Ukraine : 4 questions pour comprendre la dégradation de la situation – Les Échos

Publié le 25 janv. 2022 à 15:24Mis à jour le 25 janv. 2022 à 15:27

Forces de l’OTAN placées en alerte, évacuation des familles de diplomates américains, australiens et britanniques en Ukraine et avertissements à l’égard de la Russie… Les tensions se sont rapidement accrues ces derniers jours entre les Occidentaux et la Russie à propos d’une éventuelle invasion de l’Ukraine par Moscou.

Depuis novembre dernier, les Etats-Unis s’inquiètent en raison de troupes russes massées à la frontière avec l’Ukraine. La Russie, elle, dément et demande des garanties pour sa sécurité. Pourquoi les tensions se sont-elles brutalement accélérées ? Comment réagissent les Occidentaux et que répond la Russie ? Voici quatre questions pour comprendre les derniers développements dans la crise russo-ukrainienne.

1. Quelles sont les origines du conflit entre l’Ukraine et la Russie ?

L’est de l’Ukraine est depuis 2014 le théâtre d’une guerre civile entre des forces pro-russes de la région du Donbass et le pouvoir central de Kiev. Les accords de Minsk, signés en 2015, ont fixé l’essentiel de la « ligne de contact » entre les forces régulières et celles des Républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk. L’Ukraine a perdu le contrôle de sa frontière avec la Russie ainsi que 3 % de son territoire.

Depuis lors, les incidents armés à la frontière sont réguliers malgré les accords de cessez-le-feu. Moscou est accusée d’être partie prenante dans ce conflit en armant et finançant les rebelles pro-russes. La Russie et l’Ukraine, toutes deux anciennes républiques soviétiques, sont aussi à couteaux tirés en raison de l’invasion éclair de la péninsule de Crimée, en 2014, suivie de son annexion par Moscou.

La situation a pris un nouveau tour en novembre dernier, lorsque les Etats-Unis, suivis de l’Otan, ont exprimé des inquiétudes concernant une activité militaire « inhabituelle » de la part de la Russie à la frontière ukrainienne. Ce n’était pas une première pour la Russie, mais l’ampleur des activités militaires avait inquiété les Occidentaux, puis l’Ukraine . Ces derniers avaient alors brandi la menace de sanctions sur la Russie, qui avait démenti tout projet d’invasion et accusé les forces de l’Otan de menacer sa sécurité. L’Ukraine, elle, accuse Moscou de vouloir déstabiliser le pays et de chercher un prétexte pour franchir ses frontières.

VIDEO. Les 3 menaces qui pèsent sur l’Ukraine

2. Pourquoi la situation s’est-elle dégradée ?

Les initiatives diplomatiques n’ont pas manqué pour tenter de désamorcer les tensions. Notamment des négociations à Genève entre les Etats-Unis et la Russie, ou encore à Bruxelles entre l’Otan et la Russie. Sans grand succès . La Russie exige en effet un engagement écrit sur le non-élargissement de l’Otan à l’Ukraine et à la Géorgie et demande un retrait des forces et des armements de l’Alliance atlantique des pays d’Europe de l’Est ayant rejoint l’Otan après 1997, notamment de Roumanie et Bulgarie. Des demandes « non négociables » pour les Occidentaux. Lors de la dernière rencontre en date , le 21 janvier, entre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et son homologue américain, Antony Blinken, ce dernier s’est tout de même engagé à présenter une réponse écrite à Moscou.

En parallèle, l’escalade de la force s’est poursuivie depuis début janvier. Plus de 100.000 soldats russes sont massés à la frontière ukrainienne, selon les renseignements américains et ukrainiens. Et peu après les négociations diplomatiques infructueuses de début janvier, l’Ukraine a été touchée par des cyberattaques d’ampleur, dont elle accuse la Russie d’être à l’origine. L’entrée de troupes russes en Biélorussie le 18 janvier a alimenté les inquiétudes des Etats-Unis, qui ont notamment débloqué 200 millions de dollars supplémentaires d’aide sécuritaire au pays. L’Estonie, la Lituanie et la Lettonie ont quant à elles annoncé la livraison d’armes à l’Ukraine.

3. Quelle a été la réaction des Occidentaux ?

Les Etats-Unis et l’Union européenne affichent leur unité face à la crise ukrainienne. Notamment en promettant, à l’unisson, des sanctions en cas d’invasion. L’UE a également lancé un appel au dialogue avec Moscou. Cette démonstration d’unité intervient après que Joe Biden a évoqué la possibilité d’une « incursion mineure » en Ukraine, laissant penser que la Maison Blanche pourrait tolérer une action militaire russe de faible envergure. Position rectifiée ensuite par Washington, qui assure que tout franchissement de la frontière fera l’objet d’une réponse « sévère » des Etats-Unis et de leurs alliés. Une série d’options a été préparée par la Commission européenne en cas d’invasion et Joe Biden envisage d’interdire aux banques russes d’utiliser le dollar.

Pourtant, lundi, les Européens ont été surpris par la « dramatisation » de la part des Etats-Unis de la situation en Ukraine avec l’annonce d’une invasion russe possible « à tout moment » et la décision de faire partir les familles des diplomates en poste à Kiev. Londres et Canberra ont pris la même décision. Une réaction excessive, selon Kiev. « Il faut éviter de jouer avec nos nerfs et les réactions alarmistes qui ont même des conséquences financières », a commenté le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

Sur le plan militaire, les Etats-Unis ont placé plus de 8.000 soldats en état d’alerte. L’Otan a mis ses forces en attente et renforcé ses défenses en Europe de l’Est. La voie diplomatique continue par ailleurs d’être explorée, avec la poursuite des pourparlers dans les prochains jours.

4. Quelle est la position de la Russie ?

La Russie a dénoncé lundi, à l’issue d’une journée d’escalade des tensions, une « hystérie » et accusé les Etats-Unis et l’Otan « d’exacerber les tensions par des annonces et des actions concrètes ». Au lendemain de la démonstration de force de l’alliance atlantique, les forces russes ont lancé une nouvelle série de manoeuvres à proximité de l’Ukraine et en Crimée.

Si Moscou nie tout projet d’offensive, elle conditionne une désescalade des tensions à un non-élargissement de l’Otan, qui serait garantie dans des traités (voir question 2). Les élargissements successifs de l’alliance atlantique sont en effet perçus comme une menace existentielle par la Russie.

Ce qui se joue actuellement à l’est de l’Europe dépasse donc le cadre du conflit ukrainien. Selon certains chercheurs, la posture de la Russie est aussi une démonstration de force. « Vladimir Poutine voudrait que le paradigme des relations avec les Occidentaux change. Il voudrait que les sanctions soient levées et que les Occidentaux tiennent mieux compte des intérêts russes » soulignait en novembre dernier Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/NEI de l’Institut français des relations internationales (Ifri), interrogée par « Les Echos » .

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