Un milliard d’euros en 2019 : la fraude sociale s’envole – Le Parisien

Un milliard d’euros! Voici le montant de la fraude aux organismes sociaux détectée en 2019, selon un rapport de la Cour des comptes rendu public ce mardi soir. Un chiffre toujours en hausse : l’instance l’estimait à 850 millions d’euros en 2017 — 587 millions d’euros pour la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, au calcul différent. Rappelons qu’il s’agit de 1 milliard d’euros sur 450 milliards d’euros de prestations versées.

« Mais il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg », confie un magistrat financier, amer, en rappelant que la fraude frappant la seule Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf) grimpe déjà à 2,3 milliards d’euros. Au total, la fraude aux prestations sociales pourrait atteindre « 14 milliards, voire encore davantage », indique Pascal Brindeau, rapporteur (UDI) de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le même sujet qui publiera ses travaux en début de semaine prochaine.

Alors que l’endettement de la France devrait atteindre 120 % du PIB, cette fuite d’argent public fait tache : « Imaginez! Un milliard d’euros! dit la Cour des comptes, 1 % du plan de relance. » Mais selon l’Assemblée, c’est plutôt 14 %. « De quoi financer les mesures Gilets jaunes sans difficulté », souligne un sénateur devant Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes, venu présenter ce mardi son rapport à la commission des Affaires sociales du Sénat. Mais d’emblée, ce dernier met en garde contre « un débat piégé, caricatural ».

Le sujet de la fraude aux prestations sociales est en effet politiquement sensible et socialement inflammable. Pour certains, cette fraude est la cause toute trouvée aux difficultés de nos finances publiques. Pour d’autres, elle se justifierait par l’état de nécessité des fraudeurs.

Des méthodes parfois extrêmement sophistiquées

À les observer dans le détail, les fraudes détectées se concentrent sur quelques aides, via des méthodes souvent basiques, mais parfois extrêmement sophistiquées. « Dans le régime des armées, les trois doyens des cartes vitales actives ont 128 ans, s’agace Charles Prats, ex-magistrat chargé de la lutte contre les fraudes fiscales et sociales au ministère des Finances, qui vient de publier un livre sur le sujet (Cartel des Fraudes, chez Ring). Et 250 titulaires ont plus de 120 ans ! »

Mais l’une des perles du rapport de la Cour est ici : « Selon les données statistiques du Système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie, les régimes d’assurance maladie totalisaient 75,3 millions de bénéficiaires au 31 décembre 2018, sans doublons. Cela représente un écart de 8,2 millions de personnes fantômes par rapport à la population vivante en France au 1er janvier 2020 évalué par l’Insee. »

Auditionnée, la direction de la sécurité sociale a rabattu le chiffre à 2,4 millions après de complexes explications… Mais sans convaincre les Sages de la rue Cambon : « Néanmoins, l’excès anormal de 2,4 millions de bénéficiaires de droits à l’Assurance maladie reconnue par la direction de la sécurité sociale est en soi considérable. »

Des contrôles compliqués par la pandémie

Certes, les résultats de la lutte contre les fraudes augmentent année après année, ce qui explique en partie les chiffres en hausse, mais dans leur rapport, les magistrats financiers se montrent sévères : « La lutte contre les fraudes se concentre sur la recherche a posteriori des irrégularités, alors que celles-ci pourraient souvent être empêchées a priori, dès la gestion courante des prestations. »

« Il y a une voie d’eau dans la coque et à l’heure où nous parlons, elle ne peut que s’agrandir », confie un haut fonctionnaire de la direction du budget, à Bercy. Référence aux chiffres de la fraude sociale en 2020. La pandémie de Covid-19 a en effet rendu les contrôles beaucoup plus compliqués. Seul réconfort (si c’en est un), les 4000 agents affectés à la réalisation de contrôles, toutes les caisses confondues, ont pu continuer de compter sur… « les nombreuses dénonciations » qu’ils reçoivent.

Reste une question : la lutte contre la fraude sociale est-elle une priorité politique ? Certains se le demandent, comme Patrick Hetzel, le président de la commission d’enquête de l’Assemblée : « Un nouveau directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie vient d’être nommé. Dans la lettre de mission que lui a adressée Olivier Véran, le ministre de la Santé, le terme de fraude n’apparaît pas une seule fois, comme si elle restait un sujet tabou. »

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