Taux d’anticorps, durée de l’immunité, protection contre la transmission… Quelle est l’efficacité de la dose – franceinfo

Un démarrage tranquille, puis une accélération pied au plancher. Avec l’annonce par Emmanuel Macron de l’intégration prochaine de la dose de rappel du vaccin contre le Covid-19 dans le pass sanitaire, le nombre d’injections quotidiennes est reparti en forte hausse. En moyenne, 400 000 personnes se pressent chaque jour dans les centres de vaccination, pharmacies et cabinets médicaux pour se faire administrer une troisième dose (ou une seconde après avoir contracté la maladie). C’est quatre fois plus qu’il y a un mois.

Que sait-on des effets de cette dose de rappel sur notre système immunitaire ? Pourquoi le gouvernement a-t-il choisi de la généraliser ? Avoir effectué son premier schéma vaccinal avec AstraZeneca ou Janssen apporte-t-il la même protection ? Franceinfo a interrogé des spécialistes.

Quel est l’intérêt de la dose de rappel ?

Elle vise à augmenter la quantité d’anticorps neutralisants contre le Covid-19, car leur nombre baisse quelques mois après la fin du premier schéma vaccinal. Cette chute devient “significative” entre cinq et huit mois après l’administration de la deuxième dose, explique Sandrine Sarrazin, chargée de recherche Inserm au centre d’immunologie de Marseille-Luminy. Cette situation pose problème en France, où le variant Delta, contre lequel l’efficacité vaccinale est moindre en matière de transmission, circule activement. “La première dose du vaccin permet de déclencher la réponse immunitaire, mais la production d’anticorps reste modérée. La deuxième dose permet de renforcer cette réaction et d’augmenter le taux d’anticorps”, résume Sandrine Sarrazin.

En présentant une nouvelle fois à notre système immunitaire un agent pathogène auquel il a déjà été confronté, la dose de rappel permet de faire bondir le taux d’anticorps à un niveau “dix à douze fois supérieur” à celui qui suit la deuxième injection, selon cette chercheuse. Avec des résultats spectaculaires : une étude réalisée en Israël (article en anglais), où l’administration de la troisième dose a été ouverte à tous les majeurs le 29 août, montre que le rappel est efficace à 93% contre l’hospitalisation, à 92% contre les formes sévères de la maladie, et à 81% contre la mort.

Comment expliquer la forte augmentation du taux d’anticorps avec cette troisième dose ?

“C’est vraiment un schéma classique”, assure Sandrine Sarrazin, qui rappelle que les vaccins contre l’hépatite B, la coqueluche ou encore le tétanos s’administrent en trois doses espacées de quelques mois.

Cette hausse importante s’explique par le fonctionnement de notre système immunitaire. La vaccination sollicite deux types de lymphocytes B, des globules blancs chargés de la production d’anticorps. “Les premiers vont immédiatement produire des anticorps. Les seconds, appelés lymphocytes B mémoire, vont garder en tête le plan de fabrication de ces anticorps et être stockés dans la moelle osseuse pour plus tard. Un peu comme des bocaux qu’on mettrait à la cave pour passer l’hiver tranquille”, illustre-t-elle.

Après avoir été sollicité à deux reprises par les premières injections (ou par une infection au Covid-19), notre organisme connaît bien l’antigène que lui présente la dose de rappel. “Il va directement solliciter ces cellules mémoires. Ces lymphocytes B, sensibilisés par les premières injections, vont se mobiliser très rapidement et produire des quantités très importantes d’anticorps”, développe pour franceinfo le professeur Yves Buisson, épidémiologiste et président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine.

L’immunité procurée par la dose de rappel est-elle efficace contre la transmission du virus ?

C’est ce que montrent les premières enquêtes sur le sujet. Une étude israélienne publiée le 30 novembre (article en anglais) dans le Journal of the American Medical Association a comparé la fréquence des infections par le Covid-19 chez plus de 300 000 personnes de plus de 40 ans ayant reçu ou non une dose de rappel du vaccin Pfizer.

Les résultats sont très encourageants : entre 28 et 65 jours après l’injection, la proportion des tests PCR positifs était réduite de 86% parmi les sujets ayant bénéficié du rappel. “Une personne vaccinée va moins souvent acquérir le virus, et lorsqu’elle sera infectée, sa charge virale sera moindre : statistiquement, elle sera moins transmetteuse”, résume Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur.

“Avec la troisième dose, on va pouvoir à nouveau affirmer que les vaccins protègent contre la transmission du virus. Le variant Delta et la baisse progressive de l’immunité après la seconde dose nous avaient fait perdre cet avantage, mais on devrait le retrouver grâce au rappel”, s’enthousiasme Sandrine Sarrazin.

La dose de rappel est-elle la même que les précédentes ?

Oui et non. Contrairement à la première étape de la campagne vaccinale, les produits d’AstraZeneca et de Janssen ne sont pas administrés pour les rappels, au contraire des vaccins à ARN messager de Pfizer-BioNTech et Moderna. Une question purement pragmatique, explique le professeur Yves Buisson.

“Les vaccins à ARN messager ont prouvé qu’ils confèrent une immunité plus durable, et moins d’effets indésirables que les vaccins à adénovirus vecteur [comme ceux produits par AstraZeneca et Janssen].”

