Violences en Guadeloupe : l’Etat impose un couvre-feu face aux émeutes anti-passe sanitaire – Le Parisien

L’État riposte face à la grogne guadeloupéenne. Vendredi, le préfet de Guadeloupe Alexandre Rochatte a annoncé l’instauration d’un couvre-feu entre 18 heures et 5 heures avec effet immédiat et ce jusqu’à mardi 23 novembre, « compte tenu des mouvements sociaux en cours dans le département et des actes de vandalisme » ayant pour point de départ la mobilisation contre le passe sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants contre le Covid-19.

Routes et accès au CHU bloqués, immeubles et véhicules incendiés, écoles fermées… La grogne anti-passe et antivax qui dure depuis cinq jours, animée par un collectif d’organisations syndicales et citoyennes, se double désormais de violences commises par des émeutiers. Après une nuit de jeudi à vendredi particulièrement violente, les écoles sont restées fermées vendredi et, en raison de très nombreux barrages routiers, l’activité tourne au ralenti.

Dans un communiqué datant de vendredi, le plus haut représentant de l’État dans l’île a dit tenir compte des « incendies de biens publics, barrages sur les routes, jets de pierres sur les forces de l’ordre, tirs de mortier », et interdit également la vente d’essence en jerrican. Plus tôt dans la journée, le gouvernement avait décidé d’envoyer « dans les prochains jours » 200 policiers et gendarmes pour venir en soutien aux forces de l’ordre sur place.

Nouvelle nuit « très agitée »

Vendredi soir, de nouveaux feux ont été allumés sur des barricades à Colin et Montebello, à Petit-Bourg (commune de la Basse-Terre) selon Routes de Guadeloupe, après une nouvelle journée de tensions. La nuit a « été très agitée », a rapporté une source policière auprès de l’AFP, faisant état de « tirs à balles réelles sur un véhicule de police » au Gosier et « sur des gendarmes mobiles » à Pointe-à-Pitre. Au total, les forces de l’ordre déplorent, selon la même source, « l’usage d’armes à feu sur les forces de l’ordre sur 4 secteurs différents ». « Un effectif a reçu une pierre au visage » et a été légèrement blessé, selon la même source. Plusieurs véhicules ont été dégradés.

Une centaine de policiers et 80 gendarmes étaient sur le terrain cette nuit dans l’île. Les policiers ont notamment fait face à une tentative d’intrusion à la résidence universitaire à Pointe-à-Pitre, ainsi qu’à « une vingtaine de pillages ou tentatives de vols » dans des commerces de Pointe-à-Pitre et du Gosier : bijouterie, PMU, banques, centre commercial…

Durant la nuit à Saint-François, « des gendarmes sortant de la brigade ont été menacés par des jets de projectiles enflammés », sans qu’il y ait de blessé à déplorer. Les pompiers sont intervenus pour des feux à Petit-Bourg dans deux commerces de téléphonie, par ailleurs pillés. Dans le même secteur, « une armurerie a été cambriolée » selon une source au sein de la gendarmerie.

Dans le sud de la Basse-Terre, selon une autre source, la situation a été plus calme sur les routes malgré quelques barrages : « Des gens, notamment des entrepreneurs, commencent à s’organiser et enlèvent des barrages, des riverains ont aidé les gendarmes ».

Les blocages ont repris, ce samedi matin, avec l’installation de nouveaux barrages notamment sur les principaux axes routiers du territoire.

Deux enquêtes ouvertes

Le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins, a par ailleurs annoncé l’ouverture de deux enquêtes pour « dégradation par incendie en bande organisée et vols avec dégradation en bande organisée », concernant « des attaques de magasins », dont cinq bijouteries pillées à Pointe-à-Pitre. Quatre immeubles de la ville, qui compte de nombreuses habitations en bois, sont partis en fumée dans la nuit suite à ces pillages, indiquent les pompiers et une source policière.

Devant le CHU, les seuls véhicules autorisés à entrer restent les ambulances. Les centres de dialyse de la Guadeloupe ont d’ailleurs alerté sur « un danger de mort » pour près de 800 patients dont les barrages pourraient empêcher l’accès aux soins. Les gendarmeries du Lamentin et de Morne-à-l’Eau notamment ont été « assiégées » par des personnes parfois « encagoulées », des gendarmes blessés « par jets de pierres » et des véhicules incendiés, selon des sources policières et le parquet.

« Désormais, il y a un mélange des personnes sur les barricades. Beaucoup de jeunes, en colère par rapport à la situation de la Guadeloupe. L’obligation vaccinale, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », estime Maïté M’Toumo, secrétaire générale de l’UGTG, en demandant « l’ouverture de négociations avec le gouvernement ».

Un soignant « agressé par une personne cagoulée »

Au CHU, « les barrages routiers pénalisent énormément le personnel qui vient de tous horizons. On est obligé d’attendre que tout le monde soit présent pour démarrer et d’attendre que la relève soit présente pour continuer », explique à l’AFP Anne-Gaëlle Pascale, cadre de santé au bloc opératoire du CHU. « Il y a du filtrage à l’entrée, notamment pour les internes dont certains sont empêchés de passer. L’un d’entre eux a même été agressé par une personne cagoulée », affirme Cédric Zolezzi, directeur adjoint du centre hospitalier, en déplorant l’absence « de dialogue ».

La situation est d’autant plus complexe que depuis début novembre, « on est en personnel restreint » avec l’instauration de l’obligation vaccinale des soignants, rappelle Anne-Gaëlle Pascale. Ainsi, en chirurgie, 50 % des effectifs habituellement au planning sont absents. Selon la direction du CHU, un peu plus de 87 % des agents du centre hospitalier possèdent un passe sanitaire, mais certains personnels sont suspendus pour passe non valide, à quoi s’ajoute « une vague d’arrêts maladie », « sur consigne syndicale », accuse Cédric Zolezzi.

Côté éducation, la rectrice de région académique, Christine Goff-Ziegler, a condamné jeudi « l’ensemble des actes de vandalisme et les entraves à la circulation » ou « à l’accès des établissements ». Les élèves sont, selon elle « les premières victimes » de ces débordements.

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