Tentative de coup d’Etat en Guinée, le président Condé «capturé» : ce que l’on sait d’une situation extrêmement confuse – Le Parisien

Des tirs nourris d’armes automatiques dans le centre de Conakry, des soldats déployés dans les rues, un président introuvable : en proie depuis des mois à une grave crise économique et politique, la Guinée est le théâtre ce dimanche d’une tentative de coup d’Etat mené par des militaires des forces spéciales. Voici ce que l’on sait.

Les faits : des tirs nourris et des soldats dans les rues

Des habitants joints au téléphone à Kaloum ont fait état de tirs soutenus. S’exprimant sous le couvert de l’anonymat pour leur sécurité, ils ont dit avoit vu de nombreux soldats intimant aux résidents de rentrer chez eux et de ne pas en sortir. L’opposition a fait circuler abondamment sur les réseaux sociaux des vidéos tournées selon elle par des résidents à la dérobée et dans lesquelles les rues résonnent de tirs intenses. L’accès à la presqu’île de Kaloum est restreint du fait de sa géographie. Les forces de sécurité peuvent aisément la bloquer.

Les annonces : les putschistes disent avoir capturé Condé, la Défense dément

Peu après 15 heures, les putschistes, membres des forces spéciales, ont annoncé dans une vidéo transmise à un correspondant de l’AFP avoir « pris » le président et « dissoudre les institutions ». « Nous avons décidé après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous (…) de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions, nous avons décidé aussi de dissoudre le gouvernement et la fermeture des frontières terrestres et aériennes », affirme le lieutenant-colonel Doumbouya en uniforme et en armes dans cette déclaration qui a aussi abondamment circulé sur les réseaux sociaux.

Dénonçant la « gabegie », le lieutenant-colonel, drapé dans un drapeau guinéen, a ensuite réitéré cette déclaration à la télévision nationale peu après 14h00, interrompant les programmes habituels. Mais dans la foulée, le ministère de la Défense a assuré avoir « repoussé » l’attaque des forces spéciales.

Les putschistes ont également diffusé une vidéo du président Condé entre leurs mains. Ils lui demandent s’il a été maltraité, et le chef de l’Etat de 83 ans, en jeans et chemise froissée dans un canapé, refuse de leur répondre. « Le président est avec nous, il est dans un lieu sûr. Il a déjà vu un médecin, il n’a pas de souci », a assuré le colonel Mamady Doumbouya auprès de France 24.

L’explication : un coup d’Etat militaire, sans « aucun doute »

Un diplomate occidental a dit à l’AFP n’avoir « aucun doute » sur le fait qu’une tentative de coup d’Etat était en cours, conduit par les forces spéciales guinéennes. Selon ses informations, cette unité d’élite a pris au moins temporairement le palais présidentiel.

Les tensions pourraient avoir été provoquées par une tentative de mise à l’écart du commandant des forces spéciales, sur fond de jalousies au sein des forces armées envers cette unité bénéficiant de moyens supérieurs aux autres forces de sécurité, a expliqué un diplomate occidental s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. Les forces spéciales seraient alors passées à l’action, a-t-il ajouté.

Le contexte : des mois de tension, une contestation réprimée

Depuis des mois, ce pays d’Afrique de l’Ouest parmi les plus pauvres du monde malgré des ressources minières et hydrologiques considérables est en proie à une profonde crise politique et économique, aggravée par la pandémie de Covid-19. Malgré la richesse du sous-sol de la Guinée, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec moins d’un euro par jour, selon l’ONU.

La candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat le 18 octobre 2020 a provoqué des mois de tensions qui ont causé des dizaines de morts. Définitivement proclamé président pour un troisième mandat le 7 novembre, malgré les recours de ses adversaires, Alpha Condé, en place depuis 2010, est accusé ces dernières années de dérive autoritaire.

Alpha Condé avait fait adopter en mars 2020, malgré une contestation déjà vive, une nouvelle Constitution pour, disait-il, « moderniser (les) institutions » et accorder une plus grande place aux femmes et aux jeunes. L’opposition dénonçait un « coup d’Etat » constitutionnel. La contestation a été à plusieurs reprises durement réprimée. Interrogé par RFI, le chef de l’Etat avait assuré de son côté être « un démocrate » et s’était défendu de vouloir devenir président « à vie ».

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