Venise sous les eaux d’une «acqua alta» : quatre questions sur une marée haute historique – Le Parisien

Soirée désastreuse pour les habitants de Venise. Mardi soir, la ville du nord-est de l’Italie a donné l’impression d’être totalement engloutie sous les eaux. La faute à une « acqua alta » (« marée haute ») jamais atteinte depuis plus de 50 ans, avec de l’eau qui est montée jusqu’à 1,87 m.

Les images montrent des scènes dévastatrices. De nombreux bateaux se sont échoués sur les trottoirs tandis que des habitants ont été contraints d’entrer dans les bâtiments par les fenêtres. Au moins une personne est décédée, électrocutée.

VIDEO. Venise inondée par une « acqua alta » historique

Alors que les autorités mettent en garde contre un phénomène qui pourrait se reproduire dans les jours à venir en raison de la mauvaise météo, on fait le point sur cette très forte marée, ses causes, et ses conséquences.

Quel est l’état de la situation à Venise ?

Venise est souvent présentée comme « ayant les pieds dans l’eau ». Située en bordure littorale, la ville italienne est située à une hauteur variant, selon les endroits, entre quelques dizaines de centimètres à 1,30 m par rapport au niveau de la mer.

Mardi soir, la situation n’a pas été la même pour tous les Vénitiens. Au niveau de la Place Marc, point le plus bas de la ville (à environ 60 cm), l’eau a dépassé le mètre de hauteur. Les rez-de-chaussée de nombreux hôtels et restaurants situés en bordure des canaux ont été engloutis. Dans les zones les plus basses en altitude, dont certaines ruelles de la ville, les habitants n’ont été inondés que jusqu’aux genoux.

Cette « acqua alta » est la plus importante depuis le 4 novembre 1966. Ce jour-là, l’eau était montée au niveau record de 1,94 m. « Ça avait été dévastateur », se rappelle le journaliste et écrivain italien Alberto Toscano, qui avait 18 ans à l’époque.

Pourquoi y a-t-il de telles inondations ?

Si cette situation n’est pas nouvelle, les risques qu’elle se multiplie se sont accentués en raison des changements climatiques. Un graphique mis en ligne sur le site de la ville montre que le nombre d’épisodes avec une marée supérieure à 1,10 m est passé de zéro ou un par an au début du XXe siècle, à près de huit en moyenne chaque année depuis 2010.

Venise est régulièrement citée dans des rapports du Giec qui alertent sur les villes qui sont menacées de submersion à cause de la montée du niveau de la mer. « Il y a à la fois l’extension thermique des océans, avec l’eau qui se réchauffe et prend plus d’espace, et la fonte de la glace qui se trouvait sur terre », détaille François Gemenne, chercheur spécialiste des questions climatiques à l’université de Liège et membre de Giec.

D’un autre côté, le développement urbain à Venise fragilise les terres, ce qui fait que la ville s’enfonce de plus en plus. C’est ce double effet qui fragilise la « Cité des Doges ».

Comment la ville se protège-t-elle ?

La municipalité n’est pas restée inactive pour se protéger. Dans les années 1970, après les grosses inondations de 1966, avait été lancé un projet – appelé « MOSE » – de construire des « digues flottantes » en périphérie de la ville.

Ces grosses barrières mobiles immergées sont placées aux trois entrées de la lagune. Elles sont censées basculer et s’élever lorsque le niveau de la mer atteint un niveau dangereux, fixé à 1,10 m, pour empêcher l’eau de trop inonder la ville.

Venise sous les eaux d’une «acqua alta» : quatre questions sur une marée haute historique

Sauf que ces digues, si elles sont en majorité physiquement installées, ne fonctionnent pas encore. La fin du chantier, initialement prévue en 2003, n’est désormais pas attendue avant 2022, au plus tôt.

Les complexités techniques n’expliquent pas, à elles seules, cet énorme retard. Alors que six milliards d’euros ont déjà été engloutis, le projet MOSE a été au cœur d’un gigantesque scandale de corruption et de détournements de fonds, en 2014. « Le MOSE, le plus grand des grands travaux, s’est noyé, dans tous les sens du terme », se désolait l’an dernier le quotidien local Il Gazzettino.

« Il n’y a pas d’autre solution que ces digues. En attendant, c’est le système D pour les Vénitiens. Ils ont appris à vivre depuis des siècles avec ces inondations, notamment en faisant construire des passerelles et en ne vivant plus au rez-de-chaussée », expose Alberto Toscano.

François Gemenne souligne de son côté que « les villes comme Venise ne sont pas forcément condamnées, mais il y a urgence ».

Quels sont les risques pour le patrimoine ?

Si l’inquiétude est aussi vive à la vue des images de Venise engloutie, c’est notamment parce que la ville renferme un patrimoine très important. La crypte et le presbytère de la célèbre basilique Saint-Marc, située sur la place du même nom – le lieu le plus touché par les inondations -, ont été complètement noyés pendant la nuit.

Venise sous les eaux d’une «acqua alta» : quatre questions sur une marée haute historique
Venise sous les eaux d’une «acqua alta» : quatre questions sur une marée haute historique

On peut déjà s’attendre à des « dommages très graves », a prévenu ce mercredi matin le maire de la ville, qui s’est rendu sur place.

Le ministre italien des biens culturels, Dario Franceschini, a annoncé mardi soir à l’agence de presse ANSA que des inspecteurs allaient se rendre sur place, et que l’Etat était prêt à participer au financement de mesures de protection et de sauvegarde de la basilique.

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