Agression d’Yvan Colonna: huit minutes «d’un acharnement systématique» – Libération

Lors d’une conférence de presse ce dimanche, le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, a livré un récit minutieux de l’attaque perpétrée contre le militant corse à la prison de Arles mercredi. Le suspect, Franck Elong Abé, a été mis en examen pour «tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste» et placé en détention provisoire.

Huit minutes. Huit minutes d’un «acharnement systématique», qui «ne laisse que peu de doutes sur les intentions d’homicide». Lors d’une conférence de presse ce dimanche, c’est ainsi que le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, a qualifié l’agression dont a été victime Yvan Colonna dans la salle de sport de la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône). Mercredi, le militant indépendantiste corse, 61 ans, a été agressé puis strangulé sauvagement par Franck Elong Abé, 36 ans, qui purgeait plusieurs peines, dont une de neuf ans de prison pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste». Lors de sa garde à vue, le jihadiste camerounais, qui avait rejoint les talibans afghans entre 2011 et 2012, a affirmé qu’Yvan Colonna avait «craché sur Dieu» quelques jours avant l’agression, ce qui exclut, selon Jean-François Ricard, «tout mobile autre que le mobile religieux». Ce dimanche, Yvan Colonna se trouvait toujours dans le coma dans un hôpital de Marseille.

Coups violents, strangulation et étouffement

Dans son allocution, le procureur national antiterroriste a établi un récit minutieux des faits, documenté notamment par les images de vidéosurveillance de la salle de sport de la prison. Le 2 mars, à 8 heures, Yvan Colonna s’est présenté au rez-de-chaussée de l’établissement pénitentiaire, comme à son habitude. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac, perpétré le 6 février 1998, le «berger de Cargèse» était incarcéré à Arles depuis décembre 2012. A 9h30, le détenu qui l’accompagnait est remonté dans sa cellule, laissant Yvan Colonna seul dans la salle de sport. A 10h10, Franck Elong Abé a pénétré dans le même espace, en qualité d’auxiliaire de nettoyage, fonction qu’il occupe depuis le mois de septembre, malgré ses antécédents disciplinaires et un statut de «détenu particulièrement signalé» (DPS). Il réalisait ces ménages chaque matin, entre 8h30 et 11 heures, avec «une liberté d’organisation au sein de ce créneau», dixit Jean-François Ricard. Ainsi, le surveillant a laissé Franck Elong Abé faire son travail, avant de se positionner entre les deux ailes du bâtiment pour contrôler. A 11h25, l’agresseur déclare alors au personnel pénitentiaire : «Yvan a fait un malaise.»

Mais à cet instant, le militant corse est déjà en arrêt cardiorespiratoire. Après avoir changé quelques sacs-poubelle, Franck Elong Abé s’est approché d’Yvan Colonna et lui a sauté sur le dos. Pendant huit minutes, il lui porte ensuite des coups violents, accompagnés de techniques de strangulation et d’étouffement, réalisées avec des sacs en plastique et des serviettes. «Une fois de plus, le fanatisme islamiste est à l’origine d’un crime terroriste dans notre pays», a déclaré Jean-François Ricard, précisant qu’il s’agissait que la cinquième attaque jihadiste dans un établissement pénitentiaire depuis 2016. En milieu d’après-midi, ce dimanche, Franck Elong Abé a été mis en examen pour «tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste». Quelques heures plus tard, il a été placé en détention provisoire. Contacté par Libération, son avocat, Benoît David, conteste «la préméditation» et le fait que l’action de son client «soit en lien avec une entreprise terroriste».

«Aucune réponse aux questions»

Alors qu’une manifestation partait de Corte, ville berceau du nationalisme en Corse, la famille Colonna vivement réagi aux propos de Jean-François Ricard. Elle a estimé, par la voix de son avocat, Patrice Spinosi, que le procureur national antiterroriste n’avait apporté «aucune réponse aux questions» qu’elle se posait, et n’avait «nullement fait mention des fautes de surveillance de l’administration pénitentiaire, ni des raisons de l’absence de toute réaction des surveillants». Sur l’île, le cortège se rassemblait derrière des banderoles «Gloire à toi, Yvan» et «Etat français assassin».

Mise à jour : à 20h24 avec l’annonce du placement en détention provisoire de Franck Elong Abé.

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