plus facile de conserver que d’acquérir », y écrit notamment l’officier passé par les batailles d’Iéna (1806) et de Waterloo (1815), estimant que la défense est « la forme la plus forte de la conduite de la guerre ».

Près de deux siècles plus tard, la formule n’a rien perdu de son acuité. Alors que le conflit entre l’Ukraine et la Russie entre dans son septième mois, l’armée de Kiev continue de résister aux assauts des troupes de Moscou, pourtant dotées d’une puissance de feu très supérieure. Certes, quelque 20 % du territoire ukrainien sont aujourd’hui occupés par les forces russes, à l’est et dans le sud du pays, mais l’ex-Armée rouge n’avance plus depuis le début de l’été, malgré des bombardements quotidiens et d’innombrables tentatives de percée du front, notamment dans le Donbass.

L’échec initial russe

Au début du conflit, peu d’experts militaires pariaient pourtant sur un échec de « l’opération militaire spéciale » lancée par Vladimir Poutine. « On s’attendait à ce que l’Ukraine s’effondre sous les feux de l’artillerie russe », reconnaît Yohann Michel, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS). Les Russes misaient eux-mêmes sur une guerre éclair et un « statocide » rapide, à l’image de ce qu’ils avaient réussi à Budapest en 1956 ou à Prague en 1968, lorsque la simple irruption des chars soviétiques sur les territoires hongrois et tchécoslovaque avait mis fin aux velléités d’émancipation de leurs populations.

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Six mois après le début du conflit, les raisons de l’échec initial russe sont désormais bien établies. Défaillance des services de renseignement, absence de soutien aérien massif, incapacité des troupes au combat interarmes, chaîne de commandement trop rigide… « Les Russes se sont auto-intoxiqués en pensant qu’un coup d’éclat suffirait à créer un chaos tel que les Ukrainiens se rendraient très vite », analyse Vincent Tourret, spécialiste des questions militaires à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

De leur côté, les Ukrainiens ont fait preuve d’une résistance inédite. « Leur stratégie de commandement par l’intention, qui laisse l’initiative aux échelons inférieurs, a mis en échec le commandement par le plan des Russes, où tout est décidé par la hiérarchie », estime Joseph Henrotin, chargé de recherche à l’Institut de stratégie comparée (ISC).

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