Syrie: le point sur les combats entre les forces turques et les Kurdes – Le Figaro

Dimanche 13 octobre, les forces turques et leurs supplétifs syriens progressaient malgré la résistance des forces kurdes dans le nord de la Syrie, où des familles de membres du groupe djihadiste État islamique (EI) ont fui un camp situé à proximité des combats.

Les combats font rage au cinquième jour d’une offensive turque qui a provoqué un tollé international et entraîné la mort de plus de 150 personnes, dont une cinquantaine de civils, et l’exode de plus de 130.000.

Civils arabes et Kurdes fuient Tal Abyad, suite à l’attaque militaire turque contre les zones contrôlées par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie. DELIL SOULEIMAN/AFP
Depuis Akcakale, ville turque à la frontière syrienne, on peut apercevoir la fumée émanant de Tal Abyad, suite à un tir de mortier. BULENT KILIC/AFP

Avec cet assaut, la Turquie cherche à contrôler des secteurs du nord syrien et à y instaurer une «zone de sécurité» de 32 km de profondeur pour séparer sa frontière des territoires aux mains des Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde qualifiée de «terroriste» par Ankara.

À la faveur de la guerre complexe en Syrie déclenchée en 2011, la minorité kurde a instauré une autonomie de facto sur de vastes régions du nord et nord-est du pays, le long de la frontière turque. Ces secteurs sont sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants dominée par les YPG.

Ce dimanche, les forces turques ont conquis la ville frontalière de Tal Abyad, a rapporté l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Il s’agit de la plus grande ville conquise jusqu’à présent par les forces turques depuis le début de leur offensive mercredi, a précisé l’Observatoire, ajoutant que la seule cible majeure qui reste à prendre dans la phase initiale de l’assaut, est la ville de Ras al-Aïn.

Les forces turques sont entrées dans la ville de Tal Abyad ce dimanche 13 octobre. BAKR ALKASEM/AFP
BAKR ALKASEM/AFP

Près de Tal Abyad, les forces turques et les supplétifs syriens ont également conquis la localité de Suluk, toujours d’après l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Dans l’après-midi, la Turquie a aussi afformé avoir pris le contrôle d’un important axe routier, l’autoroure M-4, dans le nord-est de la Syrie.

Des combattants syriens soutenus par les Turcs transportent un homme blessé, près d’Al Abyad, le samedi 12 octobre. BAKR ALKASEM/AFP
Les combats s’intensifient ces derniers jours autour d’Al Abyad, à la frontière turco-syrienne. BAKR ALKASEM/AFP

Sur le front de Ras al-Aïn, plus à l’est, les forces kurdes ont fait reculer les militaires turcs et les combats se poursuivaient à la périphérie de la ville, a indiqué l’OSDH. Un responsable des FDS à Ras al-Aïn a affirmé que ses forces avaient utilisé «des tunnels souterrains» pour prendre l’assaillant par surprise.

Des enfants sont installés à l’arrière d’un camion fuyant la ville de Ras al Ain, le mercredi 9 octobre. RODI SAID/REUTERS
Les civils fuyaient la ville de Ras al-Ain ce mercredi 9 octobre, pour échapper aux bombardements turcs. DELIL SOULEIMAN/AFP
Une femme syrienne, touchée durant le bombardement de Ras al-Aïn, est soignée dans un hôpital de Tal Tamr, le 11 octobre. DELIL SOULEIMAN/AFP

Face à la résistance des combattants kurdes, les forces turques progressaient lentement. Elles ont pris au total depuis mercredi une trentaine de villages aux Kurdes mais n’ont pas encore conquis de villes majeures, selon l’OSDH. Au moins 14 civils ont été tués dimanche, dont cinq personnes à bord d’une voiture visée par des combattants proturcs près de Aïn Issa, a dit l’ONG.

Une voiture chargée d’explosifs a explosé vendredi 11 octobre dans le quartier animé de Qamishli, l’une des principales villes kurdes du nord-est de la Syrie. MOHAMMED AHMAD/AFP
Selon les autorités kurdes, l’explosion a fait plusieurs victimes. RODI SAID/REUTERS

En cinq jours, 104 combattants kurdes ainsi que 52 civils ont été tués dans les violences, selon un dernier bilan de l’OSDH. Ankara a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 18 civils dans la chute de roquettes kurdes tirées sur des villes frontalières turques.

