Ubisoft obtient la condamnation d’un tricheur notoire sur Rainbow Six

Ubisoft obtient la condamnation d’un tricheur notoire sur Rainbow Six

L’éditeur de jeux vidéo Ubisoft vient d’obtenir, lundi 10 janvier 2022, la condamnation de Yannox, un joueur assidu de son jeu de tir tactique multijoueur Tom Clancy’s Rainbow Six Siege. Poursuivi pour des attaques en déni de service (DoS), la création du faux site ubisoft-beta.fr, destiné à faciliter le piratage de comptes de joueurs et l’usurpation de l’identité d’un autre joueur, Shoukri, il a été condamné par la 12e chambre du tribunal correctionnel de Paris à une peine de 60 jours-amendes à 10 euros, soit une amende de 600 euros.

Le jeune homme de 20 ans devra également dédommager le célèbre éditeur français à hauteur de 2 000 euros pour son préjudice moral et les frais d’avocats engagés. Cette procédure judiciaire pour le moins atypique avait débuté en novembre 2020 à la suite d’une plainte d’Ubisoft.

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Cela faisait plusieurs mois que l’entreprise s’inquiétait des agissements de ce joueur, qui aurait pris en grippe l’entreprise après avoir vu ses comptes successifs bloqués. En tout, il aurait consacré l’équivalent d’une année sur le jeu.

Selon la société, le jeune homme se livrait à un véritable pourrissement de Rainbow Six en contournant de manière massive les règles, que ce soit en créant de faux comptes, financés par le vol de coordonnées bancaires, en trichant, ou par des violences verbales. D’habitude, a précisé l’un des représentants de la firme des frères Guillemot à l’audience, Sofian Baghriche, la société est « dans une logique de sanction progressive » avec les joueurs problématiques. « Notre objectif n’est pas de poursuivre en justice, mais d’offrir un environnement sain » à l’ensemble des utilisateurs, poursuit le juriste. Mais ici, « cela a été l’escalade », un engrenage toxique que l’entreprise française espère désormais stopper avec ce coup d’arrêt judiciaire.

Banni massivement

Plus précisément, selon les éléments dévoilés à l’audience, Ubisoft a ainsi observé à une quarantaine de reprises des tentatives de paiements frauduleux. L’éditeur s’est également ému du travail de Yannox pour saper les règles de son jeu. Le joueur a publié par exemple des vidéos de démonstration de l’utilisation de logiciels de triche sur sa chaîne YouTube. Dans une procédure judiciaire distincte, le prévenu avait également indiqué que sa connaissance des jeux en ligne lui rapportait de l’argent grâce à un service de “boosting”. Enfin, selon le quotidien québécois La Presse, le joueur aurait été banni plus de 80 fois du jeu pour tricherie.

Autant d’éléments qui ont poussé l’entreprise à aller en justice. Elle demandera même au tribunal, en vain, d’interdire au prévenu de jouer aux jeux vidéo d’Ubisoft. Si on n’en sait guère plus sur les attaques en déni de service, les magistrats ont donné davantage de détails sur le faux site mis en place pour tromper des joueurs, ubisoft-beta.fr. Ce pot de miel avait été créé par Yannox et un comparse, jugé dans une procédure distincte devant le tribunal pour enfants, car mineur. Il a permis aux pirates de faire main basse, grâce à l’utilisation d’un logiciel d’accès à distance, sur les identifiants de deux joueurs, dont un e-sportif réputé, Shoukri. Ils ont finalement été restitués par la suite.

Mal à l’aise devant les magistrats, Yannox, vêtu tout de noir – une épaisse doudoune et un jean près du corps – a reconnu sa responsabilité pour les cinq chefs de prévention. « Je cherchais juste à m’amuser, j’étais chez moi, et je n’avais rien d’autre à faire », a expliqué maladroitement ce jeune homme aux longs cheveux bouclés, déjà mis en cause dans le passé pour des petites escroqueries sur internet. « Maintenant, je ne trouve plus ça marrant de tricher. »

Scolarité chaotique

Après une scolarité chaotique à cause d’importants problèmes de santé, ce jeune handicapé, visiblement reclus au domicile parental en banlieue parisienne, espère désormais pouvoir entamer une formation dans le développement web. Un portrait déjà peu reluisant également assombri par un jugement récent. En septembre 2021, Yannox a été condamné, toujours à Paris, à une peine de 50 jours-amendes à 20 euros pour des messages homophobes, antisémites et des menaces de mort adressés sur Twitter à la directrice du journal Charlie Hebdo. Le prévenu avait alors, selon le jugement transmis à ZDNet, expliqué avoir créé des comptes sur les réseaux sociaux pour « amuser la galerie ».

« C’est quelqu’un qui triche, qui a un comportement agressif et toxique », résume Philippe Gonzalez de Gaspard, l’avocat d’Ubisoft. Tout en reconnaissant « une personnalité fragile ». Ce qui explique pourquoi l’entreprise, plaignante, s’est aussi retrouvée mise à l’index à l’audience. « Ceux qui ont inventé ces jeux ont détruit nos enfants », a d’abord relevé la mère du prévenu, qui a raconté au tribunal la dépendance de son fils aux jeux vidéo.

Le ministère public s’est ensuite interrogé sur le sens d’un bannissement judiciaire du joueur de Rainbow Six, alors même que le jeu vidéo, extrêmement immersif, a justement pour but d’inciter les utilisateurs à s’y investir fortement. Une illustration, peut-être, des futurs questionnements juridiques autour des metaverses, ces univers virtuels présentés comme l’avenir de l’internet. Et le parquet de remarquer que le prévenu, qui a très peu de relations sociales, trouve une « forme de plaisir et de notoriété » dans ce jeu. « Ce n’est pas en supprimant ces activités-là d’un seul coup qu’il aura alors des activités sociales extrêmement développées », observe, sceptique, la vice-procureure Ariane Mallier.

D’ailleurs, selon Ubisoft, Yannox n’a pas totalement arrêté ses activités en ligne sur le jeu, en témoigne deux nouvelles connexions suspectes en décembre et début janvier. Des “copycat” imitant son pseudo, selon le prévenu. Quoiqu’il en soit, l’entreprise ne doute pas qu’elle recroisera prochainement le joueur dans une enceinte judiciaire. Elle a ainsi fait part au tribunal de ses importants soupçons sur l’implication de Yannox dans l’affaire de swatting qui avait visé en novembre 2020 son studio de Montréal. Son site de développement, le plus important de l’entreprise, avait alors été paralysé toute une journée.

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