Taïwan : Jean-Luc Mélenchon défend sa position malgré les critiques – Le Monde
Le chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, critiqué à gauche pour avoir qualifié de « provocation » la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, a maintenu et renouvelé ses propos, samedi 6 août, affirmant de nouveau qu’« il n’y [avait] qu’une seule Chine ».
Dans un billet de blog jeudi, il avait estimé, en plein cœur de vives tensions entre Pékin et Taipei, que « les Chinois régleront le problème entre eux ». Dans un nouveau post, samedi, il se dit « espanté » par les « très étranges réactions » et les « cris d’orfraie » de ses critiques, alors que « nous ne devons pas vouloir d’un nouveau front de guerre ».
« Quel genre de peur règne sur le débat ? Où est passé l’actif président des amitiés franco-chinoises, M. Raffarin ? Et les signataires de l’accord de coopération de l’UMP avec le Parti communiste chinois ? Et Fabien Roussel [secrétaire national du PCF], après son si récent voyage d’amitié en Chine ? La suffisance des premiers et la prudence effrayée des seconds me consternent. »
Revendication d’une France « non alignée »
Et de réitérer ses arguments : « Je n’ai fait que répéter la doctrine constante de notre pays (la France, rappelons-le) depuis 1965 à propos de la Chine. (…) Il n’y a qu’une seule Chine », « cela est également réglé par les accords internationaux acceptés par notre pays et les membres de l’ONU », et : « Chine et USA s’engagent à respecter la souveraineté et l’unité territoriale de l’autre ».
Il souligne aussi « l’accueil super froid reçu depuis sa provocation par Mme Nancy Pelosi à Tokyo et Séoul ». L’ancien candidat à l’élection présidentielle se demande si les personnes qui le critiquent « pensent que la Chine millénaire va s’incliner devant leurs gesticulations », et pointe un risque de voir Pékin « entrer en convergence plus étroite avec la Russie » tandis que se formerait « un bloc plus homogène entre les USA et l’Europe “quoi qu’il en coûte” en matière d’asservissement et de risque de guerre ».
« La France de Macron a renoncé à jouer un rôle dans cette partie mondiale », déplore-t-il aussi, en prônant un « non-alignement » de Paris, au cœur de sa vision des relations internationales. Alors que l’ambassade de Chine en France l’a remercié dans un tweet, Jean-Luc Mélenchon se défend en republiant une phrase de son précédent post : « Quels que soient l’ampleur et le niveau des critiques qui peuvent être adressées au gouvernement chinois, nous devons refuser de cautionner la guerre à la Chine pour satisfaire les vues des USA sur Taïwan. »
Dissensions au sein de la Nupes
Au sein de l’alliance de gauche Nupes, le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Julien Bayou, avait dénoncé vendredi « une vision assez datée » et « un vrai cynisme en matière de géopolitique » de la part de M. Mélenchon, tandis que le patron du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, jugeait que si « l’opportunité de la visite de Nancy Pelosi à Taïwan [était] discutable, la volonté des Taïwanais de vivre en démocratie ne l’est pas ».
L’épisode confirme que, unis en juillet et août lors des votes au Parlement sur les mesures de pouvoir d’achat, les membres de la Nupes ne le sont pas sur les dossiers diplomatiques, comme ils l’avaient d’ailleurs acté dans l’accord scellant leur alliance en mai avant les élections législatives de juin. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février avait déjà souligné les différences de vues entre des écologistes réclamant des livraisons d’armes aux Ukrainiens ou des « insoumis » défendant un « non-alignement » sur la Russie ou les Etats-Unis.
Mardi, les dissensions se sont traduites dans le vote de l’Assemblée nationale pour la ratification des protocoles d’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN dans le contexte de guerre en Ukraine : les députés PS et écologistes ont voté pour, les députés LFI contre. Des « visions du monde opposées », a constaté le député européen PS/Place publique Raphaël Glucksmann, qui fustige celle incarnée par Jean-Luc Mélenchon dont « l’antiaméricanisme » est « érigé en boussole » et « conduit à épouser la cause des tyrans ».
La France « s’en tient à sa politique d’une seule Chine »
La sortie du leader « insoumis » s’avère en outre être du pain bénit pour les socialistes dissidents qui avaient refusé de voir le PS s’allier à LFI dans la Nupes. La Nupes est « une alliance d’opportunisme sans ligne ! », pointe du doigt le maire PS du Mans, Stéphane Le Foll, jugeant « salutaire » le « débat » ouvert par M. Mélenchon, car c’est l’occasion pour la gauche de « rester internationaliste, européenne, et surtout pas non alignée » comme LFI le prône.
Dans la majorité présidentielle, l’eurodéputée LRM/Renaissance, Nathalie Loiseau, dénonce les prises de position « scandaleuses » de Jean-Luc Mélenchon. « La politique d’une seule Chine, c’est celle de tous, personne ne la conteste », mais « ce n’est pas, mais alors pas du tout, ce que votre leader a écrit », a-t-elle lancé sur Twitter à Manuel Bompard, bras droit de M. Mélenchon.
La France a confirmé jeudi par la voix de sa ministre des affaires étrangères, Catherine Colonna, qu’elle « s’en tient à sa politique d’une seule Chine », tout en soulignant que « la visite du président ou de la présidente de la Chambre des représentants américains n’est pas sans précédent » à Taïwan, et qu’« en tout état de cause », elle « ne doit pas servir de prétexte à la Chine pour des mesures d’escalade qui accroîtraient la tension ».