Scandale du Mediator: Six mois d’audience, 5.000 victimes et Servier qui conteste… Le procès s’ouvre ce… – 20 Minutes

Le procès du scandale du Médiator débutera le 23 septembre et durera six mois. — FRED TANNEAU / AFP
  • Le procès du Mediator s’ouvre ce lundi à Paris. Il doit durer six mois.
  • Une centaine de témoins, 400 avocats et 5.000 victimes, cela va être une audience hors norme.
  • Pour les laboratoires Servier, le risque est surtout financier.

Depuis qu’elle a révélé le scandale du Mediator, en 2010, Irène Frachon a vu sa vie s’accélérer brusquement. Alors, quand on lui demande dans quel état d’esprit elle se trouve alors que s’ouvre, ce lundi, le procès des laboratoires Servier, les sentiments se mêlent à toute vitesse : « Je suis émue et heureuse. Et puis concentrée aussi. En fait, je suis surtout soulagée pour les victimes… »

Et sans prendre le temps de respirer, la voilà qui raconte l’histoire de cette patiente qui devait justement partir, vendredi, en vacances en Tanzanie avec sa fille. « Elle m’a appelé pour me dire qu’elle était finalement hospitalisée… Il ne faut pas oublier que les victimes ont pris une peine de perpétuité dans cette affaire… »

Ce lundi, ce sont les représentants des laboratoires Servier et de l’Agence nationale de sécurité du médicament qui prendront place sur le banc des prévenus du tribunal correctionnel de Paris. Pendant plus de six mois, ils vont devoir répondre de faits de « tromperie aggravée » mais aussi « d’homicides et de blessures involontaires ».

A terme, le Mediator pourrait entraîner 2.100 décès

Une centaine de témoins, presque quatre fois plus d’avocats et déjà 2.684 victimes constituées parties civiles (elles pourraient être 5.000 ce lundi), c’est un procès hors norme qui va donc s’ouvrir dix ans après le retrait du marché de ce médicament des laboratoires Servier.

Présenté comme un antidiabétique, il a, en réalité, été largement prescrit comme un coupe-faim pendant les 33 années de sa commercialisation. Mais ce n’est qu’en 2009 qu’on a su sans doute qu’il était à l’origine de graves lésions cardiaques, notamment des valvulopathies. A terme, il pourrait entraîner 1.300 à 2.100 décès parmi les 5 millions de personnes qui en consommaient, selon les différentes expertises publiées sur le sujet.

« La défense de Servier est inconsistante », pense Irène Frachon

« Ce procès est déjà une victoire en soi, pense Charles Joseph Oudin, un avocat qui va représenter 250 victimes à l’audience. Le défi désormais est de faire que ce ne soit pas un débat d’experts. C’est un désastre humain : il faut que le tribunal entende les malades parler de ce que c’est que de vivre après le Mediator. »

Ce ne sera pas simple. Souvent âgés et habitant loin de Paris, les malades du Mediator seront finalement sans doute peu nombreux à faire le déplacement jusqu’au tribunal. Quant aux laboratoires Servier, ils s’apprêtent à contester, pied à pied, chaque accusation. « Il va y avoir un vrai enjeu de pédagogie, admet ainsi François de Castro, l’un des avocats du groupe pharmaceutique. Mais oui, nous allons expliquer qu’il n’y a eu aucune dissimulation des effets secondaires du médicament. »

Motivée à l’idée de suivre les six mois d’audience, Irène Frachon n’est, pourtant, pas inquiète à cette idée. « Nous avons eu dix ans d’enfumage de Servier. Mais cette fois, c’est fini !, lâche la pneumologue de Brest (Finistère). Leur défense est inconsistante. On va être le nez sur les molécules. Ils vont avoir du mal à prouver que le benfluorex [le principe actif du médicament] n’était pas dangereux dans le Mediator alors qu’il l’était dans l’Isoméride [Un précédent médicament pour lequel Servier a été condamné dans les années 2000] ».

Un risque financier réel en attendant le second procès, voire le troisième

Pour les laboratoires qui emploient 22.000 personnes, l’enjeu est aussi financier. Si le tribunal passera du temps à examiner les dossiers des 91 victimes blessées et des quatre décédées, il consacrera sans doute l’essentiel de l’audience à l’accusation de « tromperie aggravée », mise en avant par l’ensemble des 5.000 victimes. Chacune d’entre elles pourrait ainsi réclamer des dommages et intérêts aux laboratoires Servier.

En dix ans, le groupe a déjà dû verser 131,8 millions d’euros à près de 4.000 patients. Il a aussi versé une caution de 90 millions d’euros à la justice. Mais il estime, selon une source interne qui s’est confiée à 20 Minutes, que le risque total pourrait se chiffrer à un milliard d’euros.

Ce ne sera quoi qu’il en soit pas la facture finale. Alors que ce procès débute ce lundi, les juges continuent à examiner les plaintes d’autres patients dont la prise du Mediator aurait pu causer des blessures ou des décès. Cela devrait donner lieu, à l’avenir, à un second et même peut-être un troisième procès Mediator.

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