Virez vos gosses !

Virez vos gosses !

Il est impossible de tenir une comptabilité et par la même occasion, un palmarès des comportements les plus débiles des internautes. Pour autant, il y a un sujet qui se détache : la question des enfants.

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Côté face, on protège

Les dinosaures du Web se rappellent avec une nostalgie douce-amère le bon temps où on était trois et demi à utiliser Internet. Nos canaux de communication se limitaient à IRC et aux mails, charger une image prenait des heures, l’écrit restait le maître et une sélection naturelle s’opérait avec la maîtrise des outils. Puis est venu le temps, non pas des cathédrales, mais de la démocratisation de l’informatique et de l’Internet grand public. S’est ainsi déversée une cohorte de gens qui ont cru être intelligents.

Heureusement pour eux, le politique s’en est mêlé. Qu’on se le dise : Internet ne sera pas une zone de non-droit, tout internaute a droit au respect et surtout, protégeons nos chères petites têtes blondes des grands méchants loups. À chaque quinquennat, sa loi contre Internet et surtout, son concours Lépine de la meilleure manière de protéger et de responsabiliser les enfants sur le Web, en particulier sur les réseaux sociaux.

Côté face donc, tout va bien, on protège les enfants, on fait en sorte que leur image soit protégée. La proposition Studer en est une récente démonstration. Le texte est loin d’être idiot, il est mesuré, tout au plus peut-on déplorer que la responsabilité des plateformes ne soit pas plus engagée. À la rigueur, la responsabilité des plateformes n’est même plus le sujet.

Côté pile, on exploite

La tarte à la crème à la mode est de taper sur les plateformes et si ladite plateforme appartient aux GAFAM, c’est encore mieux. Ne dites plus à vos enfants que le croque-mitaine va venir les manger s’ils ne finissent pas leurs petits pois. Dites que Google va vampiriser leurs âmes. Et surtout : oubliez de dire que vous bradez vos enfants comme des portemanteaux.

On peut comprendre que des parents aient envie de partager des photos de leur progéniture avec des amis, qui ne sont pas toujours à proximité. Cela est encore plus compréhensible avec l’épidémie : il est vivement conseillé de limiter les interactions sociales physiques. Mais entre envoyer des photos sur un cloud privé, auquel un nombre limité de personnes a accès et se servir de son enfant comme d’un accessoire pour vendre un produit, il y a une marge. C’est le second comportement que la loi Studer vise. Malheureusement, ça ne sera pas suffisant. À quoi bon faire une loi contre les influenceurs qui utilisent leurs enfants, quand d’autres parents n’hésitent pas à faire pavaner leurs enfants sur des plateaux télé ?

La dernière aberration en date est le feu vert de la CNIL concernant une application qui monétise les données des adolescents. Comme l’indique BFM TV « Cette plateforme avait créé la polémique en février dernier en proposant aux 15-25 ans de vendre leurs données personnelles aux annonceurs contre un peu d’argent ou des bons d’achat ». Le discours de l’application est beau comme un discours de Gaspard Koening.

Choisir une ligne et s’y tenir

Le plus gros problème des enfants sur le Web est l’absence de cohérence de leurs parents. Il est parfaitement inutile de leur faire des leçons de morale à rallonge sur les « dangers d’Internet » si les adultes autour d’eux sont constamment le nez dans le téléphone, à partager photos et anecdotes.

Internet peut être une source de connaissances phénoménales et formidables, mais ce n’est pas un endroit pour les enfants. Peut-être même que cela ne l’a jamais été. Par naïveté, on s’est dit que c’était un lieu accessible à tous, mais si on file la métaphore avec les lieux physiques, on peut dire aussi qu’il y a des endroits où les enfants ne sont pas les bienvenus.

Peut-être que la meilleure façon de protéger les enfants des « dangers d’Internet » est tout simplement de les virer d’Internet tant qu’ils ne sont pas en âge de comprendre : ne pas en parler, ne pas les afficher, ne pas leur donner un accès à tout et n’importe quoi. On peut objecter que les « bannir » du Web ne va pas les aider à affronter le monde dans lequel ils seront amenés à évoluer. À mon avis, si les enfants savent se servir d’un ordinateur, rédiger un email, utiliser des outils de bureautique classiques, ils seront déjà mieux préparés que ceux qui passent leur vie sur TikTok ou suivent avec passion les derniers drames à la mode sur Twitter. Et s’ils souhaitent gagner de l’argent de poche, quelques corvées ménagères ou du baby-sitting sont toujours possibles. Ils ne sont pas obligés de vendre leur intimité pour quelques centimes.  

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