Suspension du financement de l’OMS : cinq minutes pour comprendre la décision choc de Trump – Le Parisien

La menace formulée le 8 avril est devenue réalité. Donald Trump l’a mise à exécution ce mardi 14 avril : les Etats-Unis suspendent la contribution allouée à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en pleine crise du coronavirus. Le président américain souhaite prendre le temps d’évaluer le rôle de l’OMS « dans la mauvaise gestion et la dissimulation de la propagation » de la maladie Covid-19.

Une décision historique qui, si elle se confirme, pourrait avoir de lourdes répercussions pour l’agence de santé rattachée à l’Organisation des nations unies (ONU).

Pourquoi Trump fait-il ça ?

Aux yeux du président des Etats-Unis, l’OMS est coupable de nombreuses « erreurs » depuis le début de la crise sanitaire. Selon Trump, elle serait également trop proche de la Chine, avec qui les tensions sont vives depuis sa prise de fonctions. « Le monde a reçu plein de fausses informations sur la transmission et la mortalité », avance Donald Trump dans un long réquisitoire contre l’agence de santé.

« Si l’OMS avait fait son travail et envoyé des experts médicaux en Chine pour étudier objectivement la situation sur le terrain, l’épidémie aurait pu être contenue à sa source avec très peu de morts », poursuit-il, annonçant « des problèmes avec eux depuis des années ». « La Chine a toujours raison » avec l’OMS, conclut Trump.

Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a développé de son côté l’idée d’un « changement radical » : « Par le passé, l’OMS a fait du bon boulot. Malheureusement, cette fois, elle n’a pas fait de son mieux, et nous devons faire en sorte de faire pression pour changer radicalement cela ».

Les Etats-Unis sont le pays le plus endeuillé au monde par la maladie. Plus de 25 000 décès liés au Covid-19 ont été enregistrés (chiffres arrêtés le 14 avril, 20h30 heure de New York). En février, Donald Trump affirmait lui-même que le risque de contamination aux Etats-Unis était « très faible » et qu’il n’y avait « pas de raison de paniquer ».

Trump justifie sa décision

Est-il le seul à critiquer l’OMS ?

L’Organisation est au cœur de la crise du coronavirus : elle informe la communauté internationale et donne des directives, non contraignantes, à suivre. Fin janvier, une première critique naissait à son encontre : a-t-elle tardé à déclarer l’état d’urgence international? Selon Le Monde, la Chine a notamment fait pression pour retarder cette annonce, par la voix de son représentant au comité d’urgence lié au Covid.

Le 10 janvier, l’OMS faisait également une recommandation contestée en déconseillant à la Chine une restriction des voyages et la mise en place de mesures sanitaires à l’encontre des voyageurs. Le tout sur la base d’un rapport préliminaire qui affirmait l’absence de toute « transmission interhumaine significative du virus ». La reconnaissance de cette transmission entre être humain n’arrivera finalement que le 22 janvier.

Cette décision tardive a notamment fait grimper les tensions entre Taiwan et l’OMS. L’Etat insulaire, en conflit diplomatique avec la Chine, estime que l’OMS a ignoré ses avertissements concernant une « pneumonie atypique » adressés dès la fin du mois de décembre.

Combien payent les Etats-Unis ?

Le budget de l’organisation provient de deux sources. Les contributions fixées, d’abord, un montant versé par tous les États membres et calculé en fonction de la fortune et la population du pays. Puis les contributions volontaires, qui peuvent provenir d’États membre (en plus des contributions fixées) et d’autres partenaires, comme la Fondation privée Bill & Melinda Gates, qui a contribué à elle seule à hauteur de 324 millions de dollars (M$) en 2017.

Les Etats-Unis sont concernés par les deux contributions. Pour la première, la « fixée », sa taille (350 millions d’habitants) et sa puissance économique (premier Produit intérieur brut mondial) lui imposent une contribution annuelle à hauteur de 22 % du budget. Pour l’année 2020, le pays de l’oncle Sam a payé 115,7 M$, selon les données fournies par l’OMS.

Mais la deuxième contribution, la « volontaire », est plus importante. En 2017 (derniers chiffres disponibles), les Etats-Unis donnaient 401 M$ à l’OMS. En associant les deux contributions, le pays aux 50 Etats est donc le principal contributeur du monde avec plus de 515 M$.

Deux éléments de comparaison : la Chine, pointée du doigt par Trump, contribue à 57 M$ (12 % du budget) pour la part fixée en 2020 et à 10 M$ pour la part volontaire en 2017. Enfin, la France, elle, paye 21,8 M$ (4,4 % du budget) en part fixe et 13 autres millions en dons volontaires.

Quelles conséquences pour l’OMS ?

La part fixée pour l’année 2020 est censée être versée au 1er janvier sur deux comptes (un paiement en dollars américains et un second en francs suisses). « Un paiement rapide par les Etats membres est essentiel pour garantir les ressources financières disponibles à l’exécution du budget », explique l’OMS dans une note fournie à chaque pays membre. Elle en compte 194 en 2020.

Vous l’aurez compris, la contribution des Etats-Unis est une part importante du budget global avec plus de 500 M$. Pour le moment, la décision de Trump n’est que suspensive et les conséquences immédiates restent limitées. Seuls les prochains versements sont concernés. Selon le président américain, la période d’évaluation du rôle de l’OMS dans la pandémie de Covid-19 doit durer 60 à 90 jours. Une décision définitive pourrait être prise à l’issue de ce délai. En février dernier, lors de la présentation du budget américain, Trump avait déjà proposé une baisse de 57 M$ de la contribution volontaire des Etats-Unis à l’OMS.

Quelles sont les réactions ?

L’OMS n’a pas réagi à l’annonce américaine. Sa maison mère, l’ONU, oui. Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies a affirmé que « ce n’était pas le moment de réduire le financement des opérations de l’OMS ou de toute autre institution humanitaire combattant le coronavirus ». « Une fois que nous aurons finalement tourné la page de cette épidémie, il y aura un temps pour revenir pleinement en arrière pour comprendre comment une telle maladie a pu survenir et répandre sa dévastation aussi rapidement à travers le monde », ajoute-t-il dans son communiqué.

« Blâmer n’aide pas », lance de son côté l’Allemagne, par la voix de son ministre des Affaires étrangères. La Chine, directement accusée par Trump, fait part de sa « vive préoccupation ». « Cette décision va affaiblir les capacités de l’OMS et miner la coopération internationale contre l’épidémie », estime le chef de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian. L’Union européenne, par son représentant aux Affaires étrangères, Josep Borrell, a fait part de son incompréhension : « Il n’y a aucune raison pour justifier » cette décision.

Quant à l’Association américaine de médecine, elle demande à Trump de reconsidérer sa position et dénonce « un pas dangereux dans la mauvaise direction qui ne facilitera pas la lutte contre le Covid-19 ».

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