Tuerie de la préfecture de police de Paris: l’État mis en échec – Le Figaro

L’attentat de la Préfecture de police souligne combien la radicalisation islamiste a infiltré les services publics, même les plus stratégiques.

Une attaque terroriste perpétrée par un fonctionnaire habilité secret-défense… Ces mots suffisent à décrire le cataclysme déclenché jeudi après l’assassinat de quatre fonctionnaires de la préfecture de police de Paris (PP) par Mickaël Harpon. Un fait sans précédent dans l’histoire du terrorisme islamiste, qui explique la double saisine, dès samedi, de l’Inspection des services de renseignement par le premier ministre. L’ISR passera au crible la détection de la radicalisation dans les services de renseignement et reviendra sur les failles dans la détection de la radicalisation de Mickaël Harpon, informaticien au sein de la direction du renseignement de la préfecture. Le rapport de cette seconde mission est attendu fin octobre.

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Dimanche, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a reconnu l’existence d’une «faille» et de «dysfonctionnements», tout en écartant sa démission réclamée par l’opposition. Samedi, le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, a évoqué un «contexte de radicalisation latente» de Harpon. Et de citer une «approbation de certaines exactions commises au nom de cette religion», un «souhait de ne plus avoir certains contacts avec des femmes», une justification «auprès d’un collègue de travail des attentats commis dans les locaux du journal Charlie Hebdoen 2015» et un abandon de la tenue occidentale au profit d’une tenue traditionnelle pour aller à la mosquée.

Selon une source proche de l’enquête, cette radicalisation, remontant à 2015, a été évoquée sur procès-verbal par un proche collègue de Mickaël Harpon. Ce témoin a confirmé que Harpon, converti à l’islam de longue date, s’était signalé au cours des quatre dernières années par une série d’incidents, en précisant que ses collègues en parlaient et qu’ils étaient inquiets. Ces incidents ont inclus un soutien, en 2015, des terroristes de Charlie Hebdo, soit une apologie du terrorisme punie par la loi. Dernièrement, le futur tueur faisait sa prière plus souvent. Son attitude avec les femmes trahissait une adhésion à l’islam radical. Sur ce point, le témoin précise que cette attitude envers les femmes fluctuait selon les moments, le ministre de l’Intérieur tenant à préciser dimanche que, «ces dernières semaines, (Mickaël Harpon) embrassait encore les femmes».

Comment expliquer que cet homme, attiré par un islam radical et en souffrance psychologique, ait pu échapper à la vigilance ?

Cette série d’alertes était d’autant plus préoccupante que ce personnage à la «radicalisation latente», informaticien ayant accès à quantité de secrets, était décrit comme fragile, introverti, souffrant d’un sentiment d’infériorité et d’un mal-être lié à son handicap et son activité professionnelle. Comment expliquer que cet homme, attiré par un islam radical et en souffrance psychologique, ait pu échapper à la vigilance? Très sensible, la question explique pourquoi le ministre de l’Intérieur et son secrétaire d’État, Laurent Nuñez, directeur de cabinet du préfet de police de 2012 à la fin mars 2015, soient tous deux montés au créneau dimanche. Ils ont souligné que le dossier administratif de Mickäel Harpon ne faisait état d’aucune radicalisation. S’appuyant sur un rapport de la PP, ils ont en revanche confirmé qu’en juillet 2015, deux collègues de Harpon à la DRPP avaient signalé ses propos sur l’attentat contre Charlie Hebdo.

Le référent radicalisation de leur service se serait alors entretenu avec eux en leur proposant de faire un signalement écrit, mais les deux fonctionnaires auraient décidé de ne pas le faire. En septembre 2015, le référent radicalisation revient aux nouvelles et se serait entendu répondre que le problème était géré «en interne». Les deux responsables ont affirmé que ces éléments, très inquiétants en eux-mêmes et dans le contexte d’alerte antiterroriste, ne sont pas remontés. Laurent Nuñez a toutefois précisé qu’il attendait les suites de l’enquête et demeurait «prudent». Les réactions de l’opposition dimanche démontrent en tout cas que la polémique est loin de s’achever.

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Elle est d’autant plus vive qu’elle fait suite à une autre, centrée celle-ci sur des pressions présumées, jeudi et vendredi, visant à nier la dimension terroriste. Le syndicat de police Vigi Police demande que «la Préfecture de police s’explique» et que «cette rumeur soit éclaircie». L’hypothèse est balayée par une source proche de l’enquête soulignant que «jeudi, en fin de soirée, rien n’indiquait une dimension terroriste. Ces éléments ne sont apparus que vendredi matin.» Vendredi dans l’après-midi, en dépit des témoignages, des liens avérés avec des salafistes, d’autres sources continuaient à privilégier la thèse du déséquilibré peu avant la saisine du parquet national antiterroriste. Manipulation ou prudence? Au-delà des failles, des polémiques et des calculs politiques, habituels en la matière, l’attentat du 3 octobre dévoile une réalité bien plus glaçante: après les attentats de 2018, perpétrés par des délinquants radicalisés et repérés, celui de Lyon en juin, dont l’auteur était totalement inconnu, l’attentat de Paris démontre simplement que le poison de l’islam radical a pénétré le cœur de l’appareil d’État.

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