Un temps frais et arrosé au lieu de l’été chaud et sec annoncé : Météo France s’est-elle trompée ? – France Inter

Selon Météo-France, l’été 2021 devait être plus chaud et plus sec que la normale. Pourtant, après un mois de juillet particulièrement arrosé et frais sur une grande partie du pays, le début août est maussade. La faute à des phénomènes locaux qui échappent aux modèles qu’utilisent les climatologues.

Soleil radieux à Clermont-Ferrand ce mercredi 4 août
Soleil radieux à Clermont-Ferrand ce mercredi 4 août © Maxppp / Richard BRUNEL

Dans son bulletin de prévisions saisonnières de fin avril, Météo France annonçait pour le trimestre mai-juin-juillet un scénario marqué par une température moyenne supérieure aux normales de saison sur la majorité du pays. Seules les régions du Nord-Ouest et de la Manche échappaient à tout pronostic. Côté précipitations, c’était aussi un scénario plus sec que d’habitude qui était prévu. 

Dans les faits, à l’exception du littoral méditerranéen, le temps est maussade, et les activités de plein air parfois compromises pour les vacanciers. Certains ont même plié la tente plus tôt que prévu, lassés de la pluie. Les prévisionnistes se sont-ils trompés ? Jean-Michel Soubeyrou, climatologue à Météo France répond aux questions de France Inter.

FRANCE INTER : Pourquoi un tel écart entre les prévisions météo et la réalité ?

JEAN-MICHEL SOUBEYROU : “Il faut d’abord souligner que les prévisions saisonnières sont élaborées à l’échelle de l’Europe : la France n’est qu’une partie de ce grand ensemble. Concernant les températures, elles sont plutôt médianes. Si les températures nationales sont dans la norme saisonnière, le pourtour méditerranéen, en particulier l’Algérie et le Maroc connaissent un épisode très chaud. Peut-être qu’après plusieurs étés anormalement chauds et secs, on a perdu la notion des températures normales.

Les prévisions ne sont pas si fausses que cela en terme de circulation à grande échelle, mais la France a connu une récurrence de dépressions qui n’étaient pas prévues. Ces phénomènes, qui se sont répétés, sont des “gouttes froides”, c’est à dire de petites dépressions qui se forment dans la partie sud d’une dépression plus grande et du fait de fortes pressions, elles restent bloquées au même endroit, le Golfe de Gascogne. 

Ces phénomènes de quelques centaines de kilomètres échappent aux modèles. Ils ne sont pas prévisibles. Ces dépressions stationnaires, qui ont mis beaucoup de temps à s’évacuer, ont conduit à des cumuls de pluie, un temps perturbé et des épisodes orageux extrêmes, comme ceux qu’ont connu l’Allemagne et la Belgique. De plus, quand on fait des prévisions saisonnières, on les assortit de probabilités. Ces probabilités de voir tel ou tel scénario ne sont pas encore bien perçues par le grand public.”

Pourquoi les modèles se sont-ils trompés ?

“Les modèles de prévisions saisonnières ne sont pas les mêmes que ceux utilisés pour la météo à 5 jours. Ils cherchent à identifier les relations entre les conditions océaniques et les conditions atmosphériques. Ce sont des signaux relativement faibles. Ces modèles ne sont pas capables d’identifier la survenue de dépressions de petites dimensions, à l’origine des épisodes de pluie et de fraicheur. Ils donnent simplement une tendance. 

Ces prévisions sont assorties d’une probabilité de survenue parce qu’on regarde la dizaine de modèles qui existent dans le monde : celui de Météo France, mais aussi ceux de nos voisins européens ou américains. Pour ce trimestre, la probabilité était moyenne. Dans notre bulletin, nous expliquions que nous n’avions pas une prévisibilité très bonne parce qu’on n’a pas “d’anomalies” fortes sur les conditions océaniques planétaires. 

On est très attentif à ce qui se passe sur l’océan Pacifique par exemple, or il est en ce moment assez calme. On sort d’un épisode de la Niña (caractérisé par une température anormalement basse des eaux du Pacifique) mais on ne voyait pas d’impact fort sous nos latitudes. La synthèse des différents modèles nous a conduit à mettre en avant le scénario d’un été plus sec et plus chaud que la normale (probable à 50%).”

Peut-on espérer une meilleur prévisibilité à l’avenir ?

“Dans certaines situations, s’il y a des anomalies fortes sur l’Océan Indien ou l’Océan Atlantique, on a une meilleure prévisibilité. Mais il faut savoir que l’été est une période de prévisibilité plus faible que l’hiver. Par ailleurs, les performances des modèles sont meilleures pour les régions tropicales que pour les zones tempérées dans laquelle la France se situe. Quand on a, par exemple, une perturbation qui n’est pas liée à des phénomènes de convection, cela rajoute de la complexité dans le modèle et empêche d’avoir une grande confiance dans le résultat qu’il donne. 

Les progrès à l’avenir seront lents. Il y a eu beaucoup d’avancées grâce au programme Copernicus (un ensemble de satellites européens de surveillance de l’environnement, ndlr), grâce au travail réalisé pour harmoniser les différents modèles. On a aussi gagné en résolution (l’équivalent de la définition pour une image photographique, ndlr). On a désormais des modèles avec une résolution de 25 km sur les océans à l’échelle planétaire et un grand niveau de détail sur la verticale dans l’atmosphère de 15 à 20 km. 

Pour le grand public, ces prévisions saisonnières n’ont pas d’utilité concrète, même si les médias en sont friands. En revanche, elles sont essentielles pour les décideurs et depuis une décennie, elles ont montré leur intérêt. Pour la gestion des grands cours d’eau que sont la Seine et la Garonne par exemple, cela permet de gérer la ressource en eau. Aujourd’hui, pour garantir les niveaux d’eau dans les fleuves, les gestionnaires utilisent des barrages qui stockent l’eau de l’hiver et du printemps et la déstockent progressivement l’été. La prévision saisonnière les aide à décider de la vitesse de déstockage, sachant qu’il faut soutenir le débit des fleuves jusqu’à l’automne.”

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