Valérie Pécresse justifie son utilisation de l’expression complotiste « grand remplacement » au cours d’un meeting à Paris – Le Monde

Valérie Pécresse au cours de son meeting, au Zénith de Paris, le dimanche 13 février.

Un discours très attendu, mais une prestation critiquée sur la forme et sur le fond. Mise sous pression après une semaine marquée par les défections et les critiques dans son propre camp – à l’image des propos de Rachida Dati –, la candidate du parti Les Républicains (LR), Valérie Pécresse, souhaitait se relancer avec son premier grand meeting de campagne organisé au Zénith de La Villette à Paris, dimanche 13 février. Mais sa prestation a peu convaincu, à deux mois de l’élection présidentielle.

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Peu à l’aise à l’oral durant ce discours qui a duré une heure et demie, la candidate a reconnu, lundi matin sur RTL, qu’elle était « plus à l’aise dans le dialogue direct avec les Français ». Mais c’est surtout le fond de son texte, résolument à droite, qui a retenu l’attention. Avec notamment un passage : « Dans dix ans, serons-nous encore la septième puissance du monde ? Serons-nous encore une nation souveraine ou un auxiliaire des Etats-Unis, un comptoir de la Chine ? Serons-nous une nation unie ou une nation éclatée ? Face à ces questions vitales, pas de fatalité. Ni au grand remplacement ni au grand déclassement. Je vous appelle au sursaut. » Mme Pécresse y reprend ainsi à son compte la théorie complotiste popularisée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus et reprise régulièrement par Eric Zemmour.

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« Rubicon »

La candidate socialiste, Anne Hidalgo, a estimé dimanche soir que sa rivale de droite avait franchi « un Rubicon de plus » en évoquant, dans son meeting, ce terme de « grand remplacement ». Selon elle, Mme Pécresse « prend un tournant extrêmement grave pour le débat politique [qui] n’est absolument pas dans la filiation d’un Jacques Chirac, qui a toujours (…) posé la ligne rouge à ne pas franchir ». « Notre pays ne peut pas sombrer dans ces idéologies fascistes, fascisantes. Cette théorie du grand remplacement, on sait qu’elle a conduit au massacre en Nouvelle-Zélande en 2019 », dont l’auteur était un adepte, a-t-elle ajouté. De son côté, le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, a fait part de sa « sidération de voir une candidate qui se dit républicaine reprendre les mots et les concepts de l’extrême droite » et dénonce une « dérive permanente de la droite ».

« Le grand remplacement de la droite par l’extrême droite, voilà ce qui est apparu ce week-end. Trois candidatures pour une même haine, a critiqué également la députée de La France insoumise Clémentine Autain, évoquant Mme Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour. Que ce soit dit lentement ou rapidement, mal ou bien, la violence du discours est de nature semblable. »

L’association SOS-Racisme a, elle aussi, jugé « pas dignes » les propos de la candidate LR, lundi. « Les propos de Valérie Pécresse ne sont pas dignes d’une prétendante majeure à la présidence de la République », a déclaré le président de SOS-Racisme, Dominique Sopo, cité dans un communiqué, regrettant que le niveau de débat « s’effondre dans la médiocrité, l’irrationalité et la violence sous l’influence de l’extrême droite ». « Valérie Pécresse a tort de vouloir donner des signes à un électorat radicalisé, car cet électorat n’est jamais assez assouvi de haine. En outre, l’on sait, sur la base des attentats de Christchurch [en Nouvelle-Zélande, en 2019], que la théorie du grand remplacement peut entraîner des conséquences mortelles », ajoute M. Sopo.

Près de 7 000 personnes étaient réunies dimanche 13 février, pour le premier grand meeting de Valérie Pécresse au Zénith à Paris.

Un terme déjà repris dans les débats du congrès LR

Invitée de RTL lundi matin, Mme Pécresse a assuré qu’en reprenant ce terme elle avait voulu dire : « Je ne me résigne pas justement aux théories d’Eric Zemmour et aux théories de l’extrême droite, parce que je sais qu’une autre voie est possible. » « C’est ce que j’ai dit hier et tout le monde me fait dire le contraire », a-t-elle ajouté. Et de rappeler : « C’est une phrase que j’ai prononcée dix fois dans la primaire, et tous les commentateurs qui la reprennent ont des mémoires de bigorneau. » Lors du deuxième débat avant le congrès des Républicains, à la mi-novembre, Mme Pécresse avait, en effet, déjà utilisé cette formule en conclusion. « Ce soir, après dix ans d’immobilisme, et de mauvais choix, il ne tient qu’à nous de reprendre notre destin. J’ai la conviction que nous ne sommes condamnés ni au grand déclassement ni au grand remplacement », avait-elle alors déclaré.

Interrogé lundi matin sur BFM-TV sur ces propos, Eric Ciotti a estimé que « le chemin qui a été dessiné [dimanche], c’était le sens de la phrase de Valérie Pécresse, c’est d’être ni résigné au déclin qu’a porté, qu’a incarné et qu’incarne Emmanuel Macron. (…) On ne peut pas se limiter au constat que porte Eric Zemmour, Eric Zemmour fait un constat, il a une vision très pessimiste de l’avenir, nous, nous avons une vision optimisme », a-t-il défendu. Au même moment sur LCI, un autre prétendant malheureux au congrès LR, Michel Barnier, a tenté de défendre la candidate. Selon lui, Mme Pécresse a, au contraire, « utilisé ce mot pour dire qu’elle n’en voulait pas. Pas de malentendu possible. Elle dit qu’elle ne veut [pas] des théories de M. Zemmour », a-t-il assuré.

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