Un an après l’explosion du port de Beyrouth, une aide internationale de 312 millions d’euros promise au Liban – Le Monde

Beyrouth, le 4 août 2021.

« Les dirigeants libanais semblent faire le pari du pourrissement (…). Je pense que c’est une faute historique et morale », a lancé le président français, Emmanuel Macron, à l’ouverture de la visioconférence internationale de soutien à la population libanaise, mercredi 4 août. Du fort de Brégançon (Var), résidence d’été de la présidence française, le chef de l’Etat était en ligne avec les représentants d’une quarantaine de nations et d’organisations internationales.

« La crise que vit le Liban n’est pas un coup du sort ni une fatalité. Elle est le fruit de faillites individuelles et collectives et de dysfonctionnements injustifiables », a-t-il déclaré, accusant la classe politique libanaise de faire passer « ses intérêts individuels et partisans avant les intérêts du peuple libanais ». Le Liban est sans gouvernement depuis la démission d’Hassan Diab et de son équipe au lendemain de l’explosion, qui a tué plus de 200 personnes, défiguré une partie de la capitale et traumatisé la population, le 4 août 2020. Le nouveau premier ministre, Najib Mikati, désigné le 26 juillet, a promis de former sans délai un gouvernement. Mais, pour l’heure, rien ne bouge.

Un objectif initial de 350 millions de dollars

Malgré de multiples pressions, notamment de la France, les responsables libanais n’ont cessé de faire obstruction à la formation d’un gouvernement et à la mise en œuvre des réformes structurelles réclamées par la communauté internationale en échange des milliards de dollars d’aide nécessaires à la sortie de crise du pays. « Tous les rendez-vous ont été manqués, aucun engagement n’a été tenu », a regretté M. Macron. « Le Liban mérite définitivement mieux que de vivre de la solidarité internationale », a-t-il ajouté.

Le président français, Emmanuel Macron, lors de la conférence organisée le 4 août 2021, un an après l’explosion du port de Beyrouth.

En attendant, il a annoncé une aide d’urgence de « près de 100 millions d’euros » de la France sur les douze prochains mois – après celle de 85 millions d’euros en 2020 – pour subvenir aux besoins immédiats de la population libanaise sur le plan de l’alimentation, de l’éducation ou de la santé. La France va également envoyer 500 000 doses de vaccins contre le Covid-19.

Lire le reportage : « On a réparé les maisons mais on n’a pas réparé les gens »

« Il n’y aura aucun chèque en blanc au bénéfice du système politique libanais »

Dans la foulée, le président américain, Joe Biden, a promis « près de 100 millions de dollars [plus de 84 millions d’euros] d’aide humanitaire » pour le pays, en enjoignant aux responsables politiques libanais de « réformer l’économie et [de] combattre la corruption ». Le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, a lui aussi annoncé des engagements à hauteur de 40 millions d’euros, y compris pour les réfugiés syriens, après déjà 24 millions l’an dernier. De son côté, l’Union européenne (UE) a promis 5,5 millions d’euros pour faire face à la pandémie de Covid-19.

Au total, 370 millions de dollars (312 millions d’euros) d’aide internationale ont été promis mercredi. C’est plus que l’objectif fixé par Paris, qui espérait réunir plus de 350 millions de dollars à l’occasion de cette conférence internationale, coprésidée par le président français et la vice-secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohammed.

Rassemblements à Beyrouth

Une aide de 280 millions d’euros avait déjà été réunie lors des deux premières conférences internationales organisées par la France, ex-puissance mandataire, en 2020. « Mais il n’y aura aucun chèque en blanc au bénéfice du système politique libanais », a averti le président français.

« Il n’y a pas de temps à perdre. Le soutien international en dépend », a renchéri M. Maas. Dans ce contexte, la France, qui a déjà restreint l’accès de son territoire à certains responsables libanais, a agité une nouvelle fois la menace de sanctions, y compris au niveau de l’UE. « Les dirigeants libanais ne doivent pas douter une seule seconde de notre détermination », a souligné M. Macron. Outre des engagements, le président français a également réclamé la « vérité » et la « transparence » dans l’enquête libanaise sur les circonstances de la tragédie. Un an après l’explosion, aucun responsable n’a été traduit en justice et l’enquête piétine, obstruée par les interventions politiques.

Lire notre enquête : Un an après l’explosion du port de Beyrouth, l’enquête patine et tout un peuple, à bout de nerfs, réclame vérité et justice

Le Liban affronte une triple crise : politique, économique – l’une des pires à l’échelle planétaire depuis 1850, selon la Banque mondiale, avec des pénuries de carburant, de médicaments et des coupures d’électricité jusqu’à vingt-deux heures par jour – et sanitaire – liée au Covid-19.

Mercredi soir, des milliers de Libanais ont afflué vers le secteur du port de Beyrouth pour commémorer le drame survenu il y a un an, mais aussi pour réclamer que justice soit faite. Au moins six personnes ont par ailleurs été hospitalisées et des dizaines prises en charge près du Parlement libanais à la suite de heurts entre les forces de sécurité et des centaines de manifestants.

Les proches des victimes et des militants réclament notamment la levée de l’immunité parlementaire, derrière laquelle s’abritent certains députés et ex-ministres dans le collimateur de la justice.

Tribune « La position des gouvernements occidentaux sur le Liban est fondamentalement hypocrite »

Le Monde avec AFP

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