Un triple Nobel de la paix en forme de défi à Vladimir Poutine – Le Monde

Ales Bialiatski, à Minsk, le 24 novembre 2011.

Le 7 octobre 2006, jour anniversaire de Vladimir Poutine, la journaliste Anna Politkovskaïa était assassinée dans la cage d’escalier de son immeuble. Si l’enquête de la justice russe n’a jamais pris la peine de remonter jusqu’aux commanditaires, les observateurs ont toujours estimé que la date choisie pour ce meurtre ne relevait aucunement du hasard.

Seize ans plus tard, celle retenue pour l’attribution du prix Nobel de la paix, le 7 octobre 2022, est certainement plus fortuite. Il n’empêche que le palmarès constitue lui aussi un message à l’adresse de M. Poutine, qui fêtait ce jour-là ses 70 ans.

L’attribution du prix à des défenseurs des droits humains originaires de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine sonne comme un défi au président russe, ou au moins aux conceptions impérialistes qui lui sont chères. L’ONG russe Memorial, l’opposant biélorusse Ales Bialiatski et le Centre pour les libertés civiles (CLC) ukrainien combattent, chacun à leur façon, à la fois l’autoritarisme et la vision fantasmée d’une nécessaire unité politique des trois voisins slaves.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés En Russie, la dissolution de l’ONG Memorial marque l’ampleur du recul démocratique de l’ère Poutine

Dans l’esprit des Russes comme des étrangers, peu d’organisations sont aussi immédiatement associées à la – modeste et mourante – société civile russe que Memorial. C’est aussi pour cette raison que le pouvoir de Vladimir Poutine n’a eu de cesse de la persécuter, jusqu’à la dissolution de l’organisation décidée par la justice en décembre 2021. La conférence de presse convoquée le 6 octobre devant le tribunal Tverskoï, où l’ONG tente de sauver une partie de ses locaux et de ses archives, avait tout d’un involontaire pied de nez.

Oleg Orlov, dirigeant de la branche droits de l’homme de Memorial, a évoqué « l’honneur » de figurer aux côtés d’Ales Bialiatski et du CLC, avec qui Memorial entretient « non seulement une coopération mais aussi une amitié ». « Nous sommes sous pression, eux sont sous le feu de notre propre armée », a précisé M. Orlov, alors que la justice venait de statuer sur la confiscation de l’immeuble historique de l’organisation.

Un héritage de la révolution de Maïdan

Autre défaite symbolique intervenue vendredi, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a pour la première fois établi un mandat de rapporteur spécial chargé de surveiller la situation des droits humains en Russie. Dix-sept pays ont voté en faveur d’une telle résolution, introduite par des Etats européens, quand vingt-quatre se sont abstenus et six ont voté contre, dont la Chine.

S’agissant des deux autres lauréats, ce serait leur faire injure que de les réduire au contexte russe. De nombreuses voix s’élevaient d’ailleurs vendredi en Ukraine pour se plaindre de voir leur pays une fois de plus assigné à un destin qui ne serait que post-soviétique, et forcé à une réconciliation encore loin d’être désirée. « Le comité Nobel a une compréhension intéressante de “la paix” si des représentants de deux pays ayant agressé un troisième reçoivent tous ensemble le prix Nobel », a aussi fustigé sur Twitter Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président Volodymyr Zelensky.

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