Un mort et des blessés : pourquoi les pétards gâchent toujours le Nouvel An dans l’Est – Le Parisien
Quelques décès, des amputations de doigts voire de mains, des brûlures et une poignée de surdités temporaires. La Saint-Sylvestre dans la région Grand-Est n’arrive jamais à se départir de son lot de blessés liés à l’usage des pétards. Cette année encore, rien que dans le département du Bas-Rhin, on recense 50 blessés ainsi qu’un mort, après avoir utilisé un mortier d’artifice à Haguenau.
Six personnes, dont trois enfants, ont aussi dû être opérées. En 2019, 57 personnes présentaient des stigmates, contre 65 l’année précédente et lors des réveillons de 2012 et 2013, trois personnes ont trouvé la mort.
« Une tradition quasi ancestrale »
Bien plus qu’ailleurs en France, les habitants du Grand-Est ont recours à des engins pyrotechniques pour célébrer la nouvelle année. Une tradition rhénane ancrée et indissociable du réveillon qui inquiète toujours autant les hôpitaux et les autorités. Contrairement aux voitures brûlées le soir de la Saint-Sylvestre, dont le nombre demeure également conséquent dans la région, l’explosion de pétards n’est pas initialement destinée à nuire.
Nouvel An : 220 véhicules incendiés à Strasbourg
« Il s’agit d’une tradition quasi ancestrale, que l’on trouve dans le Bas et le Haut-Rhin ainsi que dans certaines zones de Moselle, et principalement en Allemagne », explique au Parisien la préfecture du Bas-Rhin. C’est d’ailleurs ce qui tracasse les autorités, car dans ce pays frontalier, la réglementation sur l’achat de pétards en cette période est bien plus souple.
Comme le rappelait en 2013 Rue 89 Strasbourg, cette tradition a évolué. « En Alsace, depuis au moins le XVe siècle, on fait du bruit devant les habitations pour chasser les mauvais esprits de l’année », expliquait au site la spécialiste des traditions strasbourgeoises Jeanne Loesch.
Un autre expert, Gérard Leser, évoquait lui l’existence de coups de feu tirés par des garçons « qui se rendaient à minuit pile devant la fenêtre de leur fiancée ». La poudre explosive est restée, mais les balles se sont progressivement transformées en pétards.
Des mineurs ou jeunes adultes
« On est dans un principe d’imitation perpétuelle, sauf qu’il y a une évolution de la bêtise humaine. Ils achètent ces pétards outre-Rhin, à des tarifs très compétitifs, mais ils sont souvent interdits en France car disproportionnés, alors ça fait des dégâts », s’attriste Yves Milla, délégué Unsa-Police de la Zone Est.
Le dessein de ces pétards a parfois aussi évolué : la nuit passée, des patrouilles de police ont été prises à partie et visées par des tirs de mortier d’artifice, déplore Michel Corriaux, secrétaire Alliance police de la région, qui pointe un « sentiment d’impunité ». Des faits que les forces de l’ordre constatent néanmoins toute l’année.
Ce sont majoritairement de jeunes habitants de l’Est qui ont recours à ces pétards du Nouvel An. « Sur 50 blessés de cette année, dont les âges vont de 4 à 57 ans, 20 étaient mineurs et la plupart des autres de jeunes adultes », rappelle la préfecture du Bas-Rhin, qui déplore une « situation sanitaire ». Les tirs de mortiers et de fusées sont ceux qui causent le plus de dommages corporels.
416 kg de pétards saisis ces derniers jours
Tous les ans, le préfet prend des arrêtés visant à restreindre l’usage de ces pétards dans le département. Cette année, le texte couvre une période allant du 4 décembre au 5 janvier 2020 et indique que les moins de 12 ans ne peuvent acheter de pétards et les catégories 2 et 3 sont interdites aux mineurs. Pour les catégories 4, les majeurs doivent bénéficier d’un certificat adéquat.
Lors de cette période, il est aussi interdit d’emprunter les transports en commun avec des feux d’artifice, de les utiliser lors de rassemblements et de les importer depuis l’étranger. Mais il demeure dans les faits très difficile de contrôler cette utilisation, les particuliers ayant majoritairement recours à ces pétards ou fusées à leur domicile, à la nuit tombée.
Les autorités misent sur les fouilles et la prévention. « Les policiers, gendarmes et douaniers contrôlent l’importation de ces pétards depuis l’Allemagne, en inspectant les véhicules aux frontières, ainsi que dans le tram qui relie Kehl, la ville allemande la plus proche, à Strasbourg », relate la préfecture du Bas-Rhin. Bilan de ces derniers jours : 416 kg de pétards saisis. Mais ces contrôles sont parfois vains, puisque certains habitants allument des engins pyrotechniques qu’ils ont créés de façon artisanale ou en commandent sur Internet.
Vers un durcissement de la législation en Allemagne ?
« C’est impossible d’endiguer le phénomène, on ne pourra jamais contrôler tous le flux qui traverse la frontière. C’est comme si on voulait attraper un thon au milieu de l’océan avec une épuisette », ironise Yves Milla de l’Unsa Police. Son collègue d’Alliance police, Michel Courriaux, est plus mesuré : « Même si on ne pourra jamais contrôler tout le monde, cette mesure est efficace quand on tombe sur des gens raisonnables. »
Le public concerné étant très jeune, reste alors la prévention. Depuis 2007, des sessions de prévention sur l’usage des pétards sont organisées tous les ans chez les collégiens de 4e du département, avec policiers et gendarmes.
Cette année, deux classes sont également allées visiter l’hôpital le service SOS mains, à Strasbourg. Ce sont là que sont pratiquées la plupart des amputations liées aux pétards du Nouvel An.
Le salut viendra peut-être de l’Allemagne. Mardi, Robert Hermann, le président socialiste de l’Eurométropole, a assuré que nos voisins « commencent à prendre conscience que la vente de pétards en Allemagne provoque des accidents », rapporte l’AFP. Il dit souhaiter un compromis avec le pays, qui porterait au moins sur la vente des engins de « gros calibre ».