Uber Files: comment un lobbyiste de la firme a aidé Emmanuel Macron à financer LREM – Libération

Soutien politique

Dans une interview au «Guardian», le lanceur d’alerte à l’origine des Uber Files, Mark MacGann, ancien lobbyiste du géant du VTC, explique avoir aidé personnellement le ministre de l’Economie de l’époque à collecter des fonds pour son parti.

L’homme à l’origine des Uber Files, cette fuite massive de documents internes à l’entreprise, est sorti du bois. Le Guardian révèle ce lundi soir que le lanceur d’alerte est un ancien lobbyiste de l’entreprise, Mark MacGann. L’homme, qui a plusieurs fois rencontré Emmanuel Macron alors qu’il était ministre de l’Economie, en 2015, pour obtenir avec succès une régulation plus favorable à l’entreprise de VTC, dit aujourd’hui «regretter d’avoir fait partie d’un groupe de personnes qui ont arrangé les faits pour gagner la confiance des automobilistes, des consommateurs et des élites politiques». En prétendant qu’Uber allait améliorer les conditions économiques des conducteurs, «nous avons vendu un mensonge aux gens», résume-t-il.

Bafoué les lois de dizaines de pays

On apprend aussi dans cet article du Guardian que le lobbyiste a personnellement aidé Emmanuel Macron, ce si conciliant ministre, à collecter des fonds pour son parti naissant en 2016, La République en marche. Auprès du média britannique, Mark MacGann souligne que son soutien politique au président français était une décision personnelle et n’avait «absolument rien à voir avec Uber». La raison : les deux hommes s’appréciaient, étaient en (étroite ?) collaboration, échangeant régulièrement des SMS et ce jusqu’en avril. Même si cette aide financière est intervenue après que le lobbyiste ait claqué la porte d’Uber, voilà qui jette le trouble sur l’existence d’une éventuelle contrepartie à l’activisme pro-Uber d’Emmanuel Macron.

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S’il parle aujourd’hui, c’est en partie du fait de ses remords. «Je suis en partie responsable», regrette-t-il dans son interview. En effet, l’Irlandais de 52 ans est un lobbyiste de carrière ayant dirigé les efforts d’Uber pour convaincre les gouvernements d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique. Uber a selon lui sciemment bafoué les lois de dizaines de pays. Et dans tout cela, c’était lui «qui [parlait] aux gouvernements, [lui] qui [poussait] cela avec les médias, [lui] qui [disait] aux gens qu’ils devraient changer les règles parce que les conducteurs allaient en bénéficier et que les gens allaient avoir tellement d’opportunités économiques», regrette-t-il.

Ainsi, à partir des 124 000 fichiers dévoilés par l’ancien lobbyiste et de témoignages, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a conclu à l’existence d’un «deal» secret entre Uber et Emmanuel Macron à Bercy. Les médias partenaires de l’ICIJ font état de réunions dans le bureau du ministre, de nombreux échanges (rendez-vous, appels ou SMS) entre les équipes d’Uber France et Emmanuel Macron ou ses conseillers, citant notamment des comptes-rendus de réunions. Certaines pratiques destinées à aider Uber à consolider ses positions en France sont pointées du doigt, comme le fait de suggérer à l’entreprise de présenter des amendements «clés en main» à des députés.

«Bouffée d’air frais»

Auprès du Guardian, Mark MacGann rappelle justement qu’en 2015, année d’arrivée du géant des VTC sur certains marchés, la plupart des responsables politiques mondiaux soutiennent l’entreprise. Seule la France montre alors une certaine réticence. La licence Uber provoque des émeutes de chauffeurs de taxi dans le pays et divise le gouvernement. Dans ce contexte tendu, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, aurait même convoqué Mark MacGann à son bureau et l’aurait menacé de prison : «Je vous tiendrai personnellement et pénalement responsable si vous ne le fermez pas d’ici la fin de la semaine», lui aurait-il dit.

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Un ton bien différent de celui d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie. Lancé dans la construction d’une start-up nation française, l’homme politique est déjà connu pour ses positions en faveur de la tech et de l’innovation. De quoi en faire un allié de poids. Ainsi, dans les fichiers révélés, Mark MacGann inclut des échanges de SMS qu’il a lui-même entretenu avec l’actuel président.

C’est à lui que le lobbyiste s’adresse lorsque les bureaux de l’entreprise en France sont perquisitionnés. A lui, encore, qu’il se plaint lorsqu’un un décret est pris contre Uber à Marseille. Bon camarade, Emmanuel Macron lui soutient alors qu’il se penche alors «personnellement sur la question». Une aide de toutes les heures que Mark MacGann décrit comme «une énorme bouffée d’air frais». Auprès de Libération, le président de la République de l’époque, François Hollande, explique n’avoir jamais «eu connaissance du moindre deal» entre son ancien ministre et les dirigeants de la multinationale américaine.

L’interview du Guardian ne précise pas le montant des sommes collectées pour aider Emmanuel Macron à ériger son parti politique, avec lequel il remportera l’élection présidentielle de 2017. Pour l’instant, le président de la République n’a pas non plus répondu aux questions détaillées sur sa relation avec Uber. Un porte-parole a déclaré que ses fonctions ministérielles à l’époque «l’ont naturellement amené à rencontrer et à interagir avec de nombreuses entreprises» engagées dans le secteur des services.

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