Une campagne pro-Zemmour utilise des photos de victimes du 13-Novembre, une plainte va être déposée – Le Parisien

L’étincelle est partie d’un article du site Génération Zemmour intitulé « Nos Vies Comptent : pour se souvenir, pour agir ». Cette publication de soutiens à la possible campagne d’Eric Zemmour à la présidentielle 2022 se présente comme un rappel de la réalité de l’insécurité en France et met en avant les chiffres de la délinquance dans l’Hexagone.

L’immigration y est décrite comme la mère de tous les vices. « Cette immigration, passée de 5 à 10 % en l’espace de 70 ans, qui se voulait autrefois un système d’assimilation, est désormais un rouleau compresseur écrasant le peuple français et le menaçant », déclarent les auteurs de ce texte. Le texte a été suivi par une campagne virale sur les réseaux sociaux intitulée « Nos vies comptent ».

Ces messages, partagés notamment par le compte EricZemmour2022, utilisent des images de victimes de cette vague d’insécurité qui toucherait la France. La première publiée est celle d’Adrien Perez, un jeune homme tué d’un coup de couteau en plein cœur à la sortie d’une boîte de nuit, à Meylan, en Isère, en voulant défendre un ami qui se faisait agresser, en juillet 2018. « Jusqu’à quand ? », se demande ce tweet daté de ce mardi.

La colère des associations

Le compte de soutien au polémiste de C News et du Figaro a ensuite publié de nombreux tweets d’autres victimes d’attentats et de faits divers de ces dernières années. Parmi ceux-ci, de nombreux portraits des victimes des attentats du 13 novembre 2015, notamment celui du Bataclan. Cette publication « sauvage » a tout de suite provoqué une forte réaction sur les réseaux sociaux mais aussi au sein des associations de victimes des attentats de Paris du 13 novembre 2015.

Brunella Emmanuelli, proche d’une victime, a d’abord interpellé les auteurs de ces tweets avec émotion. « Il n’y a pas de pardon. Qui vous a donné l’autorisation pour utiliser les photos de NOS PROCHES. Vous êtes des grands malades ! Ils ont été victimes d’un attentat, on essaie de se reconstruire comme on peut et vous vous servez comme dans une banque d’images ! », a réagi publiquement la jeune femme. Elle n’a pas souhaité en dire plus quand nous l’avons contactée. « Je préfère retrouver un peu d’apaisement d’ici le procès ça ne va pas être évident », a-t-elle simplement précisé.

Mais la nouvelle de cette utilisation a rapidement circulé dans les canaux de discussion des familles de victimes, selon nos informations. Réaction unanime : le choc et l’incompréhension. « C’est inacceptable, je me demande si les gens en face se rendent compte de la douleur que cela provoque », confie Arthur Dénouveaux, président de Life for Paris, association des victimes des attentats de Paris du 13 novembre 2015, joint par Le Parisien. « Ce n’est pas la première fois. C’était déjà arrivé : des photos de victimes avaient été affichées dans Paris par des gens d’extrême droite, c’est fatigant. On est devenu un objet politique », se lamente le porte-voix des victimes.

Une campagne d’autant plus douloureuse que les familles et les proches se préparent à l’ouverture du procès des attentats qui durera du 8 septembre au 25 mai 2022. L’association ne portera pas plainte car elle n’a pas la possibilité de le faire en son nom mais soutiendra logistiquement les familles qui le souhaiteraient.

« Nous sommes révoltés »

« Nous sommes révoltés par l’utilisation des portraits des victimes des attentats par ce groupuscule politique. Nous allons déposer une plainte auprès du parquet pour dénoncer ces agissements », nous a confié quant à lui Philippe Duperron, président de l’autre association des victimes du 13 novembre « 13 Onze 15 fraternité et vérité », encore sous le choc. « C’est révoltant. Nous mettons tout en œuvre pour faire cesser ce qui nous parait un trouble manifeste », a-t-il aussi ajouté.

D’un point de vue juridique, l’utilisation des photos de ces victimes pose en effet un problème potentiel. Si le droit à l’image d’une personne s’éteint à sa mort, les familles peuvent faire valoir un préjudice moral. « Dans ce cas de figure, on pourrait soutenir que pour les proches ou la famille, il y a un préjudice au regard de la récupération politique », analyse Alexandre Blondieau, avocat spécialisé en droit à l’image. « Ils doivent démontrer qu’il y a une atteinte à la mémoire et au respect dû au mort. Évidemment c’est très subjectif et c’est au cas par cas », ajoute encore le conseil.

« Le plus choquant c’est qu’il y ait eu des attentats. Je ne vois pas bien le souci »

Du côté des créateurs de cette campagne, des jeunes militants autrefois proches de Marion Maréchal-Le Pen, on affiche de l’incompréhension. « Les images sont sorties dans les grands médias. Si on a fait ça, c’est pour rendre hommage et honorer la mémoire des victimes de meurtre et des attentats islamiques. Il n’y a pas de polémique pour moi », nous répond Stanislas Rigault, le président de Génération Zemmour.

« Je comprends que certaines personnes puissent trouver ça choquant. Mais s’il y a eu des assassinats, c’est la faute des pouvoirs en place. Le but c’est de ne plus revivre ça. Et le plus choquant, ce n’est pas notre utilisation des photos mais qu’il y ait eu des attentats et des attaques. Je ne vois pas bien le souci », continue le militant. « On est désolé de choquer les familles mais ce n’est pas notre but. On n’est pas le seul mouvement politique à s’être servis de ces photos », assure-t-il en faisant un parallèle avec l’utilisation de George Floyd par les militants de Black Lives Matter. Eric Zemmour, quant à lui, n’a pas réagi et n’a pas répondu à nos sollicitations.

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