Une nouvelle étape, pleine d’incertitudes, s’ouvre en Catalogne sur fond de précampagne électorale – Le Monde

A l’extérieur de l’aéroport d’El Prat, à Barcelone, le 14 octobre.

Routes bloquées, infrastructures endommagées, manifestations spontanées ou organisées… En Catalogne, la réaction à l’arrêt rendu par la Cour suprême espagnole, qui a condamné neuf anciens dirigeants indépendantistes catalans à des peines allant de neuf à treize ans de prison pour « sédition » lundi 14 octobre, ne s’est pas fait attendre.

Dès la mi-journée, des milliers de militants indépendantistes se sont dirigés vers l’aéroport de Barcelone, à pied, en métro et en train, afin de paralyser le trafic aérien et exprimer ainsi leur colère face à la sentence, à l’appel d’une nouvelle plate-forme de mobilisation baptisée « Tsunami démocratique », née sur les réseaux sociaux Twitter et Telegram de manière anonyme. Malgré l’intervention musclée de la police catalane, les Mossos d’Esquadra, plus d’une centaine de vols ont dû être annulés.

A Gérone, les voies ferrées de la ligne à grande vitesse ont été occupées et détériorées par des manifestants, et la liaison entre Barcelone et la frontière française a été coupée. Partout ailleurs en Catalogne, des cortèges ont dénoncé, casseroles à la main, ce que le président de la Généralité, l’indépendantiste radical Quim Torra, a qualifié de « sentences injustes et antidémocratiques » et de « procès politique contre le droit à l’autodétermination ».

« Tôt au tard, un nouveau référendum sera inévitable »

Des qualificatifs qui n’ont pas été du goût du chef du gouvernement espagnol par intérim, le socialiste Pedro Sanchez, qui a réaffirmé « l’indépendance et la transparence » de la justice espagnole. « En démocratie, personne n’est jugé pour ses idées, ni pour défendre un projet politique, mais pour des délits prévus par la loi », a-t-il insisté.

A moins d’un mois des élections législatives du 10 novembre, l’arrêt de la Cour suprême et la crise catalane se sont imposés au cœur de la précampagne électorale. « Ce dont je suis certain, c’est que ce contentieux se dénouera dans les urnes. (…) Et nous sommes convaincus que, tôt au tard, un nouveau référendum sera inévitable », a déclaré à Reuters le président de la Gauche républicaine catalane (ERC), Oriol Junqueras, condamné à treize ans de prison.

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« Nous devons transformer les élections du 10 novembre en une réponse massive et sonore de refus, de liberté et de fermeté », a aussi affirmé l’ex-président du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, depuis Belgique, alors même que la justice espagnole a réactivé le mandat d’arrêt européen contre lui, pour « sédition et malversation », avec l’espoir qu’il puisse enfin être jugé en Espagne, où il n’y a pas de procédure par contumace. Les indépendantistes espèrent que la dureté des peines permettra de mobiliser les électeurs lors du prochain scrutin.

« En premier lieu, la Catalogne doit réparer ses blessures, puisque l’indépendantisme a fracturé le vivre-ensemble »

Le gouvernement est d’un avis contraire. « La population catalane, exceptée les noyaux les plus radicaux, est fatiguée et désireuse de trouver des solutions et de résoudre ses problèmes réels : beaucoup ont compris que l’indépendance est une chimère », veut croire la vice-présidente du gouvernement espagnol, la socialiste Carmen Calvo, qui souligne que les socialistes ont bondi en Catalogne lors des dernières élections. « Alors que l’ancien gouvernement [du Parti populaire] a été incapable de gérer la situation, au point que tout s’est terminé devant les tribunaux, nous avons montré ces derniers mois une autre manière de faire, explique-t-elle au Monde. Une fois rendu l’arrêt, dans le cadre de la Constitution et dans la loi, le dialogue pour trouver une sortie [à la crise] est possible. Mais il faut que l’indépendantisme fasse une autocritique : comme le dit la sentence, ils ont menti et trompé la Catalogne en proposant une voie qui n’était ni constitutionnelle ni légale. »

« Eviter l’endoctrinement »

Pas question pour le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de céder sur la demande de référendum d’autodétermination : « Ce droit n’existe dans aucune Constitution européenne : une partie d’un territoire ne peut pas décider pour le tout. Mais nous pourrons aborder les problèmes, les aspirations et les nécessités de la Catalogne », défend Mme Calvo, partisane d’une réforme fédérale du modèle territorial « pour unir diversité avec égalité ». « Mais en premier lieu, la Catalogne doit réparer ses blessures, puisque l’indépendantisme a fracturé le vivre-ensemble », estime la vice-présidente de l’exécutif, qui souligne aussi la nécessité des élus catalans de travailler entre eux, au Parlement régional, « pour essayer de réformer le statut d’autonomie dans le cadre de la Constitution ».

Devant A l’extérieur de l’aéroport d’El Prat, à Barcelone, le 14 octobre.

Au contraire, le Parti populaire (PP, droite) mise sur son programme politique, tendant à la recentralisation, pour tirer des bénéfices électoraux de la crispation provoquée dans le reste de l’Espagne par la situation catalane. « Pour empêcher qu’une situation si grave se répète », le président du PP, Pablo Casado a promis de réinscrire dans le code pénal « la convocation de référendum illégal », de modifier la loi pour « éviter la propagande en faveur de l’indépendance sur les télévisions et radios publiques régionales », ou encore de « renforcer le corps des inspecteurs d’éducation » pour « éviter l’endoctrinement ». Il entend enfin interdire les grâces pour les personnes condamnées pour sédition et rébellion, ainsi que l’accès à des aménagements de peines. Ces derniers pourraient permettre aux premiers condamnés de bénéficier de permis de sortie et de liberté surveillée dès les prochains mois.

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Une façon, aussi, de ne pas laisser le parti d’extrême droite nationaliste Vox récupérer les fruits de la colère provoquée en Espagne par la reprise des troubles en Catalogne. Le « Tsunami démocratique », lui, promet de nouvelles actions dans les prochains jours ou mois en Catalogne, jusqu’à obtenir le droit à l’autodétermination.

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