Trump et Nétanyahou scellent un pacte pour une paix improbable – Le Figaro

Donald Trump a dévoilé «l’accord du siècle». Depuis la Maison-Blanche, le président américain et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou ont présenté triomphalement leur plan de paix, censé résoudre l’intraitable conflit israélo-palestinien. Le plus épineux dossier des relations internationales contemporaines, sur lequel tous les négociateurs se sont cassé les dents depuis soixante-dix ans, aurait, selon eux, enfin trouvé sa solution. Élaboré par Jared Kushner, le gendre du président, cet accord représente une «occasion historique».

«Tout le monde a essayé et a échoué misérablement», s’est vanté Trump. «Mais je n’ai pas été élu pour me tenir à l’écart des grandes difficultés… Ce fut un processus long et ardu. Mais je peux vous présenter ma vision pour la paix, qui diffère fondamentalement des plans précédents», a ajouté le président américain. «Ma vision présente une occasion pour les deux parties, un accord gagnant-gagnant», et «une avancée historique».

Annonçant qu’«Israël avait pour la première fois accepté de publier une carte», Trump a publié après la conférence de presse un document où apparaissent les principaux points de sa «vision pour la paix».

Il dévoile une Cisjordanie amputée de la vallée du Jourdain ; dans les zones revenant aux Palestiniens, globalement centrées sur les grandes agglomérations arabes de Jénine, Naplouse, Ramallah, Jéricho, Bethléem et Hébron, de profonds couloirs ont été taillés pour relier les grands blocs de colonies israéliennes ; quinze colonies restant enclavées seraient reliées à Israël par des routes sous contrôle israélien. Deux zones dans le désert du Néguev, à la frontière égyptienne, seraient réservées aux Palestiniens, pour développer une zone industrielle de haute technologie, ainsi que des zones résidentielles et agricoles. La bande de Gaza, démilitarisée, serait reliée à la Cisjordanie par un tunnel.

«Nous allons travailler pour créer un territoire contigu où un État palestinien sera créé» quand les conditions seront remplies, a dit Trump. «On ne reviendra pas aux jours des bombes… On ne demandera pas à Israël de transiger avec sa sécurité.» «Jérusalem demeurera la capitale non divisée de l’État d’Israël» et «les États-Unis reconnaîtront la souveraineté d’Israël sur les territoires qui lui appartiennent». «Mais ce n’est pas grand-chose», a dit Trump, rappelant qu’il avait «déjà beaucoup fait pour Israël, déplacé l’ambassade à Jérusalem, reconnu la souveraineté sur le plateau du Golan», et surtout mis fin «au terrible accord sur le nucléaire iranien», a-t-il ajouté, salué par des applaudissements nourris de l’assistance.

Des milliards de dollars

«Il est raisonnable que je fasse aussi beaucoup pour les Palestiniens», a poursuivi Trump. «Ce n’est que justice. Après soixante-dix ans, ce pourrait être la dernière occasion qu’ils aient… Cette carte va doubler le territoire palestinien, et lui donner une capitale où les États-Unis vont ouvrir une ambassade». « Personne ne sera déplacé», a promis Trump, qui a ajouté qu’en ce qui concerne le statut des lieux saints, «le statu quo sera préservé pour que chacun puisse aller prier à la mosquée d’al-Aqua (sic)».

Le statu quo sera préservé pour que chacun puisse aller prier à la mosquée d’al-Aqu

Donald Trump

Il a aussi promis que des milliards de dollars seraient versés aux Palestiniens pour «sortir de la misère et de la dépendance à la charité internationale», et retrouver «dignité, autosuffisance et fierté nationale». «J’ai envoyé une lettre au président Abbas, qui lui promet que le territoire qui leur est promis ne sera pas développé pendant quatre ans. Je veux que vous sachiez que si vous choisissez le chemin de la paix, les États-Unis seront avec vous à chaque étape. En d’autres mots, pour la première fois depuis des décennies, ça va marcher

«Il est temps pour le monde musulman de réparer l’erreur commise en 1948 quand il a décidé d’attaquer Israël, et de reconnaître Israël, a conclu Trump. Il est grand temps de mettre fin à ce triste chapitre.»

Nétanyahou, qui arborait un sourire satisfait, a ensuite pris la parole pour saluer Trump comme «le meilleur ami qu’Israël ait jamais eu à la Maison-Blanche». «C’est un jour historique!», a dit le premier ministre israélien, comme «le 14 mai 1948, quand le président Truman a été le premier dirigeant du monde à reconnaître l’État d’Israël… Nous nous rappellerons le 28 janvier 2020 comme le jour ou vous avez reconnu la souveraineté sur la Judée et la Samarie, vitale pour notre sécurité et notre héritage. Vous avez aussi présenté un chemin vers une paix durable».

Expliquant que «les plans précédents ont échoué parce qu’ils n’ont pas trouvé l’équilibre entre la sécurité d’Israël et les aspirations des Palestiniens», Nétanyahou a détaillé les six points qui l’avaient amené à «accepter de négocier avec les Palestiniens sur les bases de (votre) plan de paix».

«Votre plan s’attaque aux racines du conflit en insistant pour que les Palestiniens reconnaissent Israël comme l’État juif ; pour qu’Israël garde le contrôle de la vallée du Jourdain, et ait une frontière orientale pour se défendre ; appelle au désarmement du Hamas et à la démilitarisation de Gaza ; établit clairement que la question des réfugiés palestiniens sera résolue en dehors d’Israël ; maintiendra notre capitale Jérusalem unie sous souveraineté israélienne ; et ne déplacera personne, israéliens ou palestiniens».

Israël ne laissera pas passer cette occasion.

Benyamin Nétanyahou

«Les spécialistes de l’immobilier pensent à des choses auxquelles les autres ne pensent pas», a dit Nétanyahou à un Trump rayonnant. Il a aussi salué Jared Kushner: «Sans votre sagesse, votre persistance, ce jour ne serait jamais venue», a-t-il ajouté. «Israël vous est redevable, à vous et au président Trump, d’une dette éternelle de gratitude

«Si ce n’est pas maintenant, quand? Et si ce n’est pas nous, qui?, a conclu Nétanyahou. Israël ne laissera pas passer cette occasion.»

En langage diplomatique, ce genre de plan s’est longtemps appelé une paix carthaginoise: le vainqueur impose au vaincu ses conditions. Le premier problème sera d’obtenir l’adhésion des Palestiniens à un plan qui équivaut pour eux à renoncer à l’essentiel de leurs revendications en échange d’une éventuelle et hypothétique souveraineté sur un territoire morcelé. Le second sera pour Nétanyahou de le faire accepter à la droite nationaliste israélienne: aussi favorable soit-il à Israël, le plan fait néanmoins des concessions territoriales aux Palestiniens, par principe inacceptables pour les milieux sionistes religieux israéliens.

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