Zéro alcool au volant : La mesure prônée par Didier Guillaume est-elle vraiment applicable en France ? – 20 Minutes

Un éthylotest antidémarrage, dans une voiture à Ploneis, le 24 octobre 2018. Un système réclamé par l’association Prévention Routière pour lutter contre l’alcool au volant. — Fred TANNEAU / AFP
  • Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, s’est dit favorable, ce dimanche dans le Grand Jury, à l’idée d’abaisser le seuil autorisé d’alcoolémie au volant à 0 gramme par litre d’alcool dans le sang.
  • Depuis le 1er juillet 2015, le taux d’alcoolémie au volant est limité à 0,5g/l d’alcool dans le sang, soit 0,25mg par litre d’air expiré, et 0,2g/l d’alcool dans le sang pour les conducteurs en permis probatoire.
  • Les associations de prévention routière, qui estiment que la « tolérance zéro » n’est pas la solution, plaident pour la mise en place systématique d’éthylotests antidémarrage (EAD) dans les nouvelles voitures.

Boire ou conduire, il faut choisir. Si on s’en tient aux propos du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Didier Guillaume, on pourrait bientôt appliquer le célèbre slogan à la lettre. Interrogé sur le plateau du Grand Jury RTL-Le Figaro-TF1/LCI​ ce dimanche, il  s’est dit favorable à l’idée d’abaisser le seuil autorisé d’alcoolémie au volant à 0 gramme.

Mais dans un pays où l’alcool, en particulier le vin, fait partie prenante de la culture et de la gastronomie, la mesure est-elle vraiment réalisable ? La « tolérance zéro » est-elle la solution pour faire baisser la mortalité routière ? 20 Minutes fait le point.

Qu’a proposé Didier Guillaume ?

Didier Guillaume a indiqué qu’il était favorable à l’abaissement de la limite de l’alcoolémie au volant à zéro. « Je pense que lorsqu’on conduit, on ne doit pas boire », a déclaré le ministre de l’Agriculture. Avant d’ajouter : « Je pense qu’on peut faire la fête et qu’on peut boire des coups, et boire du vin français, des vins d’excellence. Je pense que c’est très bon. Mais lorsqu’on boit, on ne conduit pas ».

Depuis le 1er juillet 2015, le taux d’alcoolémie au volant est limité à 0,5g/L d’alcool dans le sang, soit 0,25mg par litre d’air expiré. Pour les jeunes conducteurs, en revanche, le taux légal est réduit à 0,2g/L. Soit l’équivalent d’un verre de vin pour un permis normal et de zéro verre pour un jeune conducteur en permis probatoire. Mais la question de l’alcool au volant reste pourtant prioritaire, avec un tiers des accidents mortels concernés en 2018. Selon les derniers chiffres de l’Observatoire national interministériel de la Sécurité routière (ONISR), en 2018, 985 personnes ont été tuées dans un accident impliquant un conducteur alcoolisé. La même année, au moins 5.398 accidents corporels impliquaient un conducteur alcoolisé, soit 14 % de l’ensemble des accidents dont l’alcoolémie est connue.

La tolérance zéro est-elle vraiment applicable sur les routes ?

Si la majeure partie des pays européens ont une législation quasi-identique à celle de la France, cinq pays européens appliquent déjà la « tolérance zéro » au volant. En République tchèque, en Hongrie, en Slovaquie, en Roumanie et en Bulgarie, la présence d’alcool dans le sang au volant est tout simplement interdite. Mais pour la Prévention Routière, mettre en place une telle mesure « n’est tout simplement pas possible » : « Même si de rares pays l’on fait, comme l’Uruguay et la Hongrie, on sait que ce n’est pas totalement possible à appliquer dans les faits, d’un point de vue épidémiologique. On peut ingérer de l’alcool autrement qu’en buvant, par exemple en prenant des médicaments ou avec certains aliments », explique la présidente de l’association, Anne Lavaud, interrogée par 20 Minutes.

Pour elle, l’application du « niveau zéro » signifie durcir la réglementation et, donc, multiplier les contrôles de police et de gendarmerie. « On sait que cela ne sera jamais mis en œuvre, il n’y a pas assez de moyens ». Pour l’association, la solution, c’est l’installation systématique d’éthylotests antidémarrage (EAD) sur l’ensemble des véhicules mis sur le marché : « C’est possible à mettre en place, ce dispositif est déjà opérant pour les transports scolaires », poursuit Anne Lavaud.

Comment réagissent les professionnels du secteur de l’alcool ?

Mais c’est du côté des producteurs d’alcool que la proposition de Didier Guillaume a suscité le plus de réactions. « C’est surprenant. C’est même incompréhensible. […] C’est de nouveau la parole de trop », a réagi Jérôme Despey, secrétaire général de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), ce lundi sur RTL​. « Pourquoi aller chercher l’interdiction alors qu’on sait qu’un verre de vin ne met en danger personne ? », a-t-il ajouté.

« On est dans un pays où le vin est très important, il a une grande place dans la culture et la gastronomie et on voudrait instaurer une tolérance zéro ? Les gens n’auront même plus la possibilité de déguster », estime, de son côté, Jérôme Volle, vigneron en Ardèche et vice-président de la FNSEA, interrogé par 20 Minutes. « Le vin est un plaisir. Ce plaisir ne doit pas tourner au cauchemar », ajoute le producteur, qui estime que « le monde viticole a déjà beaucoup travaillé sur la prévention de l’alcool au volant. »

En janvier dernier, Didier Guillaume avait déjà jeté un pavé dans la mare et déclenché la colère des associations de Prévention routière et des médecins, déclarant que le vin n’était « pas un alcool comme les autres ». « Je n’ai jamais vu un jeune qui sort d’une boîte de nuit et qui est saoul car il a bu du côtes-du-rhône, du crozes-hermitage, du bordeaux ou du costières-de-nîmes », avait-il déclaré.

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