Sculpteo explore la matière avec son partenaire BASF

Sculpteo explore la matière avec son partenaire BASF

Quatre ans après notre première visite sur le site de production de Sculpteo, le lieu a bien changé. Fini l’atelier, Sculpteo assure désormais des livraisons en plus gros volumes et peut réaliser des séries d’un millier de pièces.

La société opère toujours sur son site historique, à Villejuif, mais a doublé sa capacité de production. Il faut désormais traverser la rue pour rejoindre le nouvel entrepôt qui a coûté 2 millions d’euros au spécialiste de l’impression 3D, qui, depuis un an, est entré dans le giron du géant allemand de l’industrie chimique BASF, via sa filiale française.

Cette opération a permis à Sculpteo de se rapprocher de la matière première, le plastique, utilisée pour son procédé d’impression. Un rachat opportun aux yeux de Clément Moreau, son directeur général, à un moment charnière où la firme française espérait renouveler son portefeuille de matériaux disponibles et avait aussi besoin de refinancement. « Obtenir des matières sur-mesure, c’est ce qui permet de faire de la vraie production. Les clients n’ont pas de connaissance de la matière, mais veulent des caractéristiques bien précises,comme les matériaux recyclables ou résistants à des hautes températures » explique Clément Moreau à ZDNet. Pour honorer commandes aussi pointues que des matières recyclables, « le Sculpteo d’ il y a deux ans n’avait pas de solution », reconnaît son dirigeant.

Mais ce rachat offre surtout la possibilité à Sculpteo d’échanger avec ceux qui fabriquent la matière : « On travaille en direct avec les équipes en charge de la R&D sur la matière. On a la possibilité d’aller challenger 200-250 personnes dans les labo de recherche » décrit Clément Moreau. « Cela fait dix ans que j’en rêve ! »

Pour BASF, cette croissance externe est l’assurance de verticaliser la chaîne de valeur, en se rapprochant du client final, analyse le CEO de Sculpteo.

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Le fabricant vise 50 machines pour l’année prochaine

Chez Sculpteo, l’impression 3D voit en 2D et en noir et blanc. Une vitre laisse entrevoir le passage du laser sur la matière, et lentement, des pièces se dessinent grâce à la technique du frittage laser. La poudre noire ou blanche est déposée en couches successives, et entre chaque passage, le laser vient suivre la forme de l’objet et solidifier la poudre. L’opérateur présent sur place peut surveiller le processus de fabrication depuis l’écran de contrôle, situé à proximité de la machine.

L’opération est lente et la machine travaille toute la nuit pour usiner les pièces. A cela s’ajoute un cycle de refroidissement, ce qui monte le temps de production à J+2.

L’une des machines de l’entrepôt réalisait 1306 objets dans un seul bac de 35 x 35 x 60 centimètres.
Les pièces créées ensemble peuvent provenir de différentes commandes client.

Une fois le cycle fini, le bac est sorti puis les objets sont nettoyés un à un dans la sableuse. « C’est un peu un travail d’archéologue » évoque Clément Moreau. La poudre tamisée est en partie recyclée, et mélangée avec de la poudre neuve pour être réutilisée.

Dans le second entrepôt flambant neuf, les machines montent en gamme et sont séparées les unes des autres par des parois vitrées, donnant à voir un environnement de travail moins bruyant et mieux sécurisé. Le personnel affairé à la manipulation des bacs et des poudres plastiques est équipé de gants et de masques anti-poussière, pour l’opération de dessablage. Clément Moreau assure qu’il ne s’agit que d’une précaution supplémentaire contre la poussière, puisque les hottes aspirantes situées au dessus des postes de travail font déjà très bien le boulot.


L’opérateur porte un masque anti-poussière et des gants pour manipuler les pièces qui sont sorties du bac.

Dernière étape et non des moindres : la vérification de la conformité des pièces fabriquées, qui peut se faire visuellement ou via un scanner 3D. « C’est ce qui différencie l’artisanat de la production » précise Clément Moreau. Le risque du métier, c’est aussi de ne pas parvenir à reproduire fidèlement l’objet conçu au départ. « Comme on travaille sur des pièces uniques, cela prend nécessairement quelques jours pour réussir la première pièce. Le rendu n’est pas tout à fait comme imaginé, cela tient au physique de la matière » car la pièce peut, par exemple, rétrécir lorsqu’elle refroidie.


Sculpteo fabrique des pièces uniques, comme cette plaque “ZDNet”, lors de notre passage.

Sculpteo dispose d’une trentaine de machines en tout. D’ici à la fin 2021, le nombre devrait passer à 50. Plus de 1000 objets sont livrés chaque jour et mille autres commandes arrivent chaque semaine, sur le site où travaillent une cinquantaine de personnes.

Une structure qui s’industrialise, toute proportion gardée

Si le nombre de commandes augmente, c’est que le marché de la fabrication additive connaît une croissance de 30% à l’année. Sculpteo travaille notamment beaucoup pour les startups, et continue d’assurer ses services pour le grand public et les professionnels. « On fait des boitiers de cigarettes électroniques en série » évoque Clément Moreau. Sculpteo produit également des accessoires de mode pour le marché du luxe, des drones et des outillages pour l’industrie.

Le fabricant est capable de produit des milliers de pièces par série. La différence entre l’opérateur de fabrication additive et un acteur industriel se situe pourtant là : Sculpteo ne produit pas “en million” et ne pourrait donc pas réaliser, par exemple, des produits de grande consommation comme des poignée de portes ou le dernier iPhone. La société est toujours présente sur le marché du prototypage et de la maquette, indispensables d’un point de vue marketing. « Il faut en faire : c’est grâce à cela que l’on rentre chez un nouveau client » assure Clément Moreau.

Au prochain tournant, c’est le marché automobile que Sculpteo espère atteindre. Réaliste, Clément Moreau admet toutefois que le contexte défavorable rend cette stratégie « très compliquée”. Dans les faits, le groupe a même été contraint de « décaler tout le business plan d’un an » à la suite de la pandémie.

Si la crise sanitaire nuit aux affaires, l’impression 3D avait beaucoup fait parler d’elle pendant le confinement, lorsque les hôpitaux, débordés, réclamaient un renfort matériel. Comme d’autres, Sculpteo a répondu présent à l’appel, en proposant des crochets pour les perfusions, des visières et des adaptateurs pour équiper les respirateurs. Si la fabrication additive a fait ses preuve « dans l’urgence » de la situation, là où la fabrication industrielle aurait mis plus de temps à réagir, Clément Moreau reconnaît n’y avoir « pas vraiment cru au début » car l’impression 3D reste une technologie onéreuse.

L’explosion de l’impression 3D signifie-t-elle que la technologie est sortie de la confidentialité ? Clément Moreau aimerait que ce soit le cas. Il ne voit d’ailleurs pas les Fablabs comme des concurrents directs : « Plus les gens y vont, plus ils utilisent les services Sculpteo. On ne sert pas les mêmes usages. » Malgré ces signes encourageants, Clément Moreau regrette que l’impression 3D ne soit pas encore arrivée sur l’étagère de tous les ingénieurs : « Ce qu’il faut, c’est que les ingénieurs pensent en 3D, et que l’impression 3D devienne une technologie parmi d’autres. »

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