Yves Buisson, président de la cellule Covid-19 de l’Académie nationale de médecine

à franceinfo

Le dosage du vaccin Moderna a également été un peu modifié pour le rappel. Contrairement aux précédentes injections, le rappel de Moderna ne contient que 50 microgrammes d’ARN messager, contre 100 microgrammes auparavant. Le dosage du vaccin de Pfizer, lui, reste inchangé à 30 microgrammes. L’administration du vaccin de Moderna a en outre été écartée pour les moins de 30 ans à cause d’un risque de légère inflammation cardiaque plus élevé dans cette classe d’âge.

Pour le reste, les vaccins Moderna et Pfizer-BioNTech n’ont pour l’instant pas changé depuis la première campagne de vaccination : la formule utilisée est toujours celle créée pour contrer la souche originelle du Sars-CoV-2 identifiée à Wuhan.

Avoir reçu un autre vaccin que celui de ma dose de rappel confère-t-il une moins bonne immunité ?

“Non seulement il n’y a pas de problème, mais il n’est pas impossible que faire un vaccin à ARN messager après avoir fait un vaccin du type Janssen ou AstraZeneca puisse encore améliorer la réponse immunitaire”, expliquait récemment à franceinfo Dominique Deplanque, président de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique.

“La réponse immunitaire va se faire en fonction de la ‘substance étrangère’ présentée au système immunitaire. Si cette ‘substance étrangère’ n’est que partiellement identique à celle de la première injection, cela élargit le répertoire de la réponse immunitaire.”

Dominique Deplanque, président de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique

à franceinfo

Idem dans le cas où vous passeriez d’un vaccin Pfizer-BioNTech à Moderna, ou vice-versa. “Pfizer et Moderna reposent sur le même principe, leur niveau d’efficacité est comparable et le profil des effets indésirables est globalement le même, à part ce petit sur-risque de myocardite rare et non grave chez les jeunes hommes adultes”, assure Dominique Deplanque.

Serais-je moins bien protégé si, après avoir contracté le Covid-19, je n’ai reçu que deux doses de vaccin ?

Ce cas de figure peut offrir une protection encore plus forte contre le virus qu’une simple vaccination. “Le système immunitaire d’une personne infectée par le Covid-19 va produire non seulement des anticorps contre la spicule [que ciblent les vaccins], mais aussi contre d’autres composants du virus”, analyse Sandrine Sarrazin. Dans ce cas de figure, la vaccination peut jouer le rôle d’amplificateur de cette gamme plus vaste d’anticorps.

Attention tout de même : attendre volontairement de contracter le Covid-19 avant de se faire vacciner pour obtenir une immunité plus complète serait un bien mauvais calcul. “Le paradoxe, c’est que la réponse immunitaire est meilleure quand la maladie est sévère”, remarque Claude-Agnès Reynaud, directrice de recherche et immunologiste à l’Institut Necker-Enfants malades. Contracter le Covid-19 peut en outre laisser des séquelles persistantes (on parle alors de “Covid long”), conduire en service de réanimation, voire tuer. En moyenne, 112 décès liés au Covid-19 sont recensés chaque jour par les services hospitaliers français.

Combien de temps va durer la protection générée par la dose de rappel ?

Difficile à dire pour l’instant. “La protection immédiate générée par la dose de rappel est énorme, mais va décroître lentement. Il va maintenant falloir observer à quel niveau les anticorps vont se stabiliser. Si on suit les schémas de réponse immunitaire classiques, le niveau des anticorps pourrait atteindre un seuil suffisamment élevé pour offrir une bonne protection”, analyse Claude-Agnès Reynaud.

“Très logiquement, la dose de rappel devrait être capable de fournir une immunité bien plus durable que le schéma initial à deux doses.”

Claude-Agnès Reynaud, directrice de recherche et immunologiste à l’Institut Necker-Enfants malades

à franceinfo

“Dans mon laboratoire, nous suivons une cohorte qui a eu sa troisième dose il y a deux mois. Le taux d’anticorps a diminué mais reste très satisfaisant car il partait de plus haut grâce au rappel”, ajoute Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur.

Aura-t-on besoin d’une quatrième dose ?

Si la situation épidémique reste comparable à celle que traverse la France, pas forcément. Tout dépendra du niveau auquel les anticorps produits par notre corps après la dose de rappel se stabilisent.

Cependant, si un variant échappant aux anticorps venait à supplanter le variant Delta dans la dynamique épidémique, un rappel adapté pourrait s’imposer. C’est la crainte que suscite le variant Omicron : ses nombreuses mutations au niveau de la protéine Spike le rendent en partie plus résistant aux vaccins actuels, qui ciblent la version de cette protéine issue du virus originel.

Omicron n’est “probablement pas suffisamment neutralisé après deux doses”, ont admis mercredi les groupes Pfizer et BioNTech, dont le vaccin contre le Covid-19 se délivre initialement en deux injections. Mais “le vaccin est toujours efficace contre le Covid-19 (…) s’il a été administré trois fois”, ont-ils tempéré dans un communiqué commun, sur la base d’études encore non publiées. Les deux groupes ont précisé travailler au “développement d’un vaccin spécifique” au variant Omicron, qui pourrait être disponible dès “mars 2022”.

Leave a Reply

Discover more from Ultimatepocket

Subscribe now to keep reading and get access to the full archive.

Continue reading