Tensions Iran- Etats-Unis: « Les organisations terroristes font leur miel du mécontentement populaire en Irak » – 20 Minutes

Les cercueils du général Soleimani et d’Abu Mahdi al-Muhandis sont portés dans le mausolée de l’imam Ali, à Najaf en Irak. — Anmar Khalil)/AP/SIPA
  • La mort du général Soleimani pourrait conduire à un nouveau retrait des Etats-Unis d’Irak. 
  • Le pays reste fragile et menacé par les groupes terroristes dont Daesh. 
  • Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Po, rappelle que l’Irak n’est pas le seul pays à surveiller. 

L’armée américaine risque son deuxième retrait forcé d’Irak en une décennie, après le vote dimanche du Parlement irakien pour réclamer son expulsion du pays, choqué par l’assassinat à Bagdad du puissant général iranien Qassem Soleimani.

Lors d’une séance extraordinaire en présence du Premier ministre démissionnaire Adel Abdel Mahdi, le Parlement irakien a demandé dimanche au gouvernement de « mettre fin à la présence des troupes étrangères » en Irak. Parties fin 2011, les troupes américaines étaient revenues en 2014 avec la montée en puissance du groupe Etat islamique. Pour Kader Abderrahim, maître de conférences à Sciences Po, cet assassinat ciblé de Soleimani n’est pas la seule raison qui pourrait mener à une résurgence du terrorisme.

La mort du général Soleimani est-elle un vrai coup dur dans la lutte contre Daesh ?

Le général était un des stratèges de cette lutte, donc la résurgence de Daesh peut venir du fait qu’il y a moins de personnes capables de concevoir une stratégie contre eux. N’oublions pas que son assassinat s’est produit en Irak, le pays où le groupe EI est « né » lorsque Al-Baghdadi a proclamé le califat depuis Mossoul.

Le parlement irakien s’est prononcé pour le départ des soldats américains. Si cela se réalisait, l’Irak a-t-il les moyens de faire face au terrorisme ?

Aujourd’hui l’État irakien est très divisé. Avant même la mort de Soleimani, il y avait déjà une contestation interne, alimentée par des puissances étrangères. La société irakienne est très mécontente de l’évolution de la situation dans le pays depuis la fin de la guerre (2003 après l’attaque américaine, suivi par des années de guerilla). Elle réclame des comptes aux dirigeants irakiens. Cela fait des années que la corruption, les détournements existent.

Tout cela alimente évidemment les organisations terroristes qui font leur miel du mécontentement populaire qui est d’abord social, et qui finit par basculer dans la radicalisation. Mais il faut voir au-delà de l’Irak. Aujourd’hui, il y a une déstabilisation générale du monde arabe, notamment avec l’intervention turque en Libye et les nombreuses convoitises territoriales, économiques, de différents pays.

Quels sont les Etats qui ont le plus d’intérêt ?

Je pense à la Turquie, à l’Egypte, à l’Arabie Saoudite. Vous avez aussi les Emirats arabes unis (EAU) qui livrent beaucoup d’armes en Libye et alimentent ainsi la guerre. Il faut voir qu’aujourd’hui on est dans une situation globale où les grands acteurs (Etats-Unis, Chine) sont en train d’influer sur les décisions qui sont d’être prises au Moyen-Orient.

Je rappelle quand même que cela fait un siècle (1920) qu’on a démembré l’Empire Ottoman. A l’époque, les Occidentaux ont fait croire aux Arabes qu’ils auraient un Etat. Non seulement ces derniers n’ont rien eu, mais ils sont en permanence entraînés dans des conflits dont ils ne mesurent pas les implications pour eux-mêmes. Aujourd’hui, Erdogan, le président turc, tente de redonner à la Turquie la place qu’elle avait avant ce partage. Son intervention en Libye lui permettra par exemple d’élargir son espace maritime et d’avoir des vues sur les ressources pétrolières. En résumé, l’Irak est un élément du puzzle, mais il faut prendre les choses dans leur ensemble pour bien comprendre leur complexité.

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