Violences conjugales : «La loi doit punir le suicide forcé» – Le Parisien

L’estimation fait froid dans le dos. En 2018 en France, 217 femmes se seraient donné la mort en raison de violences conjugales subies. Cette étude choc, réalisée par la coopérative d’expert(e)s indépendant(e)s Psytel, est citée par le groupe de travail « violences psychologiques et emprise » qui présentera ses propositions ce mardi matin à Marlène Schiappa, dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales lancé par la secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes.

Parmi ces 12 mesures concrètes : créer une incrimination du suicide forcé comme circonstance aggravante à l’infraction qui réprime actuellement le harcèlement moral par conjoint. « Oui, la loi doit punir le suicide forcé », soutient Yael Mellul, ancienne avocate et personnalité qualifiée qui préside ce groupe de travail (GT10) avec Hélène Furnon-Petrescu, cheffe de service des droits des femmes et de l’égalité femmes-hommes. Leur réflexion, menée avec une quinzaine de participants, a porté sur un phénomène décrit comme massif mais peu connu.

«87% des victimes ont déclaré des violences psychologiques»

« Selon les données du 3919 (NDLR : numéro de téléphone pour les femmes violentées), 87 % des victimes ont déclaré des violences psychologiques. Celles-ci sont le ciment et le socle de toutes les violences contre les femmes. La racine du mal », développe Yael Mellul. Concrètement, la psychiatre Marie-France Hirigoyen, membre du GT10, définit la violence psychologique comme « constituée de paroles et de gestes qui ont pour but de déstabiliser ou de blesser l’autre mais aussi de le soumettre, le contrôler de façon à garder une position de supériorité ».

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Cette emprise, aux effets aussi nombreux que dévastateurs, a une conséquence traumatique extrême : le suicide de la victime, qui souvent se sent — à tort — honteuse voire coupable. « Il devient l’aboutissement du processus, une libération », relève le groupe de travail. Ou encore « l’unique solution pour sortir de cet enfer ». Or, le responsable d’un suicide forcé bénéficie d’un certain vide juridique. Et les condamnations pour harcèlement ou menaces dans le cadre conjugal restent « anecdotiques », selon le GT10.

Intégré depuis 2010 dans le Code pénal, le délit de « harcèlement moral sur conjoint ayant pour objet ou effet une dégradation de ses conditions et vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » punit l’auteur de 3 ans d’emprisonnement (NDLR : si l’incapacité totale de travail est inférieure ou égale à 8 jours) ou de 5 ans (NDLR : supérieure à 8 jours). Rien n’est prévu en cas de décès.

Créer une nouvelle circonstance aggravante

La proposition numéro 7 du groupe de travail suggère donc de créer une nouvelle circonstance aggravante à ce délit, quand le harcèlement a causé un suicide ou une tentative. Le responsable serait jugé devant une cour d’assises et passible, comme pour les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, de 20 ans de réclusion criminelle. « Et si la cause d’un suicide est multifactorielle, le conjoint qui le provoque partiellement le provoque tout de même », précise Véronique Wester-Ouisse, vice-procureure placée à Brest (Finistère) et contributrice du GT10.

« Une prise en compte systémique du traitement des violences psychologiques est un impératif si l’on veut faire reculer le nombre de mortes et prévenir de nouvelles violences », prévient Yael Mellul. Outre ces 12 mesures du GT10, Marlène Schiappa se verra restituer ce mardi matin les propositions des dix autres groupes de travail, créés par son légitime et salutaire Grenelle.

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