VRAI OU FAKE. L’eau des “mégabassines” est-elle puisée dans les nappes phréatiques, comme le dénoncent des mil – franceinfo

Des milliers de manifestants se sont donné rendez-vous samedi 29 octobre dans les Deux-Sèvres pour protester contre les “mégabassines”. Seize de ces grandes réserves d’eau doivent progressivement voir le jour dans le bassin de la Sèvre niortaise, afin d’assurer l’irrigation de 230 exploitations agricoles. Sur le chantier de l’une d’entre elles, à Sainte-Soline, des heurts ont éclaté entre les gendarmes et des personnes qui se sont introduites illégalement sur le site.

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Les détracteurs de ces grands “cratères” accusent ces infrastructures de perturber le cycle de l’eau, en puisant dans les réserves. Car, assurent-ils, ces retenues ne sont pas remplies avec de l’eau de pluie, mais “par des pompes qui vont chercher l’eau de bonne qualité dans les sols et les nappes phréatiques”, affirme le collectif Bassines non merci sur son site internet. Mais disent-ils vrai ou fake ? 

Il est vrai que l’eau stockée dans les bassines de la Sèvre niortaise est prélevée dans le sous-sol. A Mauzé-sur-le-Mignon, une première “retenue de substitution”, comme préfèrent les appeler les agriculteurs, de cinq hectares, a été mise en service en 2022. Le principe consiste à stocker l’eau en hiver lorsqu’elle est abondante, plutôt que de la prélever dans la nappe phréatique en été, quand elle se fait plus rare. A l’arrivée des beaux jours, les agriculteurs peuvent alors puiser directement dans ce stock et préserver les nappes phréatiques.

A Mauzé-sur-le-Mignon, trois points de prélèvements sont donc nécessaires pour alimenter la première réserve de substitution déjà construite. Sept forages alimenteront celle de Sainte-Soline, actuellement en construction. La préfecture des Deux-Sèvres explique à franceinfo que le remplissage est autorisé du 1er novembre au 31 mars, “la période où la ressource en eau est statistiquement la plus abondante dans le département, du fait des précipitations et de la faible consommation d’eau par les milieux naturels”. Dans le cas de ces retenues, l’eau est donc bien prélevée dans des réserves souterraines. Mais l’impact de ces remplissages est “souvent négligeable”, selon les conclusions d’une simulation réalisée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) publiée en juin 2022.

La subtilité réside dans les caractéristiques géologiques de ces nappes qui sont peu profondes. A Sainte-Soline, les forages sont établis sur une nappe “superficielle de moyenne épaisseur, située à une dizaine de mètres de profondeur”, précise la préfecture des Deux-Sèvres à franceinfoCelle dans laquelle est pompée l’eau à Mauzé-sur-le-Mignon est de “faible épaisseur” et située également à une dizaine de mètres sous terre. La préfecture ajoute que “compte tenu de ces caractéristiques, les précipitations influent très rapidement sur les niveaux piézométriques [la mesure de profondeur de la surface de la nappe d’eau souterraine] de cette nappe”.

Autrement dit, lorsqu’il pleut en hiver, ces nappes se remplissent très vite. “Ce sont des nappes dites libres, en contact direct avec l’atmosphère et avec les cours d’eau”, précise Alain Dupuy, professeur d’hydrogéologie à l’Institut national polytechnique de Bordeaux. A l’inverse, pour des nappes dites “captives”, bien plus profondes, il faut des années, voire des siècles, avant que l’eau de pluie ne s’y infiltre. Le prélèvement dans les réserves superficielles des Deux-Sèvres dépend donc de la pluviométrie. “S’il n’y a pas de phénomène de hautes eaux, l’Etat est là pour contrôler les volumes et autoriser ou non le remplissage”, complète Alain Dupuy.

Des seuils limites, au-delà desquels les remplissages sont interdits, sont en effet imposés par les autorités. “Ils sont fixés par l’autorisation environnementale délivrée par les services de l’Etat, sur la base d’une analyse des incidences de remplissage notamment sur la ressource en eau superficielle (rivières et zones humides) et souterraine”, détaille la préfectureDe leur côté, les militants opposés à ces retenues d’eau ne font pas confiance aux services de l’Etat pour établir ces limites. “Le déficit est chronique depuis 30 ans, mais ils continuent. Ils suppriment l’eau de la terre en pompant les nappes et les rivières”, dénonce le collectif Bassines non merci sur son site.

Certains spécialistes restent aussi critiques vis-à-vis de ces structures. Sur Twitter, l’hydroclimatologue Florence Habets note ainsi que le bassin de la Sèvre niortaise a été classé en “zone de répartition des eaux”, c’est-à-dire qu’il y a “trop de prélèvements par rapport à la ressource en eau disponible”. Pour elle, ce projet pourrait donc permettre de préserver le niveau des nappes en été, mais il ne garantira pas une amélioration durable pour la ressource en eau.

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