Yvette Lundy, figure de la Résistance, est morte – Le Monde

Ancienne déportée, elle s’était engagée dès 1959 pour témoigner de l’horreur du système concentrationnaire nazi auprès de collégiens et de lycéens.

Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 19h49, mis à jour à 22h50

Temps de Lecture 3 min.

Yvette Lundy en avril 2017.

Yvette Lundy, figure de la Résistance française, déportée à Ravensbruck dont elle a ensuite inlassablement témoigné des horreurs, est morte à l’âge de 103 ans à Epernay (Marne), a annoncé la préfecture de la Marne dimanche 3 novembre.

Benjamine d’une famille de sept frères et sœurs, elle fut institutrice à Gionges, un village viticole près d’Epernay où elle officiait aussi comme secrétaire de mairie, poste-clé qui lui permit d’intégrer le réseau de résistance Possum. Sa mission : fabriquer de faux papiers pour des Juifs, des hommes fuyant le STO (service du travail obligatoire) en Allemagne ou des prisonniers de guerre évadés que son frère Georges – mort en déportation en 1945 – cachait dans sa ferme.

« Il me disaitj’ai encore un gars, alors j’opérais en conséquence », expliquait celle qui s’est engagée en 1940 dans cette « tricherie honnête » sans se poser « aucune question ». La combine dure jusqu’au 19 juin 1944, lorsque la Gestapo vient l’arrêter pendant sa classe, signant le prologue d’un périple inimaginable pour cette jeune femme d’alors 28 ans.

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« Le cerveau est en guenilles »

Après un passage à la prison de Châlons-en-Champagne puis au camp de Neue Bremm près de Sarrebruck, dans le sud-ouest de l’Allemagne, Yvette Lundy est réduite au matricule 47360 dans celui de Ravensbrück, seul réservé aux femmes et aux enfants, dans lequel environ 130 000 personnes seront déportées.

En passant le portail de ce camp nazi à 80 km au nord de Berlin, elle sent « une chape de plomb » lui tomber sur les épaules, incrédule face à la déshumanisation dès l’arrivée des détenues, forcées de se déshabiller devant les S.S. « Le corps est nu et le cerveau tout à coup est en guenilles : on est comme un trou, un trou plein de vide, et si on regarde autour, c’est encore du vide », confiait-elle.

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A la Libération, elle choisit d’abord de se taire devant une partie de sa famille qui croit cette survivante de l’indicible, comme tant d’autres, « déboussolée ». Mais dès 1959, poussée par l’Education nationale, elle intervient dans les écoles pour témoigner, répétant l’exercice devant des centaines d’élèves, surtout des collégiens français, parfois allemands, convaincue qu’ils ont compris « le drame » de la guerre et du nazisme.

« Yvette était la grande dame d’Epernay, même si elle n’aurait pas du tout aimé qu’on l’appelle comme ça, compte tenu de son parcours de résistante, de déportée et de son investissement incroyable au service du devoir de mémoire », a réagi le maire divers droite d’Epernay, Franck Leroy. « Elle avait aussi un regard sur la guerre et notamment sur la réconciliation franco-allemande qu’elle jugeait extrêmement importante », a-t-il ajouté. « Ardente animatrice du réseau de la Résistance, même après la guerre », Yvette Lundy « avait rencontré des milliers d’élèves pour leur parler de la réconciliation, de la tolérance », notamment à travers le concours national de la Résistance, a rappelé M. Leroy.

Une vie consacrée à l’éducation

« J’apprends avec tristesse et émotion la disparition d’Yvette Lundy, grande dame de la Résistance, qui a su » perpétuer « tout au long de sa vie le devoir de mémoire auprès des jeunes générations », a tweeté le député LRM de la Marne, Eric Girardin.

Le président du Conseil départemental de la Marne, Christian Bruyen, divers droite, a pour sa part évoqué « une superbe figure marnaise à jamais dans nos mémoires ». « Elle avait choisi le danger face à l’occupant. Elle aura connu l’enfer là où le destin de notre siècle saigne. Elle aura consacré sa vie à l’éducation », a-t-il écrit sur Twitter.

Elevée en 2017 au grade de grand officier dans l’ordre de la Légion d’honneur, Yvette Lundy avait alors confié n’être jamais retournée à Ravensbrück, par crainte d’être « trop chiffonnée ». Son précepte de vie ? « Demandez toujours : où allons-nous ? Avec qui ? Que ferons-nous ? Chacun a un devoir de responsabilité, si jeune soit-il », confiait-elle à l’AFP lors de son centenaire. Un hommage à sa mémoire sera organisé à l’occasion des cérémonies du 11 novembre, a indiqué M. Leroy.

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