
Transport de marchandises : l’Autorité de la concurrence dénonce le boycott des nouveaux entrants

L’Autorité de la concurrence fait la chasse aux pratiques anticoncurrentielles contre les startups dans le secteur du transport routier de marchandises, où plusieurs catégories d’acteurs intermédiaires se partagent historiquement le business. L’Autorité de la concurrence a prononcé, vendredi dernier, une sanction de 500 000 euros à l’encontre de plusieurs acteurs du transport routier de marchandises, les accusant d’avoir boycotté les plateformes numériques d’intermédiation entre 2016 et 2018, au moment de leur arrivée sur le marché français et européen.
L’Autorité a enquêté sur ces pratiques anticoncurrentielles à la suite d’une saisine du ministère de l’économie et des finances (DGCCRF). Plusieurs acteurs du transport routier de marchandises sont directement impliqués, parmi lesquels figurent la bourse de fret B2Pweb, les groupements de transporteurs Evolutrans, Astre, Flo, Tred Union et ASTR, ainsi que les syndicats Unostra et OTRE. Les sociétés B2Pweb et H2P ont été solidairement condamnés à payer le plus gros montant (350 000 euros), suivi par l’Association des Transporteurs Européens (50 000 euros).
Tous ces acteurs se sont entendus pour mettre en place une « stratégie de blocage du développement des plateformes numériques » indique l’Autorité. A l’époque, les trois principales plateformes boycottées étaient alors Chronotruck (racheté par Gefco en 2019), Fretlink et Everoad (également racheté en 2020 par son concurrent allemand Sennder). D’autre intermédiaires proposant des logiciels de traçabilité en temps réel, comme Shippeo, ont également été visés par ces pratiques anticoncurrentielles.
Des interfaces en ligne pour mettre en relation chargeurs et transporteurs
Cette nouvelle concurrence venue du digital propose des services en lien avec la réalisation ou l’optimisation de la gestion des transports, détaille le régulateur. Les nouvelles plateformes permettent notamment de mettre directement en relation les clients chargeurs avec des transporteurs, au travers d’une interface en ligne, en utilisant des méthodes de géolocalisation immédiate. Les logiciels permettent aussi un suivi des flottes, pour une meilleure gestion de la supply chain.
L’entreprise Shippeo, qui a mis au point une plateforme API pour aider les acteurs de la supply chain et les transporteurs à suivre leurs livraisons, a vu son chiffre d’affaires augmenter au cours des dernières années, et a observé une montée en puissance des enjeux de visibilité de la supply chain dans le contexte sanitaire. Son directeur général, Lucien Besse, indiquait il y a quelques mois à ZDNet que l’entreprise traitait aujourd’hui plus de 10 millions d’ordres de transport par an, sur un marché dont la particularité est d’être très fractionné.
L’Autorité de la concurrence souligne que ce secteur est « en profonde évolution marqué par l’émergence des nouvelles technologies informatiques et numériques ». Dans un tel contexte, le régulateur dénonce des « pratiques graves » qui viennent freiner des « gains d’efficacité » de plusieurs ordres, comme la mise en concurrence des transporteurs, des taux de commission inférieurs perçus par ces plateformes ou encore la réduction des “retours à vide” des transporteurs.
L’Autorité rapporte toutefois que « le dommage à l’économie demeure contenu ». Ces pratiques n’ont pas empêché aux nouveaux entrants de connaître une « croissance marquée » sur la période, constate ainsi l’Autorité.