Un homme est évacué d’un immeuble à Akcale, ville turque frontalière de la Syrie, après une attaque. BULENT KILIC/AFP
Des femmes se réunissent autour de la tombe de Halil Yagmur lors de ses funérailles à Suruc, en Turquie, le samedi 12 octobre. Dix civils turcs sont morts vendredi lors d’un bombardement transfrontalier. OZAN KOSE/AFP

Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), «des déplacements significatifs continuent d’être rapportés autour de Tal Abyad et Ras al-Aïn», avec des «estimations dépassant les 130.000 personnes». Ces déplacés ont été installés dans des écoles transformées en abri dans des zones relativement épargnées par les violences.

Des civils kurdes et arabes sont arrivés à Hassakeh, après avoir fui les combats dans le Nord-Est syrien. DELIL SOULEIMAN/AFP
Les civils sont déplacés dans des villes censées être relativement épargnées par les violences. DELIL SOULEIMAN/AFP

Les FDS ont combattu pendant des années l’État islamique, vaincu en mars dernier en Syrie, avec principalement l’aide des États-Unis dont des centaines de soldats sont déployés dans le Nord syrien.

L’offensive turque a été lancée deux jours après que les États-Unis ont retiré des soldats des abords de la frontière syro-turque, semblant donner le feu vert à l’assaut.

Un «coup de couteau dans le dos», ont accusé les FDS en appelant malgré tout les États-Unis à «assumer leurs responsabilités morales» et à «fermer l’espace aérien face à l’aviation turque», principal atout dans l’offensive. Ce dimanche, le chef du Pentagone, Mark Esper, annonçait par ailleurs sur CBS le retrait, sur ordre de Donald Trump, de jusqu’à 1000 soldats américains du nord de la Syrie, évoquant «une situation intenable» pour des troupes pouvant «se retrouver prises en étau».

Les autorités kurdes ont de plus maintes fois mis en garde contre une résurgence de l’EI, en cas de chaos sécuritaire provoqué par une offensive turque. Des cellules dormantes de l’EI pourraient libérer les milliers de djihadistes et leurs familles retenus dans des prisons ou des camps de déplacés, ont-elles averti.

Elles ont par ailleurs annoncé ce dimanche la fuite de près de 800 proches de djihadistes étrangers du groupe État islamique d’un camp de déplacés du nord de la Syrie, à proximité de combats entre forces kurdes et proturques.

L’administration semi-autonome a rapporté la fuite de «785» proches de djihadistes, assurant que «le camp d’Aïn Issa était désormais sans gardes». Contacté par l’AFP, l’OSDH a assuré que les gardes du camp l’avaient «quitté» et que «des déplacés» fuyaient «au fur et à mesure».

La France s’est dite «inquiète» de ces fuites. Des familles de djihadistes français se trouvant en Syrie ont également pressé le gouvernement de les rappatrier «d’urgence», eux et leurs enfants. «Avant que la situation n’empire, avant que des enfants innocents soient tués ou blessés en plus grand nombre, avant que les prisonniers étrangers ne se dispersent dans le chaos syrien, le gouvernement français et les gouvernements européens doivent enfin réagir, et réagir conformément au droit international humanitaire et aux principes fondamentaux de la protection de l’enfance», écrit dans un communiqué le «Collectif des familles unies».

Angela Merkel a quant à elle enjoint au président turc Recep Tayyip Erdogan, joint par téléphone. d’immédiatement faire cesser l’offensive dans le nord de la Syrie. Cette offensive risque de faire partir une grande partie de la population de la zone prise pour cible ainsi que de provoquer «une déstabilisation de la région et [de] conduire à une résurgence de l’EI», a-t-elle ajouté.

Quelque 12.000 combattants de l’EI, des Syriens, des Irakiens mais aussi 2500 à 3000 étrangers originaires de 54 pays, sont détenus dans les prisons des Kurdes, selon leurs statistiques. Les camps de déplacés accueillent quelque 12.000 étrangers, 8000 enfants et 4000 femmes.

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