Une enquête ouverte sur des soupçons d’emploi fictif au sein du Canard enchaîné – Radio France

Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour “abus de biens sociaux” et “recel”, à la suite de la plainte d’un journaliste de la rédaction. Christophe Nobili, l’un des auteurs de l’enquête sur les emplois fictifs du couple Fillon, a mis au jour la présence dans les effectifs du Canard Enchaîné d’une salariée qu’il ne connaissait pas, et qui s’est révélée être la compagne d’un dessinateur de l’hebdomadaire.

La compagne d’un dessinateur historique du Canard

C’est par hasard que Christophe Nobili a découvert l’an dernier qu’une femme dont il n’avait jamais entendu parler, bénéficiait d’une carte de presse domiciliée au Canard enchainé. Découverte intrigante dans cette petite rédaction qui emploie une vingtaine de journalistes permanents, d’autant plus intrigante pour ce spécialiste des “affaires”. Outre l’enquête sur les emplois fictifs du couple Fillon, Christophe Nobili a fréquemment travaillé sur des dossiers d’escroqueries financières présumées, touchant les intérêts du groupe Bolloré en Afrique, ceux du groupe Bouygues dans la construction du ministère de la Défense à Paris, ou encore les montages financiers de Dieudonné.

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p class=”AdSlotParagraph g-text-2-long svelte-pmhqv8″>Rapidement, Christophe Nobili comprend que l’inconnue de la rédaction du Canard Enchaîné est la compagne du dessinateur André Escaro, 94 ans aujourd’hui, une signature historique du palmipède depuis 1949 dans lequel il réalisait encore au printemps dernier le cabochon de la page 2, cette petite vignette qui accompagne l’éditorial politique de l’hebdomadaire.

Un préjudice estimé à trois millions d’euros

André Escaro était également membre du conseil d’administration du journal jusqu’à cette assemblée générale du 22 juin dernier qui décide, dans sa huitième résolution, de mettre fin à son mandat et de le remplacer à ce poste par les journalistes Odile Benyahia Kouider et Hervé Liffran. Ces remplacements surviennent opportunément, un mois après le dépôt de cette plainte contre X pour abus de biens sociaux et recel, qui commence à faire du bruit dans les couloirs du 173, rue Saint-Honoré.

Extrait du PV de l'Assemblée générale du 22 juin 2022
Extrait du PV de l’Assemblée générale du 22 juin 2022

© Radio France

Car après cette encombrante découverte l’an dernier, Christophe Nobili s’est bien entendu posé la question d’en dénoncer les faits auprès de la justice et de risquer de porter atteinte à sa propre entreprise.

Un “dilemme terrible” selon son avocat, mais le silence lui aurait été encore plus insupportable, confie Maître Pierre-Olivier Lambert, d’autant que les versements de salaires incriminés courent apparemment sur une période d’environ vingt ans et atteignent un préjudice estimé à trois millions d’euros. “Ces faits, s’ils avaient été découverts partout ailleurs, auraient immédiatement fait l’objet d’une page dans le Canard. C’est dans cet esprit de probité, d’honnêteté, et surtout de courage que Christophe Nobili a décidé de mener cette procédure“, souligne l’avocat. Alors le 10 mai dernier, c’est en qualité de lanceur d’alerte que Christophe Nobili dépose plainte auprès du parquet de Paris. Sa démarche n’est pas menée “contre le journal mais contre un système qui aurait été mis en place“, poursuit Me Lambert.

L’image du Canard écornée

Très vite, une enquête préliminaire est ouverte et les policiers de la brigade financière de Paris entament leurs investigations dès le début de l’été avec une première série d’auditions des salariés de l’hebdomadaire, qui se sont accélérées cette dernière semaine. Les dirigeants du journal n’ont pas encore été convoqués “au sujet de cette plainte dont je ne connais ni la date ni l’objet” confie au journal Le Monde le directeur du Canard Enchaîné Nicolas Brimo, 71 ans. Bien qu’il en ait forcément été informé directement par Christophe Nobili au printemps, cette démarche lui étant nécessaire afin de prétendre au statut de lanceur d’alerte.

Si les soupçons de cet emploi fictif se confirment, et au-delà des conséquences financières d’une telle escroquerie, c’est l’image du Canard Enchainé qui se trouverait bien entachée si la justice finissait par établir que les dirigeants de ce journal ont commis ce que leurs journalistes dénoncent chez les autres à longueur de colonnes.

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