“Tu vas la fermer” : à l’Assemblée nationale, “une tension jamais vue” et un débat “lunaire” sur la réintégrat – franceinfo

Une nouvelle fois, les esprits se sont échauffés à l’Assemblée nationale. La fin de la journée réservée à des textes du groupe de La France insoumise, jeudi 24 novembre, a été marquée par une succession d’incidents, lors de l’examen d’une proposition de loi prévoyant la réintégration des soignants non vaccinés contre le Covid-19, sous condition de test négatif quotidien.

A grand renfort d’amendements, la majorité présidentielle a empêché la tenue du vote sur ce texte, alors que les oppositions semblaient en mesure de le faire adopter. Franceinfo vous livre le récit de cette soirée enflammée.

Acte 1 : le groupe LFI prend la majorité par surprise

Tout commence jeudi après-midi, dans l’hémicycle, lorsque le député de La France insoumise Aymeric Caron annonce le retrait surprise de sa proposition de loi contre la corrida. Constatant que son texte fait l’objet de centaines d’amendements “d’obstruction”, déposés notamment par la majorité, il juge “impossible” d’atteindre “un vote final dans les délais impartis”. Il sait qu’une journée de “niche parlementaire”, lors de laquelle un groupe d’opposition peut fixer l’ordre du jour, doit s’achever quoi qu’il arrive à minuit, sans possibilité de poursuivre les débats en cas d’examen inachevé d’un texte.

L’abandon prématuré de ce texte est acté par LFI dès la mi-journée, selon Libération. Après avoir déjà sacrifié deux autres propositions de loi portant sur les Uber Files et sur l’augmentation du smic, les élus LFI font donc le choix de concentrer toutes leurs forces sur un dernier combat, qu’ils estiment plus facilement gagnable : la réintégration des professionnels de santé et de secours non vaccinés. “Une petite stratégie nécessaire”, reconnaît, cité par Libération Alexis Corbière, pour un coup de théâtre qui prend la majorité au dépourvu.

Acte 2 : vent de panique chez les macronistes

Prête à en découdre de longues heures sur la corrida, la coalition présidentielle n’avait pas anticipé que la proposition de loi sur les soignants ait une chance d’être votée avant minuit. Le texte est pourtant largement soutenu au sein des groupes d’opposition et la majorité risque d’être mise en minorité. C’est d’ailleurs ce qui se produit dès le début de soirée : un amendement visant à supprimer l’article principal de la proposition de loi est largement rejeté (96 voix pour, 161 contre), sous les applaudissements de l’opposition. Après de vaines tentatives de sonner le rappel des troupes sur WhatsApp, la panique s’empare des élus Renaissance.

“On n’est pas assez nombreux, on va se faire laminer.”

Un député Renaissance

au “Figaro”

Les hautes sphères de la macronie s’agitent et, lors d’un conciliabule entre la majorité et l’exécutif, décision est prise “de faire de l’obstruction”, rapporte un député de la majorité à Politico. Un compte à rebours démarre pour faire traîner les débats.

Acte 3 : Renaissance joue l’obstruction

Profitant d’une suspension de séance à 20 heures, la majorité rédige en urgence plusieurs dizaines de sous-amendements. A la reprise des débats, à 21h30, l’opposition découvre que le nombre d’amendements à examiner est passé de 19 à plus de 200, selon Le Figaro. Les élis LFI s’étranglent devant le contenu des textes : l’un ne vise qu’à remplacer le mot “ponctuelle” utilisé dans une phrase par “épisodique”, un autre propose de substituer aux mots “personnes chargées” l’expression “personnels chargés”, etc.

Mais, à nouveau, les députés macronistes se retrouvent piégés. Au retour de la pause dîner, ils constatent que le député Les Républicains Philippe Juvin, auteur de l’amendement sous lequel ils avaient déposé leurs quelque 200 modifications, n’est plus dans l’hémicycle. Son texte n’est donc pas examiné, pas plus que les sous-amendements, comme le rapporte Le Monde. N’en démordant pas, les élus Renaissance multiplient alors les prises de parole, critiquent le déroulement des débats et obtiennent plusieurs suspensions de séance pour gagner de précieuses minutes.

Acte 4 : les débats s’enveniment

C’est peut-être le dépôt d’un nouvel amendement par le gouvernement lui-même qui fait déborder le vase. “C’est sans doute la première fois dans la Ve République qu’un gouvernement se prête à un travail d’obstruction pour empêcher l’Assemblée nationale de poursuivre sa mission, vous devriez avoir honte, messieurs les ministres”, s’indigne le chef de file du groupe LR, Olivier Marleix, dont des députés sont favorables au texte de LFI, tout comme le groupe RN. Standing ovation sur les bancs de la gauche, de la droite et de l’extrême droite.

Lors des suspensions de séance, des éclats de voix entre députés retentissent dans les couloirs de l’Assemblée. Deux élus Renaissance et LFI s’insultent et se menacent, selon Le Monde. Puis, interrompu en pleine question, l’ancien marcheur Olivier Serva, classé “divers gauche”, finit par s’en prendre verbalement à Sylvain Maillard. “Tu vas la fermer”, lui intime-t-il, provoquant l’émoi du camp présidentiel et une nouvelle interruption des débats.

“Nous vivons une soirée lunaire”, s’émeut la rapporteuse insoumise de la proposition de loi, Caroline Fiat. “Il est 23h10 et nous n’avons passé aucun amendement depuis la reprise”, déplore-t-elle, accusant la “minorité présidentielle” e le gouvernement de “faire le jeu de l’obstruction”. Dépêché en renfort dans l’hémicycle pour “tenir la barre”, selon une source de la majorité, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, décrit un “niveau de tension jamais vu en douze ans de Parlement”.

Acte 5 : la soirée s’achève sans vote

Peu avant 23h30, la députée LFI Caroline Fiat demande une suspension de 10 minutes. La pause s’éternise et, à la reprise de la séance, à 23h50, le groupe de gauche doit concéder sa défaite. “Le gouvernement vient de franchir une ligne rouge” en faisant de “l’obstruction” et en “supplantant la souveraineté de l’Assemblée nationale”, lance sa cheffe de file, Mathilde Panot.

Sans attendre les douze coups de minuit, de nombreux élus de gauche lèvent le camp et la présidente de séance abrège les débats. Les députés ultra-marins des différents bancs de l’Assemblée, venus en nombre soutenir la proposition de loi en discussion, s’en vont alors dire leur colère devant la presse, face au “mépris du gouvernement” à l’égard de la situation des établissements de santé dans leurs territoires. “Chez nous, ceux qui ont un schéma vaccinal complet, c’est moins de 20%”, rappelle l’un d’entre eux. “Lors d’une niche parlementaire, quand le texte est arrêté à minuit, il est dit suspendu, avait souligné Caroline Fiat, plus tôt. On ne vous lâchera pas.”

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