« Termes radicaux » pour Merkel, « paroles en or » pour Moscou : les membres de l’OTAN réagissent aux déclarations de Macron – Blog Le Monde

Le chef de l’Etat estime, dans un entretien à « The Economist » publié jeudi, que l’Alliance atlantique est dans un état de « mort cérébrale ».

Le Monde avec AFP Publié hier à 13h30, mis à jour à 00h55

Temps de Lecture 3 min.

Emmanuel Macron a estimé, jeudi 7 novembre, que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) était en état de « mort cérébrale », dans un entretien à l’hebdomadaire anglais The Economist. Le président français l’explique par le désengagement américain vis-à-vis de ses alliés, notamment en Syrie, et de l’attitude de la Turquie, membre de l’Alliance atlantique – autre nom de l’OTAN. Un sommet de l’organisation aura lieu à Londres au début du mois de décembre.

Il faut « clarifier maintenant quelles sont les finalités stratégiques de l’OTAN », a affirmé le chef de l’Etat, en plaidant, comme depuis le début de son mandat, pour « muscler » l’Europe de la défense. « Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des Etats-Unis avec les partenaires de l’OTAN et nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’OTAN, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination, a-t-il souligné. Ce qui s’est passé est un énorme problème pour l’OTAN. »

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Les « termes radicaux » de M. Macron

La chancelière Angela Merkel a rapidement commenté ces déclarations lors d’une conférence de presse à Berlin, jeudi, aux côtés du secrétaire général de l’Alliance, M. Stoltenberg. « Je ne pense pas qu’un tel jugement intempestif soit nécessaire, même si nous avons des problèmes, même si nous devons nous ressaisir », a-t-elle déclaré. Les « termes radicaux » de M. Macron ne correspondent pas à « mon point de vue au sujet de la coopération au sein de l’OTAN », a ajouté la chancelière. M. Stoltenberg a, de son côté, estimé que l’OTAN restait « forte », relevant que les Etats-Unis et l’Europe « travaillaient ensemble plus que nous ne l’avons fait depuis des décennies ».

« Ce sont des paroles en or. Sincères et qui reflètent l’essentiel. Une définition précise de l’état actuel de l’OTAN », a écrit, de son côté, la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova sur sa page sur Facebook, commentant les propos sur l’OTAN de M. Macron. Le président français a, cependant, eu dans la même interview des mots sévères sur la Russie, dont le modèle n’est, selon lui, « pas soutenable ».

Enfin, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a jugé, lors d’une conférence de presse à Leipzig (Allemagne), que l’OTAN restait « historiquement un des partenariats stratégiques les plus importants ». Il en a profité pour rappeler l’exigence de Donald Trump aux pays membres de l’Alliance de mieux « partager le fardeau » de son financement – le président américain avait lui-même qualifié l’OTAN d’organisation « obsolète » en janvier 2017.

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« L’Europe a oublié qu’elle était une communauté »

Dans ce long entretien accordé à The Economist, le président français s’inquiète également de la « fragilité extraordinaire de l’Europe », qui « disparaîtra » si elle ne « se pense pas comme puissance dans ce monde ». « Je ne crois pas dramatiser les choses, j’essaye d’être lucide », souligne Emmanuel Macron qui voit trois grands risques pour l’Europe : qu’elle ait « oublié qu’elle était une communauté », le « désalignement » de la politique américaine du projet européen, et l’émergence de la puissance chinoise « qui marginalise clairement l’Europe ».

« Depuis soixante-dix ans, on a réussi un petit miracle géopolitique, historique, civilisationnel : une équation politique sans hégémonie qui permet la paix. (…) Mais il y a aujourd’hui une série de phénomènes qui nous mettent dans une situation de bord du précipice », insiste M. Macron, qui voit aussi l’Union européenne « s’épuiser sur le Brexit ».

Le président français estime d’abord que « l’Europe a oublié qu’elle était une communauté, en se pensant progressivement comme un marché, avec une téléologie qui était l’expansion ». Selon le chef de l’Etat, il s’agit là d’une « faute profonde parce qu’elle a réduit la portée politique de son projet, à partir des années 1990 ».

Deuxième danger, pour Emmanuel Macron : les Etats-Unis qui restent « notre grand allié » mais « regardent ailleurs » vers « la Chine et le continent américain ». Ce basculement a été amorcé sous Barack Obama, estime le chef de l’Etat. « Mais pour la première fois, nous avons un président américain [Donald Trump] qui ne partage pas l’idée du projet européen, et la politique américaine se désaligne de ce projet », estime-t-il.

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Enfin, le rééquilibrage du monde va de pair avec l’émergence – depuis quinze ans – d’une puissance chinoise qui crée un risque de bipolarisation et marginalise clairement l’Europe. Et à ce risque de « G2 » Etats-Unis/Chine, s’ajoute « le retour de puissances autoritaires, au voisinage de l’Europe, qui nous fragilisent également très profondément », ajoute M. Macron, citant la Turquie et la Russie. En conséquence, il estime que si les Européens n’ont « pas un réveil, une prise de conscience de cette situation et une décision de s’en saisir, le risque est grand, à terme, que géopolitiquement nous disparaissions, ou en tout cas que nous ne soyons plus les maîtres de notre destin. Je le crois très profondément ».

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