Visite de Macron à Mayotte : « La France, c’est d’abord la sécurité » – Blog Le Monde
Arrivé à Mayotte mardi 22 octobre à 9 h 50 (heure locale), Emmanuel Macron s’est d’abord fait présenter Shikandra, le dispositif de lutte contre l’immigration clandestine, regroupant des forces de la gendarmerie, de la police, de la police aux frontières (PAF) et de la Légion étrangère, devenu opérationnel depuis le mois d’août. C’est à bord d’un intercepteur de la PAF et escorté d’une frégate, d’une vedette côtière de surveillance maritime, de plusieurs intercepteurs et d’un hélicoptère qu’il mettait une heure plus tard pied à terre sur le ponton de plaisance de Mamoudzou, vers 11 h 20.
Une petite foule clairsemée patientait, depuis deux heures pour certains, sous un chaud soleil, au son des m’biwis, ces instruments composés de deux bouts de bambou tapés en cadence qui accompagnent les fêtes mahoraises. Les femmes avaient revêtu leur plus beau salouva – l’habit traditionnel en tissu coloré, la plupart du temps rouge, noir et jaune – et le kishali, le foulard mahorais. Nombre d’entre elles avaient le visage recouvert du m’sindzano, une pâte jaune à base de bois de santal, pour se protéger du soleil.
Après avoir passé les troupes en revue et leur avoir remis l’écusson de l’opération Shikandra, le président de la République, accompagné du ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, de la ministre des outre-mer, Annick Girardin, et du secrétaire d’Etat chargé des transports, Jean-Baptiste Djebbari, a prononcé son premier discours devant une assistance d’un petit millier de personnes – peu nombreuse en comparaison des précédents voyages présidentiels : des dizaines de milliers de Mahorais en liesse ont accueilli Jacques Chirac, le premier chef d’Etat français à poser le pied sur le sol mahorais en 2001, mais aussi Nicolas Sarkozy, qui venait annoncer en 2010 la départementalisation du territoire, et une foule plus importante encore a accueilli François Hollande en 2014.
La faute, en partie, à une sécurisation extrême qui avait transformé Mamoudzou en camp retranché, quasi impossible d’accès, dissuadant bon nombre de Mahorais de se déplacer, et à un filtrage sans merci, écartant les « indésirables » du Collectif des citoyens de Mayotte. La présidente du collectif, Estelle Youssouffa, a ainsi été interpellée avant même de pouvoir pénétrer dans le périmètre du meeting et conduite au commissariat, où elle s’est vu signifier une plainte pour « rébellion ». Autant de mesures qui auront eu pour seul résultat de dévitaliser l’accueil traditionnellement chaleureux des Mahorais. La faible assistance, cependant, traduit aussi, et peut-être d’abord, la désaffection à l’égard de la parole présidentielle, un sentiment d’indifférence, de défiance, si ce n’est de résignation, qui s’est emparé d’une partie de la population.
Allonger la piste de l’aéroport
« Kwezi Maoré », lançait M. Macron en shimaoré, l’une des deux principales langues parlées sur l’île, rappelant que, lors de son précédent passage en tant que candidat, c’était l’endroit où il avait reçu le plus de baisers. Avant de prononcer la phrase que beaucoup attendaient : « Maoré na Farantsa pakatcho ! Farantsa na Maoré pakatcho ! », « Mayotte avec la France pour toujours ! La France avec Mayotte pour toujours ! ». Ce slogan fait écho à la plaque implantée de l’autre côté du bras de mer, à Moroni, la capitale des Comores, proclamant que « Mayotte sera comorienne à jamais ». Depuis l’indépendance proclamée en 1975, les Comores ne cessent de revendiquer leur souveraineté sur l’archipel de Mayotte.
« La France, c’est la sécurité, la France, c’est la santé, la France, c’est l’école, ce sont des chances données à Mayotte pour réussir », a lancé le chef de l’Etat, en soulignant les moyens mis en œuvre ou annoncés dans le cadre du plan de convergence de 1,6 milliard d’euros en faveur de Mayotte. Des mesures pour la plupart déjà annoncées qui ne soulevaient guère l’enthousiasme de la foule.
C’est en abordant le sujet des infrastructures que M. Macron est parvenu, enfin, à recueillir quelques manifestations d’approbation. En particulier quand il a abordé la question de l’allongement de la piste de l’aéroport de Dzaoudzi, qui ne peut accueillir actuellement de gros-porteurs en ligne directe, sauf ceux qui passent par La Réunion pour leur ravitaillement. Une situation qui conduit à un monopole d’Air Austral sur la desserte et à des prix du billet élevés. Ce qui contribue à l’enclavement de Mayotte, pénalise son économie et contraint une partie de la population au sédentarisme.
« La piste longue, quand je suis parti de Paris, on m’a dit qu’il n’y en avait pas besoin, que ça coûtait cher, a indiqué le chef de l’Etat. Quand je suis arrivé à Mayotte, j’ai compris qu’elle est vraiment courte. »
La « piste longue », cela fait vingt ans que les Mahorais en entendent parler sous forme de promesses jamais concrétisées. C’est Jacques Chirac le premier qui leur en avait fait l’annonce. Hormis des études en tous genres, rien n’a jamais abouti. M. Macron ne s’en est pas caché, il existe encore de fortes résistances, dans l’administration et l’appareil d’Etat, pour accéder à cette demande. « La piste longue, quand je suis parti de Paris, on m’a dit qu’il n’y en avait pas besoin, que ça coûtait cher, a indiqué le chef de l’Etat. Quand je suis arrivé à Mayotte, j’ai compris qu’elle est vraiment courte », compte tenu de la distance de freinage.
Ouvrir la desserte à plus de concurrence
« Il n’y a pas besoin d’études d’impact pour savoir s’il faut la faire ou pas, elles ont été faites, a poursuivi M. Macron. Pas besoin d’études pour savoir si on va la faire mais, maintenant, on va lancer les études pour savoir comment on va la faire. » Le président a ainsi déclaré que 200 millions d’euros allaient être dégagés sur le plan de convergence pour faire aboutir le projet et que, dans l’immédiat, l’Etat allait intervenir pour encadrer les prix et ouvrir la desserte à plus de concurrence. « Les engagements que j’ai pris, je viendrai devant vous pour en rendre compte », a-t-il promis, soulevant pour la première fois des applaudissements un peu nourris.
La visite du président de la République se poursuivait mardi à M’Tsamboro, où il devrait revenir sur la question de l’immigration, puis dîner avec des femmes mahoraises en hommage à Zéna M’Déré, figure charismatique du mouvement des « chatouilleuses », dans les années 1960 et 1970, qui mit en déroute les opposants au maintien de Mayotte dans la République française. Avant, mercredi matin, de rejoindre la Grande Glorieuse, une des îles Eparses, où aucun chef d’Etat français ne s’est jamais rendu.