Syrie: résistance des forces kurdes, patrouilles russes après le retrait américain – Le Figaro

Au septième jour d’une offensive lancée par Ankara dans le nord-est de la Syrie, les forces kurdes opposent une résistance acharnée dans la ville frontalière clé de Ras al-Aïn tandis que l’armée syrienne a repris le contrôle de la ville de Minbej, plus à l’ouest. Le Figaro fait le point.

• L’armée syrienne a repris la ville de Minbej

Dans la ville de Minbej. Aaref WATAD / AFP

Les forces de Bachar al-Assad ont pris le contrôle de la totalité de la ville syrienne de Minbej et de ses environs, dans le cadre d’un déploiement destiné à contrer l’offensive turque, a indiqué Moscou ce mardi. «Les forces gouvernementales syriennes ont pris le contrôle total de la ville de Minbej et des localités avoisinantes», a déclaré le ministère russe de la Défense dans un communiqué. Il a ajouté que la police militaire russe «mène des patrouilles aux frontières nord-ouest de la région, le long de la ligne de contact» entre les forces syriennes et turques.

En réaction, la coalition internationale anti-État islamique emmenée par les États-Unis a confirmé avoir quitté la ville de Minbej. «Les forces de la coalition effectuent un retrait délibéré du nord-est syrien. Nous avons quitté Minbej», a indiqué le porte-parole de la coalition internationale sur Twitter, le colonel Myles Caggins.

La Turquie a pour sa part affirmé ce mardi qu’elle poursuivrait son opération militaire dans le nord de la Syrie «avec ou sans le soutien» du monde et dénoncé le «sale marché» conclu entre les forces kurdes et le régime de Damas.

• Nouvelle réunion du Conseil de sécurité mercredi

Les membres européens du Conseil de sécurité de l’ONU ont demandé une nouvelle réunion à huis clos sur l’offensive militaire turque en Syrie qui devrait se tenir mercredi en fin de matinée, selon des sources diplomatiques. La session a été demandée par la Belgique, l’Allemagne, la France, la Pologne et le Royaume-Uni. Une première réunion jeudi dernier s’était soldée par des divisions du Conseil et une déclaration des seuls Européens réclamant l’arrêt de l’offensive turque. La Russie et la Chine avaient ensuite bloqué vendredi un texte des États-Unis exigeant aussi l’arrêt des opérations turques dans le nord de la Syrie.

• Moscou ne permettra pas des affrontements turco-syriens

L’envoyé spécial russe pour la Syrie, Alexandre Lavrentiev, a assuré que Moscou ne permettrait pas des affrontements entre les armées turque et syrienne. De tels affrontements «ne sont dans l’intérêt de personne et seraient inacceptables», a-t-il déclaré, cité par l’agence publique TASS depuis Abou Dhabi, où le président russe Vladimir Poutine est en déplacement ce mardi. «Nous ne laisserons pas (les choses) en arriver là», a-t-il promis, ajoutant que la Russie ne soutenait pas l’offensive turque, mais qu’elle avait au contraire «toujours exhorté la Turquie à la retenue».

• Les forces kurdes résistent face aux Turcs

Les forces d’Ankara ont lancé le 9 octobre une offensive dans le nord de la Syrie contre les Unités de protection du peuple (YPG) et ont depuis pris le contrôle d’une bande frontalière de près de 120 km. Si la ville frontalière de Tal Abyad est tombée aux mains des Turcs et des supplétifs syriens, celle de Ras al-Aïn – plus à l’est -, semble résister pour l’instant. Pour défendre cette autre ville frontalière, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les YPG, utilisent un réseau dense de tunnels et de tranchées.

Elles «ont lancé dans la nuit une vaste contre-attaque contre les forces turques et leurs alliés syriens près de Ras al-Aïn», a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), qui dispose d’un vaste réseau de sources dans le pays. Dans le même temps, les forces du régime de Bachar al-Assad se sont déployées au sud de Ras al-Aïn, à la périphérie de la ville de Tal Tamr, en vertu d’un accord conclu dimanche avec les Kurdes visant à contenir l’offensive turque. Deux soldats ont été tués, selon OSDH.

• Pompeo et Pence vont se rendre en Turquie

Donald Trump a annoncé que le vice-président Mike Pence et le secrétaire d’Etat Mike Pompeo se rendraient mercredi en Turquie afin de négocier un «cessez-le-feu». Selon la Maison-Blanche, M. Pence rencontrera jeudi à Ankara le président Erdogan qui ne cesse de répéter vouloir poursuivre l’offensive contre la milice kurde syrienne des YPG.

Par ailleurs, un haut responsable américain a affirmé que les États-Unin n’ont pas «constaté à ce stade d’évasion majeure» de prisonniers de l’État islamique détenus par les forces kurdes. Ce responsable a assuré à des journalistes que le seul «incident notable» concernait une centaine de déplacés, souvent des femmes ou enfants de djihadistes, qui ont disparu dans le sillage de l’avancée turque.

• Londres suspend les exportations d’armes vers Ankara

Emboîtant le pas à d’autres pays européens, la Grande-Bretagne a annoncé ce mardi suspendre ses exportations d’armes vers la Turquie. Paris et d’autres capitales européennes craignent que de nombreux membres de l’EI détenus par les Kurdes ne réussissent à s’enfuir et que le groupe djihadiste ne profite du chaos sécuritaire pour se reformer sur le terrain.

Mardi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a assuré dans le Wall Street Journal «qu’aucun combattant de l’EI ne pourra quitter le nord-est de la Syrie».

• Édouard Philippe juge une résurgence de l’EI «inévitable »

La résurgence du groupe djihadiste est «inévitable», a jugé ce mardi le chef du gouvernement français, interrogé à l’Assemblée. L’offensive turque en Syrie «est à la fois permise et renforcée dans ses effets par le retrait unilatéral décidé par les Américains», a-t-il déclaré lors de la séance des questions au gouvernement. Cette intervention est «dévastatrice pour notre sécurité collective, avec la résurgence inévitable de Daech dans le Nord-Est syrien et probablement d’ailleurs dans le Nord-Ouest irakien, donc la déstabilisation d’un régime qui n’a pas besoin de ça», a-t-il ajouté.

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a pour sa part annoncé qu’il allait se rendre en Irak pour discuter avec les autorités irakiennes et «les Kurdes» de la «sécurité» des camps où sont détenus les djihadistes étrangers.

• Un bilan humain «inquiétant »

Les forces turques dans la ville de Minbej. Zein Al RIFAI / AFP

En sept jours, l’offensive turque a déjà tué 71 civils côté syrien et 158 combattants des FDS, selon l’Observatoire. Les affrontements ont également tué 128 combattants proturcs, selon la même source, et six soldats turcs, selon Ankara. En outre, 20 civils sont morts dans des tirs de roquettes sur des villes turques en provenance de la Syrie. L’offensive a par ailleurs provoqué en outre l’exode de 160.000 personnes d’après l’ONU.

À ce sujet, les autorités kurdes en Syrie se sont alarmées ce mardi de l’arrêt des activités de «toutes» les ONG internationales et le retrait de leurs employés du nord-est du pays. «La situation des déplacés a empiré dans les régions visées par l’agression (turque), avec l’arrêt total de l’aide humanitaire, l’arrêt des activités de toutes les organisations internationales et le retrait de leurs employés», déplore un communiqué de l’administration semi-autonome kurde.

L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a pour sa part annoncé sur Twitter avoir pris la «difficile décision» de suspendre la plupart de ses actions dans le nord-est de la Syrie et d’évacuer les membres internationaux de son personnel.

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